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Pourquoi le jazz et le classique peinent à s’imposer dans le streaming

Si les deux genres prospèrent grâce aux concerts et aux ventes d’albums physiques, ils n’ont pas encore trouvé leur place sur un marché qui représente à lui seul plus de 50 % des revenus issus du numérique.

Par Jean-Philippe Louis

Publié le 30 juil. 2017 à 18:03

L’annonce n’a pas fait l’effet d’une bombe mais d’une coda pour le rock. Selon l’étude annuelle sur la musique menée par la société Nielsen, pour la première fois aux Etats-Unis, ce genre n’est plus dominant aux Etats-Unis. Il a été dépassé par le hip-hop . Cela grâce ou à cause – en fonction des affinités musicales – du streaming. 

Le marché de l’écoute en ligne ne cesse en effet de croître, pour devenir à terme le mode de consommation musical le plus populaire.

Là-dessus, si rock et hip-hop se livrent une âpre concurrence, ils se taillent la part du lion. A côté, d’autres genres peinent à capter pleinement le potentiel de ce nouveau marché : parmi eux le jazz et la musique classique.

Le jazz consommé en albums physiques

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Dans le cas du jazz, les chiffres sont significatifs. Aux Etats-Unis, 48 % du volume de ventes jazz sont des albums physiques. Le genre se place ainsi troisième dans cette catégorie, derrière les albums saisonniers – type disque de Noël – et les albums pour enfants. Dans le même temps, il se retrouve dans le bas du classement quand il s’agit d’écoute en streaming.

Ainsi 18 % seulement du volume total des ventes jazz sont liés à l’écoute en ligne. « On constate que les ratios entre les revenus numériques et physiques sur les musiques adultes sont beaucoup plus faibles que les musiques jeunes », indique Romain Vivien, patron du distributeur Believe Digital.

Il faut dire que jusqu’à présent, la consommation en streaming paraît être une affaire de jeunes. Dans le cas du leader du streaming musical Spotify par exemple, 72 % de ses utilisateurs sont des « millennials ». « Ils écoutent plus des musiques urbaines, passent du temps sur YouTube et suivent les artistes sur les réseaux sociaux », dit Romain Vivien. « Dans le cas du jazz, il s’agit d’une audience moins au fait du digital dans la manière de consommer de la musique ». Ce constat ainsi fait, les services de streaming préfèrent mettre en avant sur leur plate-forme des artistes qu’ils considèrent être plus en rapport avec leurs utilisateurs.

Mais le streaming a aussi bouleversé la manière d’écouter de la musique. La consommation se fait au titre et non plus à l’album. Un aperçu de la page d’accueil de Spotify permet ainsi de voir divers classements, playlists, présentant pléthore de morceaux différents, rarement du même artiste. « L’écoute de jazz se fait généralement en termes d’album », confirme Romain Vivien.

La musique classique, c’est pire

Selon le patron de Believe Digital, l’affaire est encore plus significative quand il s’agit de musique classique. Les consommateurs de ce genre musical sont souvent des mélomanes pointus. Non seulement, ils écoutent les morceaux en suivant la trame d’un album, mais ils s’intéressent aux œuvres, aux chefs d’orchestre, au premier violon… « Ces informations ne sont pas présentes ou rarement accessibles sur les sites de streaming classiques », explique Romain Vivien.

Ce qui fait dire à la journaliste de la radio américaine NPR Anastasia Tsioulcas : « Pourquoi la musique classique est si difficile à apprécier sur les services de streaming ? En un mot, les métadonnées ». « On parle d’un genre qui englobe des centaines d’années de musique, plusieurs milliers de compositeurs, avec des titres similaires – symphonie n°103 ou Symphonie n°104 -, de multiples mouvements, d’innombrables enregistrements différents, dans différents lieux… » En clair, le classique serait un genre trop complexe pour les plates-formes.

Malgré tout, Believe a racheté en 2016 la société Naïve, notamment pour profiter du riche catalogue dont bénéficie le label dans le secteur du classique et du jazz.

En fait, si les chiffres représentent des effondrilles, il y aurait malgré tout un frémissement : « En termes de pourcentage, sur les six derniers mois, notre catalogue jazz a connu une croissance de 40 % tandis que notre catalogue classique a grimpé de 15 % », indique Romain Vivien. Une croissance selon lui portée par le streaming.

Devenir petit à petit accessible à tous

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Puisque le streaming fonctionne par titre et surtout par playlist, les labels tentent d’intégrer au mieux les artistes par ces biais-là. « On dispose d’outils pour voir les performances des catalogues, les playlists, les titres, comment ils se comportent dans certaines playlists ». Et si sur Spotify la playlist jazz ou classique est quasi inexistante, celle intitulée « travailler en musique » ou « relaxation » est nettement plus visible. Ne reste plus qu’à y glisser quelques bons morceaux de genres sous-représentés pour intéresser l’auditeur.

Les aficionados de jazz et de classique ne sont pas pour autant totalement en reste aujourd’hui. D’autres services de musique en ligne ont choisi de se positionner sur les musiques moins représentées sur Internet. C’est le cas par exemple de Qobuz. Sur cette plate-forme, la musique classique, le jazz et le classic rock sont les trois genres les plus écoutés. « Quand vous écoutez un titre chez nous, vous trouvez le nom des compositeurs, des performeurs, le violon, le chef d’orchestre, vous pouvez même consulter la pochette qui indique quelle est la version du morceau de l’œuvre », résume Xavier Tumminello, responsable communication chez Qobuz.

Qobuz propose une qualité sonore haute résolution, quand les autres par soucis de fluidité d’écoute proposent des qualités moindres, type MP3. Plutôt que chercher à faire du jazz et de la musique classique un genre écouté en masse, le site veut soigner la minorité, comme un secteur de luxe.

Mais le marché du streaming n’a pas fini de grandir. Et ces deux genres musicaux ne peuvent se passer d’une masse d’utilisateurs si importante. 80 % des auditeurs de musique ont en effet utilisé un service de streaming ces douze derniers mois, selon Nielsen. Ce qui faisait dire à Glen Barros, patron de Concord Music Group développant l’un des plus grands labels de jazz au monde : « Nous ne voulons laisser personne au bord du chemin, nous voulons que tous les genres musicaux soient représentés ». Le but étant que la musique classique et le jazz deviennent un monde accessible. Un débat qui existait déjà avant l’avènement du streaming.

JEAN-PHILIPPE LOUIS

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