Bruxelles dénonce les défaillances sur l’évaluation des pesticides

Dans un rapport rendu public lundi 24 juillet, la Commission européenne dresse un tableau plutôt sévère de l’évaluation des pesticides en Europe. En cause, une trop faible collaboration entre les États, qui ralentit les délais d’examen des dossiers. Un article de notre partenaire le JDLE.

Défini par le règlement européen n° 1107/2009, le système d’homologation des pesticides prévoit une évaluation et une autorisation centralisées des substances actives (autorité européenne de sécurité des aliments, Commission européenne), mais nationales pour les produits à base de ces substances actives.

Pour l’évaluation des produits, l’Union européenne est ainsi divisée en trois grandes zones: centre, nord et sud -dont la France fait partie, avec l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Bulgarie, la Grèce, Chypre et Malte. Au sein de chacune, le demandeur de l’autorisation, à savoir le fabricant du produit, doit indiquer quel pays il souhaite comme Etat rapporteur.

Ce pays dispose alors d’un an pour instruire le dossier, plus six mois pour permettre au demandeur de fournir d’éventuelles données supplémentaires. Sur la base de ce rapport, les autres États de la zone disposent alors de 120 jours pour décider ou non d’autoriser le produit.

Manque d’harmonisation des méthodes

Or ce système zonal « ne fonctionne pas de manière efficace », constate la Commission européenne dans un rapport publié lundi 24 juillet, rédigé après audition de sept États membres, dont la France. En cause, « une très importante duplication » de la charge de travail entre les Etats au sein d’une même zone, du fait d’un manque d’harmonisation des méthodes d’évaluation –notamment sur l’écotoxicité et la sécurité des travailleurs. Ce qui rend les pays très réticents à accepter un rapport rédigé par un autre État.

Conséquence: une surcharge de travail, et de très importants retards dans le traitement des dossiers. Au lieu des 550 jours maximaux (un an et demi) pour l’évaluation en tant que rapporteur, la France met en moyenne 708 jours, l’Allemagne 732 jours, l’Espagne 632 jours et le Royaume-Uni 585 jours. Parmi les pays audités, c’est ce dernier qui s’en sort le mieux, avec 25 % des dossiers traités dans les temps, contre 3,9 % en France et 0 % en Allemagne.

Lorsque le dossier est instruit par un autre État, ces pays ne s’en sortent pas mieux, dépassant le plus souvent le délai de 120 jours pour prendre une décision. Le délai est ainsi de 219 jours en France, de 303 jours en Allemagne, et même de 750 jours au Portugal.

La France saisie 15 fois plus que l’Espagne

Pour la France, ces retards, déplorés par la direction de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses),  en demande de moyens supplémentaires, s’expliquent par le fait que le pays soit très souvent sollicité comme État rapporteur. En 2013 et 2014, elle avait été saisie comme rapporteur de 248 dossiers, contre seulement 15 pour l’Espagne, qui appartient à la même zone.

Selon la Commission, ces retards peuvent « compromettre l’objectif de la législation européenne, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement ». Par exemple, « la réévaluation des produits déjà sur le marché, avec prise en compte de nouvelles données, se trouve retardée ». Et faute de dossiers traités à temps, les États recourent de plus en plus à des autorisations en situation d’urgence, sans évaluation complète des produits.

En matière de retard d’application du règlement n° 1107/2009, la Commission n’est pas en reste: ce texte prévoyait qu’elle propose une définition des perturbateurs endocriniens au maximum en  décembre 2013. Cette proposition a été soumise en juin 2016, après deux ans et demi de retard et une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Finalement acceptée début juillet après quelques menus changements, elle est jugée insuffisante par les scientifiques et les associations.

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