Photographie : le cœur de la Bretagne bat au rythme de l'Afrique

EN IMAGES. L'histoire de la photographie africaine s'affiche à la quatorzième édition du Festival photo de La Gacilly.

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  "Sai Mado The Distant Gaze". Ancienne photojournaliste au "Washington Post", l'Éthiopienne Aïda Muluneh est la créatrice du Festival Addis Foto Fest.   © Aïda Muluneh

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Chaque année, le village de La Gacilly accueille le plus grand festival photo gratuit de France à ciel ouvert, durant quatre mois jusqu'à la fin septembre. Connue pour l’implantation de l’entreprise Yves Rocher, dont la fondation est le partenaire historique de ce festival, la petite commune du Morbihan pare ses murs tous les étés de photographies grand format pour le bonheur des 400 000 visiteurs. Jumelée à la ville de Diapaga au Burkina Faso, c'est tout naturellement que La Gacilly consacre une édition à la diversité de la photographie africaine, des origines aux nouvelles générations. Avec pour ambition de porter un autre regard sur le continent : « Le photographe occidental représente souvent l’Afrique subsaharienne comme le continent de tous les malheurs, celui des guerres intestines, des famines et de la malnutrition, celui des maladies qui déciment des populations entières. Ou, au contraire, mais dans une même image d’Épinal, il va magnifier une Afrique millénaire dans des livres sur papier glacé, celle des grands espaces, des ethnies ou de la faune sauvage », expliquent Cyril et Florence Drouhet, respectivement commissaire des expositions et directrice artistique, qui poursuivent : « C’est une autre réalité que traduisent les photographes africains que nous exposons. Ce qu’ils entendent révéler, c’est leur propre vision du monde et leur appartenance à ce dernier. »

Défricheurs

Dommage que l'affiche du festival, un cliché stéréotypé d'un Rolleiflex zébré sur du wax, n'ait pas su refléter cette volonté de Cyril et de Florence Drouhet. Du coup, elle a déclenché une polémique sur les réseaux sociaux, alors que le festival essaie de capter les grands enjeux, tant éthiques qu'humanistes, de notre époque. En effet, les 700 photos du festival offre un large panorama de l'histoire de la photographie africaine : des pères fondateurs comme les Sénégalais Mama Casset et Oumar Ly, le Malien Seydou Keïta ou le Congolais Jean Depara, témoins privilégiés de la métamorphose de leur société post-coloniale lors des indépendances, à leurs héritiers qui réinventent le genre avec humour, comme le Sénégalais Omar Victor Diop, l'Éthiopien Girma Berta voulant « montrer un autre visage de l’Afrique, jeune, moderne qui s’ouvre à l’art », ou la Malienne Fatoumata Diabaté perpétuant la tradition du studio. « Loin des clichés de l’exotisme et de la grandiloquence occidentale, ils montrent des visages lumineux, des évasions poétiques, des moments de vie saisis au fil des rues, ils s’affranchissent des chemins artistiques balisés, ils se veulent lucides sur la destinée de leurs peuples », concluent Cyril et Florence Drouhet. « Ils s’affirment désormais comme les défricheurs d’une nouvelle photographie qui stimule les acteurs du marché de l’art, les galeristes, les collectionneurs et les mécènes. »

* Jusqu'au 30 septembre, Festival Photo La Gacilly 2017, I Love Africa, 56204 La Gacilly.
  •   "Sai Mado The Distant Gaze". Ancienne photojournaliste au "Washington Post", l'Éthiopienne Aïda Muluneh est la créatrice du Festival Addis Foto Fest.   © Aïda Muluneh
  • "Thiaroye 1944", de la série Liberty. Omar Victor Diop considère qu'il s'agit d'une "narration réinventée de l’histoire du peuple noir". © Omar Victor Diop / Magnin-A
  • "Dans les rues d’Addis-Abeba". Styliste et photographe éthiopien, Girma Berta utilise en toute discrétion son iPhone puis gomme les décors naturels. © Girma Berta
  •   Le Ghanéen Nyani Quarmyne montre les conséquences du réchauffement climatique : les plus démunis n’ont pas les moyens de construire les digues qui protégeraient leurs habitations.   © Nyani Quarmyne / Panos-Réa
  •   Photojournaliste à Reuters, le Nigérian Akintude Akinleye a été primé au World Press Photo en 2007 pour cette photo d’un homme se lavant après l’explosion d’un pipeline de gaz à Lagos.   © Akintunde Akinleye / Reuters
  •   "Jeunes Masaïs dans leur village". L'Espagnol Julián Negredo Sánchez a immortalisé l'une des danses masaïs : les hommes sautent le plus haut possible en conservant les pieds joints.   © Julian Negredo Sanchez / Image sans Frontière
  •   "Brazzaville et les rois de la SAPE". Baudouin Mouanda débute la photographie dès 13 ans, mais c'est à Paris qu'il découvre la sapologie.    © Baudouin Mouanda
  •    Grâce à son "Studio Photo de la Rue", la Malienne Fatoumata Diabaté fait revivre les studios de rue des pères de la photographie africaine.   © Fatoumata Diabaté
  • "Les élégantes". James Barnor est le pionnier de la photographie ghanéenne dès les années 1950. © James Barnor / Neutral Grey / Galerie Clementine de la Féronnière
  •  L’un des rares clichés pris par Arthur Rimbaud en 1883 à Harar, une ville située à l'est de l'Éthiopie, d'un fabricant de daboulas à l’heure du kât. © Musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières
  •   "Le Studio des icônes". Précurseur de la photographie africaine, le Malien Seydou Keïta commence son activité dans le Bamako de 1948.   © Seydou Keïta / SKPEAC Le Studio des icônes
  •    "L’Apollon", de la série les jours à Kinshasa, 1955-1965. Le Congolais Jean Depara a immortalisé les scènes de l'Afrique post-coloniale.   © Jean Depara / Revue Noire
  •   La Française Marie José Tack est partie à la rencontre de Mombassa, le plus grand port maritime de l’Afrique de l’Est, qui constitue l’entrée maritime du Kenya, de l’Ouganda, du Burundi et du Rwanda.    © Marie José Tack / Image sans Frontière
  • "Les deux amis musiciens". L’œil de Bamako, Sidibe Malick avait ouvert son célèbre Studio Malick dès 1958. © Malick Sidibé / GwinZegal