Hubert Reeves : "Il n'y a pas de plan B, nous sommes condamnés à apprendre à vivre avec notre planète"

Publié le 28 juillet 2017 à 14h21, mis à jour le 28 juillet 2017 à 19h03
Hubert Reeves : "Il n'y a pas de plan B, nous sommes condamnés à apprendre à vivre avec notre planète"

INTERVIEW - En une vingtaine d'années, pas moins de 4000 nouveaux mondes ont été découverts aux confins de notre galaxie. Le problème, c'est qu'ils se trouvent à des distances astronomiques. Il y a donc peu de chances qu'on s'y rende un jour. Pour l'astrophysicien Hubert Reeves, c'est la raison pour laquelle il faut changer notre regard sur la Terre et conserver notre planète "habitable".

Comme chaque année au cœur de l’été, la Nuit des étoiles permet aux astronomes amateurs d'admirer la magie du cosmos. Cette année, pour sa 27e édition, ce grand festival d’astronomie se tiendra du 28 au 30 juillet dans toute la France, avec pour thématique les "Terres Habitables". Des quoi ? Depuis 1995 et la découverte de la première planète extrasolaire, pas moins de 4000 nouveaux mondes ont été détectés dans notre galaxie, par le biais de télescopes surpuissants. "Ces planètes extrasolaires attirent l'attention des scientifiques, parce qu'elles ont un gabarit similaire à la Terre et se situent dans la zone dite 'habitable'", c'est-à-dire qu'elles ne sont ni trop proches, ni trop éloignées d’une étoile similaire à notre soleil. Une condition sine qua non au développement de la vie, explique l’astrophysicien Hubert Reeves, éternel parrain de La Nuit des étoiles. "Avec ces exoplanètes, on pourra peut-être un jour savoir s'il y a de la vie ailleurs dans l'univers", précise-t-il.

Alors que des scientifiques de renom, comme Stephen Hawking, prédisent que l’humanité n’a plus que 1000 ans à vivre, ces mondes lointains, situés à des milliards d’années-lumière de nous, pourraient-ils faire office de "terres de secours" pour sauver l’humanité ? "Aux vitesses que l'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire autour de 50.000 kilomètres par heure, cela prendrait quand même quelques dizaines de milliers d'années. Par rapport à la vie humaine, cela ne paraît pas très compatible. Il n'y a pas de plan B. Nous sommes condamnés à apprendre à vivre avec notre planète", démystifie l’astrophysicien, aujourd’hui président d’honneur de l’Agence française de la biodiversité, lancé en 2016 avec pour mission de lutter contre l’érosion de la biodiversité. 

Les tortues nous disent en leur langage : "Voyez, nous nous sommes adaptées à cette planète. Nous ne la saccageons pas. Résultat, nous sommes encore ici après 200 millions d'années."
Hubert Reeves

"Le problème, c'est que nous sommes très intelligents, et jusqu'ici nous utilisons mal notre intelligence. Nous l'utilisons pour le profit immédiat, et cela, ça s'appelle saccager la planète, regrette Hubert Reeves. Nous sommes capables de réchauffer la planète, d'acidifier les océans. Nous avons une telle puissance que nous sommes en mesure d'affecter, voire de faire disparaître la vie." Depuis son apparition sur Terre, il y a 3 milliards d’années, des millions d’espèces ont vu le jour, et des millions d’autres ont disparu.

"Quand on regarde notre histoire en détail, on s'aperçoit que les vies qui durent, comme la tortue par exemple, qui est apparue il y a 200 millions d'années, tous ont appris à s'intégrer dans un écosystème, c'est-à-dire à prendre et à donner. Il faut intégrer dans nos pensées l'idée que la planète et la vie sont fragiles, qu'on ne peut pas faire n'importe quoi. Sinon nous sommes condamnés. Et ça, c'est simplement la leçon des tortues. Les tortues nous disent en leur langage : 'Voyez, nous nous sommes adaptées à cette planète. Nous ne la saccageons pas. Résultat, nous sommes encore ici après 200 millions d'années. Vous, vous êtes ici depuis 3 millions d'années et vous êtes déjà dans le collimateur.'"


Matthieu DELACHARLERY

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