Dans les coulisses de la démission du général de Villiers
Les proches du général de Villiers et ceux qui ont soutenu l’attitude du chef de l’Etat reviennent dans le JDD de dimanche sur le malaise qui s’est créé entre l’Elysée et les militaires.
Le général de Villiers s’est-il réfugié dans une atmosphère à la Crabe tambour, méditant sur cette crise inédite que vient de vivre la Ve République? Depuis la haie d’honneur et les applaudissements de "ses hommes" dans la cour du ministère, dont la vidéo diffusée mercredi sur le site Facebook de l’Etat-major aurait suscité une nouvelle colère noire à l’Elysée, il a choisi, selon nos informations, de ne plus s’exprimer en public. "Pas avant la fin de l’été", signale l’un de ceux qui a gardé le contact. Mais avant comme après sa démission, il a échangé de nombreux SMS avec des gens de confiance. Et commencé à chercher des pistes pour se retrouver une activité. A 61 ans, père de six enfants, "il prend les choses avec beaucoup de force", témoigne l’un de ses interlocuteurs "mais le jour d’après a été très dur".
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Mardi 11 juillet, lorsque le général de Villiers a lu dans Le Parisien les propos du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, selon lesquels "il faudra assurer le financement des opérations extérieures en trouvant des économies ailleurs", il n'en a pas cru ses yeux. "Il est tombé de l'armoire", raconte un proche. Bien entendu, il avait participé à des réunions de cadrage où l'on avait évoqué la participation du ministère des Armées aux économies sur le budget 2017, mais il pensait encore pouvoir négocier. D'autant, comme le souligne un ancien partenaire de travail, qu'il venait d'être reconduit dans ses fonctions le 1er juillet et croyait que "cette prolongation confortait son statut de négociateur", comme il l'avait illustré à de maintes reprises depuis trois ans et demi à l'état-major. Le 12 juillet, devant la commission de la défense de l'Assemblée, lorsqu'il espère ne pas "se faire baiser" dans les choix budgétaires, "ce n'est pas le Président qu'il vise, mais Bercy", raconte un élu qui le soutient.
Jean-Yves Le Drian "a essayé de dire halte au feu"
Deux jours plus tard, dans les jardins de l'hôtel de Brienne, Emmanuel Macron vient saluer les délégations des troupes qui défileront le lendemain, et c'est le coup de grâce. Le "je suis votre chef" du Président est ressenti comme une humiliation par le général. "On ne fustige pas le patron d'une entreprise devant ses salariés", plaide l'un de ses meilleurs amis. "Lorsqu'on gifle le chef d'état-major, on le prive de fait de son autorité, ajoute un familier de la hiérarchie militaire, d'autant que le discours du Président a été prononcé en présence du chef d'état-major de l'armée américaine, notre allié, ce qui ne pouvait qu'affaiblir davantage son homologue français."
Jean-Yves Le Drian, ex-ministre de la Défense aujourd'hui au Quai d'Orsay "a essayé de dire halte au feu mais il était trop tard", dit-on dans son entourage. Lui qui pensait que la cohabitation était possible entre Villiers et le chef de l'État et estimait qu'un "compromis aurait pu être trouvé entre quatre yeux", surtout avec cette promesse d'un budget à 34,2 milliards d'euros pour 2018. "Il aurait été heureux, Le Drian, d'avoir une telle enveloppe s'il était resté à son poste", glisse un connaisseur des deux hommes. Un projet de tribune signée par trois généraux d'active sous le sceau de l'anonymat pour soutenir Pierre de Villiers aurait été dissuadé in extremis pour éviter de jeter de l'huile sur le feu.
"Il n'a pas vu qu'on avait changé de côté et que c'était balles neuves ; il a cru qu'en restant un an de plus ce serait open bar
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Y aurait-il eu un quiproquo entre le général et le chef de l'État? Un excès de confiance après avoir été prolongé pour un an? "Il n'a pas vu qu'on avait changé de côté et que c'était balles neuves ; il a cru qu'en restant un an de plus ce serait open bar", commente un haut gradé amateur de tennis. "Il a pensé qu'avec un ministre faible il pourrait reprendre la main", estime un observateur au cœur du système, conscient que le général pouvait être ainsi perçu comme un homme dont "la relation avec le pouvoir civil pose problème".
Faux, rétorque un frère d'armes du général. "Pierre n'a rien d'un factieux, il a pris ses responsabilités, il croit dans le respect que l'on doit à ses subordonnés, des gens qu'on envoie à la guerre en les regardant dans les yeux, il a assumé. S'il avait reculé, il aurait perdu toute crédibilité aux yeux de ses hommes." Après les propos rassurants du Président à Istres, l'affaire en restera-t‑elle là? "Je suis pessimiste, je crains l'effet de la bombe à fragmentation", conclut un député pour qui "le drapeau français mérite mieux que cet immense gâchis".
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