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Macron trouve les contrats aidés inutiles… sauf quand ils servent ses intérêts

Macron trouve les contrats aidés inutiles… sauf quand ils servent ses intérêts

Emploi

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Emmanuel Macron tape à bras raccourcis sur le dispositif des emplois aidés, qu'il juge inefficace. Pourtant, son gouvernement vient d’accorder une rallonge budgétaire pour en financer davantage…

Critiquer les emplois aidés d’un côté, et de l’autre… débloquer des millions d’euros pour en créer 40.000 de plus ! Ces dernières semaines, les membres de l’exécutif ont multiplié les charges à l'encontre de ce type de dispositif . « Les contrats aidés ne produisent pas de bons résultats, ce sont des dépenses inefficaces », a martelé fin août le Premier ministre Edouard Philippe sur BFMTV. Et Emmanuel Macron d'enfoncer le clou dans l'interview accordée ce jeudi 31 août au Point, dénonçant une « perversion de la politique de l'emploi ». Objectif mis en avant pour l'an prochain : faire passer les contrats aidés sous la barre des 200.000. Et l'exécutif actuel ne cache pas sa volonté d'en finir un jour pour de bon avec ces emplois subventionnés. Pourtant, ne voilà-t-il pas que Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, fait valoir en début de semaine sur BFMTV que « le gouvernement actuel a décidé de porter à 320.000 ces emplois qui n'étaient qu'à 280.000 ».

De fait, le gouvernement a rallongé cet été le budget des emplois aidés de 400 millions d’euros pour l’année 2017. Mais il ne s'agissait alors que de financer les 280.000 postes justement prévus par le gouvernement précédent. D’après la ministre du Travail Muriel Pénicaud, l’exécutif a en effet été victime d’un phénomène « assez classique dans les changements de gouvernement» : François Hollande avait prévu 280.000 contrats aidés pour l’année mais avait déjà consommé les deux tiers du budget prévu avant l’été. «Le programme avait été surconsommé et sous-doté financièrement », a résumé la ministre, qui a donc dû obtenir une rallonge afin de « finir l’année». Sauf que, comme Christophe Castaner l'a souligné, elle n'a pas fait que cela : au passage, elle a augmenté le nombre de postes ! Curieux, pour un exécutif si hostile aux emplois subventionnés…

"C'est de la subvention déguisée vers les collectivités locales"

Le phénomène est d'autant plus étonnant que la rallonge concerne des emplois non marchands, c'est-à-dire dans le public. Or, les études statistiques montrent que ce ne sont pas les plus efficaces : les bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur public sont en effet 59% à ne pas avoir retrouvé d’emploi six mois après la fin de leur contrat.

La clef du paradoxe, c'est une motivation toute stratégique pour Emmanuel Macron : ne pas braquer les collectivités locales, qu'il a déjà passablement échaudées en baissant leur dotation annuelle de 300 millions d’euros et en prévoyant la suppression de la taxe d’habitation, qui représentera un nouveau trou dans le budget des mairies, départements et régions. Or, les contrats aidés sont particulièrement cruciaux pour les collectivités. « On est dans le domaine de l’indispensable », confirme Olivier Dussopt, président socialiste de l’Association des petites villes de France (APVF) : « Les écoles des petites communes ont très fréquemment recours à des emplois aidés. Une personne sert les repas à la cantine, une autre fait le ménage dans les bâtiments, une autre s’occupe de la garderie… Sans aides, les écoles n’ont pas les ressources pour offrir ces contrats ! » Autre cas très fréquent dans les petites communes : celui des maisons de retraite, souvent gérées par des associations à but non lucratif grâce aux emplois aidés. Sans subventions, ces postes disparaissent.

Dénonçant la « grande hypocrisie » de l’Etat, Olivier Dussopt souligne : « En mettant l’accent sur ces secteurs, l’Etat réserve le bénéfice des emplois aidés à sa propre administration». Ce que le président de la République concède d'ailleurs en creux dans son interview au Point, résumant les contrats aidés à une « subvention déguisée vers les collectivités locales ou le secteur associatif ». En attendant de supprimer ces contrats aidés si inutiles, Emmanuel Macron leur a donc trouvé une dernière utilité : calmer les élus locaux.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne