Un policier en tenue anti-émeute saisit le visage d’une jeune femme en pleurs. Comme le souligne Vanity Fair Italia, c’est sans aucun doute l’image la plus emblématique de l’évacuation d’un groupe de migrants, parmi lesquels des réfugiés, qui s’est déroulée ce 24 août à Rome, à coups de matraques et de canons à eau. Les migrants ont tenté de résister à l’évacuation et ont répliqué en jetant des pierres et des bonbonnes de gaz. Abondamment partagée sur les réseaux sociaux, cette image figure, au lendemain des événements, en une de la plupart des quotidiens italiens.

Le Corriere della Sera donne la parole au policier – dont le fils s’est dit “fier de lui” ; La Stampa au photographe, Angelo Carconi – qui parle d’“un geste d’humanité”, raconte son reportage, mais “refuse que l’on spécule sur sa photo”. Le Huffington Post Italia commente : cette photo est “un rai de lumière dans l’obscurité romaine”. Le geste de cet homme, abonde Il Giornale, est une “gifle” à la figure de ceux qui défendent des positions “politiquement correctes et hostiles à la police”. Quant à La Verità : “Les agents caressent, les migrants frappent”.

Remettre la photo en contexte

“Que nous dit cette caresse ?” analyse un journalise du Corriere della Sera, qui y voit “deux drames parallèles” : le drame “d’une personne déracinée de sa terre d’origine”, contrainte à vivre “une non-vie”, et “l’angoisse d’un policier appelé à remplir sa mission”. À cet instant, “ces deux vies se croisent”.

“Ce que cette caresse nous dit ?” lui répond Vice Italia. “Que certaines présentations de l’évacuation sont dégoûtantes.” “En faisant de cette photo l’unique symbole visuel de la journée, écrit l’auteur, on occulte tout le contexte des violences policières que l’on a vues sur la piazza Indipendenza : des canons à eau contre des gens qui dormaient à même le sol, des coups de matraque qui ont fait des dizaines de blessés.”

Sur son blog consacré à la photographie, un journaliste de La Repubblica temporise. Il appelle à “relativiser” cette image, à “ne pas la laisser exister seule ni occuper tout l’espace”, à “la remettre en contexte” et enfin, à “comprendre ce qui s’est réellement déroulé”.

Quant au Huffington Post Italia, il a montré le cliché à la jeune femme, Genet, une Érythréenne de 40 ans. Et il décrit sa réaction :

Genet regarde la photo d’elle au côté du policier et ses yeux se révulsent. ‘On l’utilise pour montrer le bon côté de cette histoire, mais la vérité est que la police nous a aspergés d’eau. On nous a jetés comme de vieilles chaussettes.’”