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Arabie saoudite : Manal al-Sharif, la femme qui a osé prendre le volant...

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Arabie saoudite : Manal al-Sharif, la femme qui a osé prendre le volant...

Des insoumis partout dans le monde

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Dans le royaume wahhabite, où les femmes ont l'interdiction formelle de conduire, cette informaticienne a transformé une balade en voiture en un acte émancipateur au retentissement international.

Éduquée, émancipée et indépendante, la Saoudienne Manal al-Sharif est brusquement sortie de l'anonymat en mai 2011, au cœur du printemps arabe, le jour de son 32e anniversaire. A cette date, l'ingénieure consultante en sécurité informatique chez Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale, postait sur YouTube une vidéo explosive : niqab noir autour de son visage, lunettes noires, souriante et volubile, elle était filmée conduisant sa voiture dans les rues de la ville de Khobar - un crime dans ce pays, où conduire est interdit au sexe féminin. Pis : sous le slogan «Women2drive» (Que les femmes conduisent), elle appelait ses concitoyennes détentrices, comme elle, d'un permis de conduire international, à en faire autant le mois suivant ! Succès d'audience immédiat, avec 700 000 clics dès la première journée. Mais les réactions furent loin d'être unanimes : les imams la veulent flagellée en place publique, tandis que le public se scinde entre félicitations et insultes, voire menaces de mort. L'affaire, qui fait grand bruit dans le royaume, lui vaudra un séjour de neuf jours en détention pour « conduite en tant que femme ».

La police secrète, qui l'interroge sans ménagement, exige qu'elle fasse amende honorable. Elle refuse. Peu après, cette divorcée mère d'un petit garçon de 6 ans perdra son travail, sera poussée à l'exil et privée de la garde de son fils. « J'avais conduit avec l'espoir de libérer les femmes dans la société saoudienne - en libérant les femmes, j'espérais aussi libérer les hommes. J'avais conduit afin que mon fils Aboudi puisse connaître une meilleure vie. Mais au lieu de cela, ma protestation a accéléré notre séparation », constate-t-elle tristement dans une récente chronique publiée par le New York Times . Car en Arabie saoudite, en cas de divorce, les pères conservent tous les droits de garde sur les enfants ainsi que le foyer conjugal. Privée d'emploi et donc de revenus, notre rebelle doit quitter son logement et, sans tuteur, retourner chez son père, ou autre parent mâle. Du coup, Manal al-Sharif s'installe à Dubaï, où son fils ne sera pas autorisé à lui rendre visite : un tribunal saoudien en a décidé ainsi, en s'appuyant sur un texte islamique du Xe siècle invoquant « le risque que l'enfant meure en route sur une distance si dangereuse ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne