Ukraine : le récit d'une folle journée diplomatique à Paris

 

Ukraine : le récit d'une folle journée diplomatique à Paris

    Faux départ d'un ministre, ballet incessant de limousines, cafés au soleil... Après trois journées de confrontations verbales et de vives accusations formulées de part et d'autre, les chefs de la diplomatie russe, américain, français, britannique, allemand ou polonais ont vécu mercredi à Paris une journée pleine de rebondissements, achevée par la promesse peu engageante de continuer «d'intenses discussions» sur l'Ukraine.

    Ce mercredi matin donc, tous se retrouvent au Palais de l'Elysée pour échanger leurs vues dans une ambiance très policée. A l'origine, ils sont conviés à un déjeuner pour discuter du Liban et des répercussions dans ce pays de la guerre en Syrie, mais, dans les faits, l'Ukraine va dominer les coulisses de cette rencontre internationale organisée à l'initiative de François Hollande.

    Arrivé en retard à la présidence, le Russe Sergueï Lavrov a d'emblée un premier aperçu de la pression qu'entendent exercer sur lui ses homologues occidentaux au moment du café, pris sur la terrasse ensoleillée du Palais. Selon une source proche d'une délégation, la discussion tourne court devant l'intransigeance russe : Sergueï Lavrov  refuse catégoriquement de rencontrer son homologue ukrainien, Andrii Dechtchitsa, acheminé tout exprès la veille de Kiev par l'Américain John Kerry.

    Des conciliabules et quelques blagues

    La suite de la journée sera marquée de multiples réunions bilatérales ou à plusieurs, dans différents endroits de Paris, bousculant sans cesse les programmes que tente de mettre sur pied à la va-vite le ministère français des Affaires étrangères.

    Le ton entre les deux grandes puissances, russe et américaine, est parfois surréaliste alors que l'Europe vit sa pire crise depuis la fin de la Guerre froide (1989). «C'est un gros dossier», lâche Sergueï Lavrov à John Kerry, au début d'un énième entretien, en le voyant ouvrir son classeur de documents officiels, à la résidence de l'ambassadeur de Russie. «Tout ne vous concerne pas», réplique John Kerry, déclenchant les rires des deux délégations.

    Cache-cache entre Dechtchitsa et Lavrov

    Le sourire n'est en revanche pas de mise du côté du ministre ukrainien des Affaires étrangères. Toute la journée, il a attendu que son homologue russe daigne le rencontrer. Las, en milieu d'après-midi, il décide de quitter Paris et de rentrer à Kiev, selon l'ambassade d'Ukraine. Quelque temps plus tard, «changement de programme» : Andrii Dechtchitsa reste finalement en France pour «de nouvelles consultations». L'espoir d'une première rencontre renaît et atteint son paroxysme lorsque les deux hommes sont vus, tous les deux, en début de soirée, au ministère français des Affaires étrangères, par un journaliste. Mais pas dans la même pièce.

    Sergueï Lavrov continue en effet d'ignorer son homologue ukrainien. Au moment où il quitte le Quai d'Orsay, un journaliste lui demande s'il a vu Andrii Dechtchitsa. «Qui est-ce ? Je n'ai vu personne», répond le Russe.

    Poker-menteur entre Lavrov et Kerry

    Au milieu des rumeurs, la Russie annonce de Moscou «un accord» avec les Etats-Unis sur l'Ukraine, peu après démenti par un responsable américain sous couvert d'anonymat. Le «poker-menteur», comme l'a tweeté un journaliste suivant de près les discussions, s'achève par un engagement de la Russie à «poursuivre les discussions dans les jours à venir». Elles seront «intenses», selon John Kerry. «C'est le début des négociations, elles ne sont pas terminées», déclare aussi le Français Laurent Fabius, à quelques heures de l'ouverture à Bruxelles d'un sommet européen extraordinaire qui devrait s'en tenir à «des mises en garde sévères» à la Russie.

    L'éventualité de sanctions, dont la menace a été brandie en début de semaine par certains pays pour sanctionner la violation du droit international par Moscou, est remise à plus tard par les mêmes pays. L'objectif reste de mettre sur pied «un groupe de contact» sur l'Ukraine, qui permettrait à tous les pays présents mercredi à Paris de se retrouver pour de nouvelles et futures discussions diplomatiques.