« Les négociations d’adhésion de la Turquie doivent être annulées »

Manfred Weber [European Parliament]

Manfred Weber, président du Parti populaire européen, estime qu’une décision ferme doit être prise contre le gouvernement turc et que les négociations d’adhésion doivent être annulées. Un entretien de notre partenaire, Der Tagesspiegel.

Manfred Weber est un eurodéputé allemand issu de l’Union sociale chrétienne (CSU, centre droit). Il est membre du Parti populaire européen (PPE), qu’il dirige, depuis mi-2014.

À quand remonte votre dernière visite en Turquie ?

Je me suis rendu à Ankara en février 2016. Je vois également des représentants du gouvernement, dont le Premier ministre, régulièrement.

Depuis février 2016, les relations entre Bruxelles, Berlin et Ankara se sont considérablement refroidies. Pensez-vous possible que la Turquie entre dans l’UE ?

La Turquie s’éloigne clairement de l’UE et de nos valeurs. Je suis content que le gouvernement allemand ait envoyé un signal clair à Ankara après l’arrestation de l’avocat Peter Steudtner, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme.

Le Conseil européen doit à présent suivre cet exemple. L’UE a tendu la main à la Turquie à de nombreuses reprises, mais le président Recep Tayyip Erdoğan l’a toujours refusée. L’adhésion de la Turquie à l’UE n’a pas de sens.

Quelles conclusions spécifiques tirez-vous de cette situation ?

L’UE devrait se donner comme objectif d’annuler les négociations d’adhésion. Les chefs d’État et de gouvernement doivent tout d’abord saisir la prochaine occasion de suspendre les négociations. Le Parlement européen les y a déjà appelés.

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Pensez-vous que les 28 seront tous d’accord pour suspendre les négociations ?

Ce serait préférable. Nous nous félicitons du fait que le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, ait adopté une nouvelle position vis-à-vis de la Turquie, qui correspond à celle que partage depuis longtemps de CDU et le CSU. Pourtant, au niveau européen, il a refusé d’intervenir pour la suspension des négociations. Il est temps que le ministre adopte une attitude claire contre le gouvernement turc au niveau européen.

Qu’attendez-vous de Berlin à ce sujet  après les élections de septembre?

En lisant le programme électoral du CDU et du CSU, on voit bien que nous ne voulons pas que la Turquie entre dans l’UE. Ces négociations d’adhésion sont illusoires depuis le début, elles doivent cesser totalement. Ces dernières années, nous nous sommes encore plis éloignés de la Turquie, et des deux côtés les discussions n’ont jamais été menées de manière honnête. Le Parti social-démocrate (SPD) n’a pas de position tranchée. Si l’Union [CDU et CSU] remporte les élections, les inévitables négociations de coalition devront aborder le sujet de la Turquie. Il s’agit d’une question clé de la politique étrangère. Nous devons nous donner comme objectif de redéfinir nos relations avec Ankara.

Serait-il sage de complètement fermer la porte à la Turquie ?

Ce n’est pas la question. Au contraire, il est très raisonnable pour nous de collaborer avec Ankara dans certains domaines, au lieu de parler d’une adhésion européenne. Si le gouvernement retourne à un état de droit, nous serions alors prêts à intensifier la coopération économique, par exemple, via un nouvel accord douanier. Il est aussi utile de collaborer sur les questions de terrorisme et d’immigration, par exemple.

Ne craignez-vous pas que Recep Tayyip Erdoğan annule l’accord sur les migrants à cause de sa querelle actuelle avec Berlin ?

Rien n’indique que cela pourrait arriver. L’accord sur les réfugiés est avantageux pour l’UE et pour la Turquie. Les écoles pour réfugiés syriens en Turquie sont par exemple financées par l’UE. Il s’agit là d’un investissement important pour l’avenir, notamment parce que c’est une mesure de prévention importante contre la radicalisation des jeunes.

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Il n’y a pas de place pour l’hésitation ici. Nous voulons qu’il soit clair que ce qui s’est passé en Allemagne en 2015 ne se répètera pas. L’Europe doit sécuriser ses frontières. Les mots ne suffisent pas, cela doit être inscrit dans la législation. Nous apporterons cette demande à la table des négociations de coalition.

Un plafond ferait donc partie de l’accord de coalition ?

Les positions des partis sont claires. Nous voulons un plafond et nous nous battrons pour après la victoire électorale.

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