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États-Unis

Comment Donald Trump fait fi des conflits d'intérêts

Après six mois de mandat, la situation à laquelle doit faire face le Président des Etats-Unis en matière de conflits d’intérêt, s’est aggravée.

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Que les sociétés de Donald Trump bénéficient ou pas du mandat de Donald Trump est une chose. Mais le doute quant à savoir si ses décisions politiques sont prises en fonction de ses intérêts ou dans celui du peuple américain pourrait bien faire des ravages.

Que les sociétés de Donald Trump bénéficient ou pas du mandat de Donald Trump est une chose. Mais le doute quant à savoir si ses décisions politiques sont prises en fonction de ses intérêts ou dans celui du peuple américain pourrait bien faire des ravages.

AFP

«Nous ne sommes pas loin d’être la risée du monde». Tel était le verdict avant sa récente démission, de Walter Shaub ex- patron du Bureau de l'éthique gouvernementale, sur la position de Donald Trump en matière de conflits d’intérêt depuis le début de son mandat. Frustré par l’incapacité présidentielle à tracer une ligne rouge entre lui-même et ses entreprises, l’ex Monsieur propre de la Maison Blanche a ajouté: «prendre des initiatives internationales en matière d’éthique et de corruption est très difficile lorsque l’on n’est pas capable de balayer devant sa propre porte».

Mais il est vrai qu’aucun prédécesseur de l’actuel président n’était à la tête d’un business aussi important lors de sa prise de fonction. A l’échelle du pays, son groupe est petit, principalement américain et plutôt médiocre. Mais il englobe des centaines d'entreprises qui exploitent des hôtels, des terrains de golf, des accords de licence et plus encore dans une douzaine de pays. Surveiller toutes les zones de conflits d’intérêt potentiels est «une tâche monumentale», explique Kathleen Clark, une experte en éthique à l'Université de Washington.

Opaques conseillers éthiques

Dans certains domaines, en particulier à l'étranger, une surveillance accrue de ses deals les rendre plus difficiles à réaliser. En revanche, lorsqu’il s’agit de ses hôtels américains et ses clubs de golf, Donald  Trump semble avoir déjà commencé à monétiser sa présidence. Devenu président des Etats Unis, Donald Trump a placé ses entreprises dans un trust, une entité censée être juridiquement indépendante. Mais celle-ci est dirigée par ses deux fils et ses statuts peuvent être modifiés à tout moment. En outre, Eric Trump a depuis déclaré qu'il discuterait de ses affaires avec son père alors que de dernier s’était engagé à ne pas le faire pendant son mandat. Donald Trump, la Trump Organisation et sa fille Ivanka, qui possède sa propre affaire de mode et qui conseille son papa, ont engagé des conseillers en éthique. Mais la nature de leur rôle reste très opaque.

Les multiples apparitions de Donald Trump dans ses propriétés, notamment son club de Golf dans le New Jersey lors de l’US open féminin sont aussi une forme de marketing dont ses entreprises savent tirer parti. Depuis que son golf Mar-a-Lago a accueilli plusieurs leaders d’autres pays, les droits d’entrée pour les nouveaux adhérents ont doublé et atteignent les 200.000 dollars. Le club a réalisé un bénéfice de 37 millions de dollars au cours du dernier exercice (janvier 2016-printemps 2017), contre 15,5 millions de dollars en 2014-15. Lorsque Eric Trump a inauguré un parcours de golf à Turnberry en Écosse en juin, il a déclaré que sa famille avait «rendu Turnberry great again» et le personnel était affublé de chapeaux avec le slogan de campagne de Donald Trump. Ce qui constitue selon certains critiques, une tentative de faire de l'argent avec son pouvoir politique. Son fils Eric a récemment déclaré: "Notre marque est plus forte qu'elle n’ait jamais été...". Les terrains de golf américains ont bénéficié d'au moins une des décisions politiques de Donald Trump : celle de faire passer à la trappe  une règle environnementale destinée à réguler leur  approvisionnement en eau potable. L'association nationale de golf a longtemps fait pression pour que la réglementation soit abandonnée.

Du business vers le politique

Dans certains cas, les bénéfices vont du business vers la politique. Prenez le réseau d'hôtels économiques, siglé "American Idea", lancé par les fils Trump l'année dernière lors de la campagne. Depuis, ceux-ci ont signé des lettres d'intention avec des développeurs dans de nombreuses villes, dont quatre au Mississippi. Donner des emplois à des États républicains en proie à des difficultés économiques pourrait y renforcer les soutiens au Président. Mais certaines nominations de Donald Trump suscitent des interrogations, voire des inquiétudes. Comme celle de Lynne Patton, une ex organisatrice d'événements pour les familles qui a été bombardée directrice du bureau régional du ministère du Logement et du Développement urbain de l’Etat de New York. Grâce à cette fonction, elle supervise notamment le projet Starrett, un programme de lotissements dont l’un des promoteurs est la Trump Organisation, qui reçoit, en outre, des subventions fédérales pour cette opération. 

Les transactions à l'étranger ne sont pas moins troublantes. Dans son «plan éthique» présenté en janvier 2017, le nouveau locataire de la Maison Blanche promettait qu’aucun nouveau contrat étranger ne serait signé pendant sa présidence. Mais que son entreprise poursuivrait les projets déjà en cours. Et il y en a beaucoup! Environ 159 des 565 entreprises de Donald Trump font des affaires à l'international. Certaines d’entre elles autorisent l’utilisation du nom Trump pour les gratte-ciels et les hôtels, souvent à des partenaires locaux politiquement proches.Mais compte tenu de tous ces deals, comment ne pas s’interroger sur les motivations de la Maison Blanche dans le conflit diplomatique entre le Qatar et ses voisins qui l’accusent de soutenir les mouvements terroristes. Sur ce dossier, le Président des Etats Unis a fermement soutenu l’Arabie Saoudite et les Emirats dans leur politique de boycott à l’encontre de Doha. S’agit-il d’une coïncidence, mais le fait est que les affaires de Donald Trump avec Ryad et Abou Dhabi sont très bonnes. Alors qu’il fait très peu de business avec les Qataris, les Saoudiens achètent massivement des appartements construits par les sociétés de Trump et ils ont mis 20 milliards de dollars dans un fonds d’infrastructures américain. En revanche tous les efforts de Donald Trump pour entrer au Qatar ont échoué.

Pas d'informations financières

Autre problème: l’opacité du système Trump, fondé sur des sociétés anonymes qui ne publient pas d’informations financières, rend difficile le suivi de leurs opérations commerciales. Sans oublier que Donald Trump lui-même refuse de publier ses déclarations de revenus. Mais ce flou concerne aussi ceux qui font du business avec lui. Selon une enquête de USA Today, les partenaires qui participent à ses programmes d’immobilier résidentiel, le font aujourd’hui pour les deux tiers à travers des sociétés anonymes contre moins de 10% auparavant. Avant la présidence Trump, l’origine des marchandises livrées par des fournisseurs étrangers aux entreprises d’Ivanka était connue. Depuis son entrée en fonction, ce n’est plus le cas.

Pour sa défense, Donald Trump avance le fait que d’un point de vue légal, le Président ne peut pas être en conflit d’intérêt car il n’est pas soumis aux lois sur l’éthique. Approuvée, dans les années 1980, cette exemption reposait sur l’idée que le mandat présidentiel est tellement large que toute décision politique pourrait poser un conflit potentiel. Néanmoins, des failles juridiques existent et certains sont bien décidés à les exploiter. Plusieurs poursuites ont été engagées, notamment par des législateurs Démocrates contre Donald Trump qui l’accusent de violer la clause des émoluments de la Constitution Américaine interdisant aux fonctionnaires américains d'accepter de l'argent de la part de gouvernements étrangers.

Les ravages du doute

Certains mettent ainsi en cause le fait que ses hôtels acceptent des paiements de diplomates étrangers. En réalité, les procès concernent surtout l'hôtel Trump International, récemment rénové, de Washington, DC. Propriété du gouvernement fédéral, le contrat de location de l'hôtel comprend une disposition interdisant aux élus d’en être actionnaires. Mais l'administration qui gère les biens fédéraux a statué en mars 2017 que le bail de Donald Trump de 60 ans sur cet hôtel ne violait pas cette exigence tant que celui-ci ne percevait aucun produit pendant son mandat. Après avoir déclaré qu'il donnerait tous les bénéfices de l'hôtel provenant de fonctionnaires étrangers au Trésor, l'Organisation Trump affirme maintenant que le fait pour les invités d'être identifiés serait «peu pratique» et «altérerait leur séjour comme client».

Personne ne sait si ces transactions controversées augmenteront considérablement les bénéfices de l'empire Trump. Le montant des contrats est souvent modeste. A l’image de l’obtention d’une licence pour cinq millions de dollars par un membre du Parti du gouvernement indien pour construire la Trump Tower de Mumbai. En réalité, la conjoncture risque d’avoir un effet plus important sur les sociétés de Trump que tous ces deals controversés. Dans une analyse récente sur le patrimoine de Donald Trump, Bloomberg a révélé que ses trois immeubles phares de Manhattan (Trump Tower, 40 Wall Street et 1.290 Avenue des Amériques) rapportent moins d'argent que prévu, en raison du ralentissement du marché des bureaux à New York. Du coup, la valeur actualisée combinée de ces trois «flagships» a diminué d'environ 380 millions de dollars au cours de l'année dernière.

Selon Walter Shaub, l’actuel Président des Etats-Unis s’est délibérément affranchi des normes éthiques adoptées par tous ses prédécesseurs depuis les années 1970. A juste titre, l’ancien responsable de l’Ethique recommande plusieurs modifications à la loi fédérale: des pouvoirs plus importants pour le bureau de surveillance des conflits d’intérêt et des règles de divulgation plus strictes. Que les sociétés de Donald Trump bénéficient ou pas du mandat de Donald Trump est une chose. Mais le doute quant à savoir si ses décisions politiques sont prises en fonction de ses intérêts ou dans celui du peuple américain pourrait bien faire des ravages.

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