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ReportageGrands projets inutiles

Près de Toulouse, le préfet veut imposer un centre commercial au mépris de la justice

Ce lundi 24 juillet, les travaux pour la création du méga centre commercial Val Tolosa ont repris. Le tribunal de Bordeaux s’est pourtant prononcé le 13 juillet contre la destruction de l’habitat des espèces protégées présentes sur le site. Mais le préfet a passé un nouvel arrêté pour détruire ces espèces.

-  Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne), reportage

Quelques ouvriers, des camions et un enjeu central : la reprise des travaux de construction de Val Tolosa, un énième projet de centre commercial. Le 13 juillet, la cour administrative d’appel de Bordeaux a pourtant jugé illégale la destruction de l’habitat des espèces protégées présentes sur le site comme le trèfle écailleux, le renoncule à feuilles d’ophioglosse ou encore le sérapias en coeur. Mais la veille de cette décision de justice, le 12 juillet, et alors qu’un autre tribunal avait déjà rejeté le permis de construire, le préfet de Haute-Garonne, Pascal Mailhos, a pris un arrêté pour autoriser la destruction de ces espèces, afin d’imposer ce centre commercial.

Lundi 24 juillet, il est cinq heures du matin quand une quarantaine de militants du collectif Non à Val Tolosa arrive pour bloquer les entrées de ce site de 44 hectares de terrains naturels situé sur la commune de Plaisance-du-Touch, à 15 kilomètres de Toulouse. Malgré la décision du tribunal de Bordeaux, la reprise des travaux semble actée.

C’est sur l’arrêté préfectoral méprisant la décision de la cour d’appel de Bordeaux que se base le conducteur des travaux pour laisser les ouvriers de Guintoli, filiale de NGE, un groupe français de BTP, investir le site. Il est neuf heures quand ils commencent à arriver. Face à eux le groupe de militants est clairsemé et les ouvriers rentrent sur le site, mais sans gros matériel. « À 9h30, un camion citerne est arrivé, puis vers 10 heures, un camion porte-char. Quand il a vu qu’on était devant, il n’a pas insisté et a continué sa route. Ils essaient de positionner des véhicules, tout en sachant qu’ils n’ont pas les autorisations nécessaires », explique Jean-Louis, membre du collectif.

Si les engins ne passent pas tous sur le site et arrivent au compte-goutte, la petite dizaine d’ouvriers présents sur place s’active. « Ils plantent des piquets censés délimiter les zones contenant des espèces protégées », note Tanguy, lui aussi membre du collectif et quelque peu bousculé dans la matinée par les agents de sécurité présents sur place, qui l’empêchaient d’avancer sur le site. L’atmosphère n’est à ce moment pourtant pas très tendue et les gendarmes présents sur place restent dans leur fourgonnette.

Les heures défilent dans une ambiance plutôt calme. « En début d’après-midi, quand les ouvriers ont constaté qu’on était en train d’alléger le dispositif, ils ont fait venir des engins comme une citerne de gasoil, un groupe électrogène pour éclairer la nuit. Le but évidemment c’est de très rapidement détruire la zone cette nuit en notre absence car si ils détruisent les espèces protégées, le référé ne marche plus. Ils pourront dire au juge qu’il n’y pas plus rien sur le plateau », rapporte Pascal Barbier, coprésident du collectif avant de poursuivre : « Comme il y avait un dispositif allégé, nous n’avons pas empêché les engins de s’installer mais nous les avons bloqué à l’intérieur. On leur a dit, on vous laissera sortir quand vous le ferez avec les gros engins. » Il est un peu plus de 17 heures quand les ouvriers quittent le site.

La « vigilance extrême » de Nicolas Hulot prise en défaut

Du côté du ministère de la Transition écologique et solidaire, le dossier Val Tolosa n’est pas à l’ordre du jour. "Le promoteur s’appuie sur le Conseil national de la protection de la nature, qui a rendu un avis favorable sur la destruction d’espèces protégées mais ce n’est pas un organisme du ministère, il est indépendant, répond-on à Reporterre au téléphone. La décision qui a été prise concernant ces espèces est celle du préfet et le ministère n’a pas pris position", avance le ministère avant de préciser ne pas avoir de commentaire à faire sur l’autorisation du préfet intervenue la veille d’une décision de justice. Pourtant, le 6 juillet dernier, le ministre Nicolas Hulot avait rappelé l’"objectif de zéro artificialisation", et affirmé que son ministère serait d’une "vigilance extrême" sur le respect du droit.

Depuis dix ans, le dossier juridique de Val Tolosa n’en finit pas de s’épaissir. Alors que le maire de Plaisance-du-Touch avait accordé l’an dernier un nouveau permis de construire pour remplacer l’annulation du précédent permis par la justice, la bataille se joue désormais sur la question des espèces protégées. En 2013, la préfecture autorisait la destruction de ces espèces. La décision a été annulée une première fois en 2016 par le tribunal administratif de Toulouse. Unibail Rodamco, promoteur aux 72 centres commerciaux, premier groupe immobilier d’Europe et acteur du projet Val Tolosa, a fait appel et le dossier est parti vers le cour administrative d’appel de Bordeaux qui a donc annulé l’arrêté préfectoral le 13 juillet. Décision foulée aux pieds par le nouvel arrêté préfectoral du 12 juillet. Si les opposants au projet perçoivent la décision du préfet comme un passage en force, le coprésident du collectif reste serein et convaincu d’une issue positive à leurs actions : « La dérogation du préfet du 12 juillet concerne 46 espèces protégées. Or, le promoteur a recensé sur le terrain 47 espèces protégées. La sérapias en coeur a été oubliée par le préfet, donc sa décision n’est pas applicable. » Le collectif a déposé un référé contre la décision préfectorale et promet de continuer à bloquer les travaux.

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