Crise en RDC : "Nous sommes jeunes et majoritaires, notre voix compte"

Crise en RDC : "Nous sommes jeunes et majoritaires, notre voix compte"
Kinshasa le 20 décembre 2016. (EDUARDO SOTERAS / AFP)

En République démocratique du Congo, la situation politique est toujours instable depuis que le président Kabila a refusé de laisser le pouvoir fin 2016. La jeunesse congolaise tente de faire avancer le pays et les mentalités pour sortir de cette crise. Rencontre avec Luc Nkulula, membre du mouvement de jeunesse citoyenne la Lucha.

Par Justine Benoit
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Documents sous le bras, chemise blanche et chaussures noires sobres, Luc Nkulula nous reçoit au siège d’Amnesty international. Il est de passage à Paris pour un plaidoyer. Son but, faire réagir et agir la France sur la situation en République démocratique du Congo (RDC). Dans son pays, ce jeune homme est membre d’un mouvement de jeunesse citoyenne, la Lucha, la "Lutte pour le changement".

Depuis que le président Joseph Kabila a refusé de rendre le pouvoir à la fin de son mandat en décembre 2016, le pays n’a cessé de s’enliser dans une crise, tant politique qu’économique. A travers son engagement, Luc Nkulula tente de faire réfléchir la population congolaise sur ses droits, ses devoirs et surtout ses libertés.

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Quelles actions menez-vous avec la Lucha ?

La Lucha est un mouvement de jeunesse citoyen non violent, mais actif. Nous pensons qu’il nous incombe d’éveiller la conscience de la population congolaise, sur ses devoirs mais surtout ses droits. Le gouvernement se doit de lui prodiguer sécurité, emploi, infrastructures décentes et électricité. Au Congo, nous manquons de modèle étatique, de repères, de gens crédibles pour nous montrer la voie à suivre. C’est donc la structure même de l’Etat qui doit être repensée. Et si Kabila est si détesté, c’est parce qu’il n’arrive pas à fournir le minimum vital à sa population. Ce n’est pas tant parce que son mandat à expirer et qu’il reste au pouvoir.  

Quelle est la situation actuelle en RDC ?

Mon pays vit une crise généralisée : une crise économique importante, mais aussi politique. Le pouvoir en place est un pouvoir démissionnaire. Plus personne n’a la légitimité du peuple congolais, car celui-ci n’a donné mandat à personne. Et cette situation met le pays dans une inquiétude terrible, car n’importe qui pourrait s’élever et prendre un territoire ou une ville en otage. C’est cette instabilité politique qui permet aujourd’hui l’émergence des groupes rebelles, car ils ont des arguments contre le pouvoir illégitime en place.

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Mais surtout, nous vivons une situation d’impunité depuis plus de 20 ans, qui gangrène la population. Il y a tellement eu de crimes, de bavures, de détournements de fonds sans aucune justice. La population la réclame désormais. Mais comment demander justice lorsque celle-ci est utilisée comme moyen de répression par le pouvoir, pour faire taire les voix dissonantes au sein de la population ? Surtout que la justice congolaise n’est plus indépendante dès lors que les membres de cette justice sont d’anciens oppresseurs.  

Les exemples de crimes impunis sont légions, donc je ne comprends pas comment un gouvernement qui se veut responsable peut taire la justice de 5 millions de morts. Nous avons tous perdu quelqu’un et on ne saura pas vivre en paix tant qu’on ne connaîtra pas les raisons de la mort de nos proches.

C’est pour ça qu’aujourd’hui vous demandez l’intervention d’une justice internationale ?

Oui, car on a depuis longtemps dépassé le cadre de la justice congolaise. Nous avons besoin d’une justice internationale neutre. Mais nous demandons surtout une justice nouvelle, une institution spéciale pour le Congo, pour juger ces crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide. Si on veut que la région se calme, nous devons mettre en place cette justice au plus vite. L’impunité ne peut plus durer.

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Est-ce important que ce soit la jeunesse congolaise qui porte la voix du changement ?

C’est très important en effet, car nous vivons dans un pays qui se veut démocratique, donc soumis à la loi de la majorité qui gouverne la minorité. Nous sommes jeunes et majoritaires à 55% au Congo. C’est énorme. C’est notre voix, nos problèmes qui devraient préoccuper les autorités, car l’emploi et l’éducation, ce sont des sujets qui nous touchent directement. Avec la Lucha, nous allons aussi lancer une campagne le 31 juillet pour l’organisation d’élections d’ici fin décembre. Si elles n’ont pas lieu, nous devrons obliger le pouvoir actuel à démissionner et proposer quelqu’un d’autre. Nous sommes 80 millions d’habitants, avec une diaspora forte. On trouvera des hommes crédibles, qui existent d’ailleurs déjà dans la société civile, dans les secteur privés et économiques. Ils sont là, nombreux, qui peuvent porter le Congo.  

Quel avenir voyez-vous pour le Congo ?

Quand je regarde vers l’avenir, j’ai le sourire aux lèvres. Je suis très content de faire partie de ces jeunes qui ont initié le changement. Car le changement, il ne faut pas seulement le voir à l’échelle globale, mais aussi à l’échelle individuelle. Le travail que nous sommes parvenus à faire sur nous même, c’est déjà un grand pas en avant. Le changement, à mes yeux, c’est avoir un homme typique comme moi qui ne peut pas être corrompu, qui est indépendant et qui croit qu’il est toujours libre même quand il est en prison. C’est ce que je vois pour le Congo de demain. Mais c’est un combat permanent. La liberté dans mon pays, ça n’est pas un acquis, ça ne l’a jamais été. 

Propos recueillis par Justine Benoit

Justine Benoit
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