Manifestation de soutien au Premier ministre pakistanais sortant Nawaz Sharif (à gauche sur l'affiche) qui a appelé son frère Shahbaz (d) à lui succéder, le 29 juillet 2017 à Rawalpindi, vile jumelle de la capitale pakistanaise Islamabad

Manifestation de soutien au Premier ministre pakistanais sortant Nawaz Sharif (à gauche sur l'affiche) qui a appelé son frère Shahbaz (d) à lui succéder, le 29 juillet 2017 à Rawalpindi, vile jumelle de la capitale pakistanaise Islamabad

afp.com/AAMIR QURESHI

Dans une société pakistanaise très cloisonnée et où subsistent des tendances féodales, le parrainage et la parenté jouent un rôle crucial en politique, reléguant souvent l'idéologie à l'arrière-plan.

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Plus de la moitié des sièges d'élus nationaux ou provinciaux sont ainsi passés de père en fils ou entre frères, estime ainsi un analyste.

Ainsi Nawaz Sharif, destitué par la Cour suprême pour corruption, a-t-il passé le relais à son frère Shahbaz, qui devrait selon toute probabilité lui succéder à la tête du gouvernement après une période d'intérim. Le pouvoir reste en famille et Nawaz peut continuer à tirer les ficelles en arrière-plan en tant que chef du parti PML-N.

"Ce qui est sous-entendu, c'est que Nawaz Sharif va continuer de peser sur ce qui va se passer d'ici aux élections et même peut-être pendant les élections", estime l'analyste politique Umair Javad.

Shahbaz, qui occupe actuellement le poste de chef du gouvernement provincial du Pendjab, devrait rapidement se faire élire dans la circonscription électorale de son frère, désormais vacante, puis devenir Premier ministre.

Shahbaz lui-même pourrait être remplacé par son fils à la tête de la province du Pendjab, croit savoir la presse pakistanaise.

"Voilà une dynastie politique si confiante en son pouvoir qu'elle peut se permettre de telles manoeuvres", note Badar Alam, éditeur au magazine Herald.

"Ils sont d'avis que leur emprise dynastique est si forte dans certaines parties du pays qu'aucun défi ne peut les faire tomber", souligne-t-il.

Mais certains observateurs sont moins convaincus que le PML-N va se rassembler derrière Shahbaz, considéré comme moins charismatique que son aîné, ce qui pourrait provoquer des divisions dans le parti.

"Nawaz possède une aura politique personnelle que son frère n'a pas. Je pense que la dynastie va s'effilocher sous son frère", estime le journaliste et commentateur politique Omar Waraich.

- Culte de la personnalité -

Une autre célèbre dynastie politique pakistanaise, la famille Bhutto et son parti le Pakistan People's Party (PPP), a perdu de son influence après l'assassinat en 2007 de son leader Benazir Bhutto, qui fut la première femme à diriger le Pakistan.

Fondé par son père Zulfikar Ali Bhutto, le PPP fut jadis une machine politique redoutable, dominant la vie politique pakistanais pendant près de quatre décennies.

Le PPP, mené aujourd'hui par le fils de Benazir, Bilawal Bhutto, n'est plus que l'ombre de lui-même. Il a perdu 76 sièges aux élections législatives de 2013.

"Les chefs bénéficient d'une meilleure marque que les partis. Benazir a toujours été une bien meilleure marque que le PPP. Nawaz Sharif a un bien meilleur label que ce le PML-N deviendra sans lui", souligne M. Waraich.

De même, le principal parti d'opposition, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), repose essentiellement sur la personnalité de son leader, le charismatique ex-champion de cricket Imran Khan.

"Un des atouts d'Imran Khan est qu'il rompt cette emprise dynastique. Mais il le fait via un culte de la personnalité", relève M. Waraich.

Imran Khan dirige le PTI depuis sa création il y a plus d'une vingtaine d'années, misant sur le vote des jeunes et de la classe moyenne urbaine par des promesses de battre en brèche la corruption.

Mais les observateurs notent que son parti manque toujours d'un ancrage national qui lui permettrait d'affronter le puissant PML-N.

M. Khan a vivement dénoncé le caractère dynastique du transfert de pouvoir entre les frères Sharif lors d'un meeting politique dimanche soir.

"N'y a-t-il personne d'autre dans votre parti qui puisse devenir Premier ministre ?", a-t-il lancé devant la foule. "Ce n'est pas une démocratie mais un royaume !"

Nawaz Sharif doit désormais faire face à des soupçons de corruption qui impliquent aussi trois de ses quatre enfants dont sa fille Maryam, qui était jusqu'ici perçue comme son héritière politique. La famille risque désormais de se voir balloter en justice au gré de l'enquête et son vaste patrimoine passé à la loupe.

Pour le commentateur politique Zahid Hussain, le jugement à l'encontre de Nawaz Sharif représente "un coup sérieux pour la politique dynastique qui a été le principal obstacle au développement d'institutions et de valeurs démocratiques dans le pays".

Mais, écrit-il dans une tribune au quotidien Dawn, si la carrière de Nawaz Sharif semble bel et bien terminée, "on ne peut jamais sûr quand le règne de la famille s'achève".

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