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Loïc Bureau : "Loup risque 30 ans de prison"

Loup Bureau
Loup Bureau © Profil Twitter
Valérie Trierweiler , Mis à jour le

Loup Bureau, jeune journaliste nantais, est détenu en Turquie depuis près d'un mois. Alors que sa demande de libération a été rejetée, son père est de plus en plus inquiet. Interview.   

Paris Match. Quelles sont les dernières nouvelles de votre fils ?
Loïc Bureau. J’ai pu l’avoir au téléphone dimanche dernier. C’était la deuxième fois seulement depuis son arrestation le 27 juillet. Depuis l’état d’urgence en Turquie, les appels d’une durée de cinq minutes ne sont autorisés que tous les quinze jours. Mon fils a normalement un tempérament gai et enjoué. Et là, ce n’est plus le cas du tout. Nous sommes vraiment inquiets. Ce qu’il vit est un véritable emprisonnement mental. Loup a travaillé dans de nombreux champs d’opération dépourvus de confort matériel, ce n’est pas la question, il y est habitué. Le problème, c’est son isolement : il n’a le droit de sortir de sa cellule seulement cinq minutes par jour pour se retrouver dans une cour de 60 mètres carrés. Il n’a pas vu le ciel depuis plus de trente jours.

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Tient-il le coup ?
C’est dur. Il ne peut discuter avec personne. Il a appris l’arabe, et lorsqu’il a tenté de parler à ses gardiens, on l’a aussitôt changé de couloir pour qu’il ne crée pas de liens. Moi, je suis un homme de l’écrit, je suis enseignant. Lui est un homme de l’image et de l’extérieur, un curieux toujours à l’affût de rencontres. C’est très difficile et je suis de plus en plus inquiet. Sa voix n’est plus la même et je sais qu’il a craqué plusieurs fois.

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Son arrestation pour "appartenance à un groupe terroriste" est-elle politique ?
Il a d’abord été arrêté de façon systématique comme tout Occidental qui rentre d’Irak. Puis il a été de nouveau arrêté par la cellule anti-terroriste alors qu’il n’avait rien de spécial sur lui hormis ses appareils photos. Mais ils avaient repéré ce cliché où on le voit avec des combattants kurdes syriens alors qu’il ne faisait que son travail. Le consulat n’était pas au courant de son arrestation. Nous non plus. C’est Maud, la petite amie de Loup, qui m’a dit via Facebook qu’elle n’avait plus de nouvelles de lui. J’ai alerté la cellule de crise du quai d’Orsay qui m’a informé, le 1er août, de son emprisonnement à Sirnak, au sud-est de la Turquie. J’ai d’abord été soulagé de le savoir en vie. Je n’avais jusqu’à alors rien dit à ma femme pour ne pas l’inquiéter.

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Mon fils a une épée de Damoclès au-dessus de la tête

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Que risque Loup aujourd’hui ?
Trente ans de prison. La juge (pour enfants) qui a ordonné sa mise en détention immédiate venait d’être nommée. Compte tenu de l'état d'urgence, elle peut durer un an sans qu’il y ait de procès. Et même s’il n’y a rien dans le dossier. Tout cela me fait aussi réfléchir à l’état d’urgence en France. J’ai l’impression que le consulat de France ne prend pas conscience de la situation de mon fils. S'il était intervenu plus tôt, Loup aurait eu un avocat choisi et aurait pu conserver ses affaires personnelles. Mon fils a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, sa situation est beaucoup plus grave que celle de Mathias Depardon. Au fond, je sens que le consulat n’est pas du côté des journalistes. Moi j’attends des autorités consulaires qu’elles fassent confiance à ses ressortissants.

Emmanuel Macron s’est entretenu deux fois avec Erdogan, qu’attendez-vous encore de lui ?
Il a utilisé les mots qu’il fallait. Il a parlé de "préoccupation" et de "retour en France". Pour moi, le sens des mots compte. Je crois en la sincérité de sa démarche et je lui suis reconnaissant. Il y a une partie irrationnelle dans ce dossier. Après Mathias Depardon , c’est un avertissement donné aux journalistes, mais pas seulement. Que veut le gouvernement turc ? Que veut-il signifier à la France ? J’espère que ses relations personnelles avec Erdogan permettront d’aboutir à la libération de Loup.

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Mais la demande de remise en liberté a été rejetée.
Nous avions pourtant eu tous les signaux annonciateurs d’une libération. Le procureur qui n’a évidemment rien trouvé dans le dossier semblait favorable à une libération conditionnelle. Et sans aucune explication, il y a eu un retournement de situation. C’est évident que la décision venait de plus haut.

François Hollande, que vous avez eu au téléphone, a déclaré activer ses réseaux. Qu’en pensez-vous ?
Je ne sais pas, je ne connais pas ses réseaux. Mais tous les soutiens, toutes les interventions me redonnent espoir. 

Un appel d’intellectuels et de personnalités, conduit par Daniel Salvatore Schiffer, porte-parole francophone du comité international contre la peine de mort a lancé un appel. Est-ce utile ?
Oui, ce genre d’initiatives me rassure. C’est très important pour moi. Tout me donne de l’espoir, c’est un mode de survie. Mon fils est emprisonné mais nous le sommes aussi d’une certaine façon. Nous ne pouvons rien faire à l’échelon judiciaire, nous avons de très bons avocats qui gèrent cela. L’échelon diplomatique nous dépasse, alors il nous reste l’aspect médiatique. Quand je découvre une action que je n’ai pas sollicitée, comme l'appel des Sociétés de journalistes, ça me réchauffe le cœur. Tout ce qui concourt à mobiliser les médias permettra de réduire l’incarcération de mon fils.

Et vous, en tant que parent, comment tenez-vous ?
Ma femme et moi avons demandé l’aide psychologique de la cellule de crise. Je tiens un journal dans lequel je consigne tout pour me souvenir et tenir. Aujourd’hui, rien n’empêche la libération de Loup. Alors chaque matin, je redémarre avec cet espoir. Et dans son malheur, mon fils a beaucoup d’amis qui se mobilisent pour lui.

Lire aussi. Loup Bureau, journaliste français emprisonné en Turquie

Justement quand aura lieu la prochaine journée de mobilisation ?
Le 16 septembre, nous organiserons des rassemblements à Paris, Nantes et Bruxelles. La Belgique où mon fils étudie est très active et à tous les niveaux. Mais j’espère qu’il sera libéré avant.

D'où vient la passion de Loup pour le Moyen-Orient et la Turquie?
Je suis professeur d’histoire-géographie et j’ai toujours aimé les voyages. Je suis allé aussi dans tous ces pays. Loup aime quant à lui l’histoire en mouvement. Il voulait être reporter de guerre dès l’âge de 18 ans. A 20 ans, il était déjà allé en Afghanistan, au Pakistan et en Crimée. Il aime traiter l’événement et l’après-événement. Il s’intéresse aux civils plus qu’à la guerre. Il voulait donner la parole aux oubliés et aujourd’hui c’est la sienne qui est confisquée.

 

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