Kenya : la Cour suprême annule l'élection présidentielle

C'est un jour historique au Kenya. La Cour suprême annule la réélection d'Uhuru Kenyatta et ordonne la tenue d'un nouveau scrutin présidentiel.

Par (avec AFP)

L'opposant Raila Odinga célèbre la décision de la Cour suprême.
L'opposant Raila Odinga célèbre la décision de la Cour suprême. © DR

Temps de lecture : 5 min

La Cour suprême du Kenya, saisie par l'opposition, a ordonné vendredi la tenue d'une nouvelle élection présidentielle, déclarant «  invalide  » le résultat du scrutin du 8 août à l'issue duquel le sortant Uhuru Kenyatta a été proclamé vainqueur. L'élection présidentielle «  n'a pas été conduite en accord avec la Constitution  », a déclaré le juge président David Maraga, indiquant que la Commission électorale a désormais 60 jours pour organiser un nouveau scrutin.

La newsletter afrique

Tous les mardis à 16h45

Recevez le meilleur de l’actualité africaine.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Jour historique pour l'opposition

Uhuru Kenyatta, opposé à Raila Odinga, «  n'a pas été élu et déclaré président de manière valide  », a ajouté le juge, alors qu'à l'extérieur de la Cour suprême, autour de laquelle un important dispositif policier avait été déployé, des partisans de Raïla Odinga ont laissé éclater leur joie. La décision, qui est définitive, a été rendue à la majorité, deux juges sur un total de sept – dont un absent pour cause de maladie – ayant exprimé des opinions dissidentes.

Le juge président a soutenu que la Commission électorale a «  échoué, négligé ou refusé  » de conduire les élections en accord avec la Constitution, évoquant des irrégularités dans la transmission des résultats. «  C'est un jour historique pour le peuple kényan et par extension pour les peuples du continent africain  », s'est réjoui Raila Odinga, précisant que l'invalidation d'une élection présidentielle par un tribunal était une première sur le continent. Odinga a ajouté qu'il n'avait «  plus confiance  » dans la Commission électorale actuelle et qu'une nouvelle équipe devait conduire la prochaine élection présidentielle, d'ici 60 jours.

Un avocat kényan a aussitôt tweeté que cette décision était significative pour l'avenir du pays sur le long terme :

Un analyste kényan pense que c'est la première fois que cela s'est produit en Afrique :

Uhuru Kenyatta, 55 ans, élu pour la première fois en 2013, avait été proclamé vainqueur par la Commission électorale (IEBC) le 11 août, avec 54,27 % des voix, contre 44,74 % à Odinga, 72 ans, déjà battu en 1997, 2007 et 2013. L'opposant avait saisi la Cour suprême en 2013, mais avait alors été débouté. La proclamation de la victoire de Kenyatta le 11 août avait été suivie de deux jours de violences sporadiques circonscrites aux bastions de l'opposition, dans les bidonvilles de Nairobi et dans l'Ouest. Au moins 21 personnes, dont un bébé et une fillette de neuf ans, avaient été tuées dans ces manifestations et émeutes violemment réprimées par la police.

Très redoutées, ces violences n'avaient toutefois pas atteint le niveau des violences postélectorales de 2007-2008 (plus de 1 100 morts).

Comment l'opposant Raila Odinga s'y est-il pris  ?

Devant la Cour suprême, les avocats de l'opposition avaient argué du fait que le scrutin présidentiel avait été «  si mal conduit et entaché de tellement d'irrégularités qu'il importe peu de savoir qui a gagné ou qui a été déclaré vainqueur  ». Ils avaient estimé que le processus de compilation et de vérification des résultats avait été marqué par des erreurs et des incohérences «  délibérées et calculées  », destinées à gonfler le nombre de voix de M. Kenyatta et à diminuer celui de M. Odinga.

Ils avaient notamment reproché à l'IEBC d'avoir trop tardé à publier de nombreux procès-verbaux de bureaux de vote et de circonscriptions, les seuls à faire légalement foi. Ce laps de temps avait pu, selon eux, permettre leur falsification. L'opposition avait obtenu d'accéder à certains documents originaux de l'IEBC, dont les procès-verbaux, ses serveurs informatiques et les données GPS des kits de reconnaissance biométrique des électeurs.

Cela avait permis à ses avocats de pointer du doigt des procès-verbaux non signés ou d'autres ne présentant pas les signes d'authentification prévus par l'IEBC, autant d'irrégularités portant, selon eux, sur plus de 5 millions de votes. L'IEBC avait reconnu avoir décelé quelques «  erreurs humaines commises par inadvertance  ». Mais elle avait assuré les avoir corrigées et les considérait comme trop marginales pour avoir influé sur le résultat global. Elle avait appelé la Cour à ne pas remettre en cause la souveraineté du peuple.

Les avocats de M. Kenyatta avaient, eux, estimé que le large écart de voix entre le président et son rival (plus de 1,4 million de voix) et les gains significatifs obtenus par le parti au pouvoir Jubilee lors des élections des gouverneurs, sénateurs et députés, le même jour, ne laissaient planer aucun doute sur sa victoire.


«  Le jour du jugement  »

Tôt ce vendredi matin, les Kényans se préparaient à suivre cette longue journée d'une décision hautement importante. Tous les médias, notamment la presse, avaient les yeux rivés vers cette Cour suprême kenyane ou plutôt vers le «  jour du jugement  », comme a titré le quotidien The Standard Day. D'autres journaux avaient exposé les argumentaires de chacune des parties.

La Cour suprême jouait là une partie de sa crédibilité. En 2013, déjà saisie par l'opposant Raila Odinga, elle avait été critiquée pour la manière dont elle l'avait débouté, en usant d'une jurisprudence discutable et en multipliant les arguties procédurales.

Le chef de l'opposition du Kenya est arrivé à la Cour suprême aux alentours de 8 heures GMT. Il menait là un véritable défi juridique.