Le robot des sapeurs-pompiers de Paris est capable d'éteindre un incendie en étant téléguidé à distance.

Le robot des sapeurs-pompiers de Paris est capable d'éteindre un incendie en étant téléguidé à distance.

Borel Sylvia/Sapeurs-pompiers de Paris

Forêts, champs et même habitations, les incendies en cours dans le sud-est de la France brûlent tout sur leur passage. Et font parfois, comme ce lundi, des blessés chez les soldats du feu. Pour éviter de mettre en danger les pompiers et lutter au mieux contre les flammes, plusieurs innovations ont récemment vu le jour.

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Loin de remplacer le travail de l'homme, elles leur permettent de mieux préparer leurs opérations, en récoltant notamment des renseignements sur les zones en feu, ou en les informant de la potentielle présence de victimes.

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De toutes ces nouvelles technologies, le drone est celle qui se développe le plus. Dans les Bouches-du-Rhône, département particulièrement exposé aux risques d'incendie et précurseur en la matière, son utilisation chez les pompiers a débuté il y a trois ans.

Des drones de 50 000 à 100 000 euros

"Ces drones sont là pour éviter de mettre en difficulté nos hommes et de s'aventurer dans des zones inaccessibles. Lorsqu'il faut effectuer une mission de reconnaissance du risque dans un bâtiment industriel qui brûle par exemple, on ne sait pas où s'aventurer car il peut y avoir un effondrement, alors ils vont en repérage", explique à L'Express le commandant Eric Rodriguez, en charge du pôle innovation au SDIS (service départemental d'incendie et de secours) des Bouches-du-Rhône.

Aujourd'hui, les pompiers de son département ont en leur possession deux drones archi-équipés. L'un pèse 25 kg, pour une autonomie d'1h30, l'autre seulement 2 kg pour 30 min de temps de vol, mais il permet de se déplacer près des zones d'habitation. D'un coût respectif de 100 000 et 50 000 euros, ces engins conçus pour l'armée de Terre cumulent plusieurs capteurs et caméras puissantes, dont certaines à infrarouge, pour effectuer des relevés thermiques et prendre des vues globales de l'incendie.

Une cinquantaine d'utilisations en un an

"Ils servent après la première extinction, pour informer les pompiers de potentielles zones de nouveaux départs de feu. Depuis que nous les utilisons, nous constatons que qu'ils limitent inévitablement les reprises d'incendies", note le commandant Eric Rodriguez.

drone SDIS 13

Dans les Bouches-du-Rhône, le SDIS utilise deux drones conçus pour l'armée de terre.

© / SDIS 13

Il assure que ces appareils, dont le pilotage nécessite un diplôme, sont utilisés pour tous les feux dépassant 5 à 10 hectares. Soit une cinquantaine de sorties depuis l'été dernier. Leur seul défaut est malheureusement de taille: les drones ne peuvent pas être utilisés lorsque les vents sont trop forts, comme c'était le cas ce lundi dans le sud-est par exemple.

A Paris, impossible d'utiliser ces appareils: le survol de la capitale leur est formellement interdit. Alors les pompiers réfléchissent à d'autres innovations. Un ballon dirigeable qui pourra voler à plus de 150 mètres de hauteur est attendu en 2018, annonce à L'Express le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole des sapeurs-pompiers de Paris.

Un robot surpuissant à Paris

L'engin, encore à l'état de prototype, permettra "d'avoir des vues sur les incendies qui se déclareraient dans des cours intérieures d'immeubles haussmanniens, par exemple", assure-t-il. Doté de caméras infrarouges et de capteurs, il permettra aux pompiers de détecter la présence de victimes et d'un éventuel risque technologique.

Colossus

Le robot Colossus est piloté à distance par les pompiers.

© / Borel Sylvia/ Sapeurs-pompiers de Paris

Depuis avril, les soldats du feu parisiens ont en leur possession un indéniable allié au sol: le robot Colossus, créé par la société Shark Robotic. Monté sur chenilles, ce robot rouge vif et surpuissant d'une demi-tonne, est capable de pousser des véhicules de plus de 400 kg pour accéder à l'incendie. Piloté à distance, avec 5 heures d'autonomie, il "détermine d'abord la surface touchée par le feu, la température, la présence de gaz potentiels, le risque d'explosion thermique... puis s'engage avec une lance à eau", détaille Gabriel Plus. Le débit est impressionnant: 2500 litres d'eau par minute.

Colossus est arrivé pour faire face aux travaux du projet d'aménagement Grand Paris Express et les risques d'incendie inhérents. Jusqu'ici, les pompiers s'en sont déjà servis une petite dizaine de fois à Paris. "La mégalopole parisienne construit toujours plus haut et toujours plus profond, alors qu'il est particulièrement difficile de localiser et d'éteindre des feux dans des sous-sols", insiste le porte-parole des pompiers.

Des lunettes à réalité augmentée pour les architectures complexes

"Sur place, une intervention humaine consiste en un risque inconsidéré, alors que souvent, il n'y a aucune victime et il ne s'agit que de matière qui brûle", ajoute-t-il. Selon lui, le Colossus "va se démocratiser" dans les autres départements. La Brigade des sapeurs pompiers de Paris, dont le service est en pointe sur l'innovation technologique, étudie l'arrivée d'un nouveau robot, servant cette fois d'"appui logistique". Il devrait permettre de transporter des bouteilles d'oxygène et d'évacuer d'éventuels corps.

La cellule recherche et développement des sapeurs-pompiers de la capitale planche aussi sur une autre expérimentation: des lunettes à réalité augmentée. "Nous avons travaillé sur les plans de plusieurs bâtiments névralgiques, comme ceux de la tour de la Société Générale, de façon à percevoir de l'extérieur toute la structure intérieure. À l'avenir, en cas d'incendie, une puce que portera le pompier pourrait permettre de repérer sur la tablette les lieux où il progresse, en les transposant sur les plans disponibles, voire de guider son engagement", explique le lieutenant-colonel Gabriel Plus. L'enjeu est de détecter les risques dans les établissements comportant des architectures particulières, comme c'est souvent le cas à Paris.

"Boules anti-feu" et extincteur acoustique

Là aussi, il ne s'agit pour le moment que d'expérimentations.Mais la réalité augmentée devrait dans tous les cas arriver sur le terrain des pompiers dans un futur proche. En Suisse, rapporte RTL, l'école polytechnique de Lausanne a déjà créé un prototype de casque augmenté, qui permet au pompier de voir en même temps les images prises par une caméra thermique, fixée sur le côté et celles qu'ils perçoivent directement. Et d'éviter ainsi les potentiels obstacles qui l'entourent lors d'un incendie.

D'autres objets pourraient aussi permettre aux ménages de faire directement face aux incendies. Comme les "boules anti-feu". Créées par la société nantaise Elide Fire, ces boules qu'on croirait toutes droit sorties d'un manga, permettent lorsqu'elles sont lancées sur des flammes, de libérer du phosphate de mono-ammonium, une poudre qui empêche le feu de reprendre. Elles auraient l'avantage de ne causer aucun dommage, assurent ses fabricants à Ouest France, contrairement aux extincteurs habituels, dont la mousse favorise la corrosion.

Autre nouvelle technologie à l'épreuve du feu: l'extincteur acoustique. Cette invention localisée dans un petit appareil et mise en place par deux étudiants américains permettrait d'éteindre un incendie en utilisant des ondes sonores à basse fréquence, afin de disperser les flammes et de baisser la température. Elle aussi est encore à l'état d'expérimentation, rapporte le Washington Post.

Toutes ces innovations ne remplaceront, dans tous les cas, jamais le pompier. "Comme tous les outils, sans la main de l'homme derrière, elles ne sont rien. On en a besoin quand ça fonctionne, mais ça reste de l'électronique et ça nous fait défaut parfois", commente le commandant Eric Rodriguez, des Bouches-du-Rhône.

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