Des membres de l'ethnie Mro ayant fuit leur village en raison des violences inter-religieuses agitant l'Etat du Rakhine, dans le nord-ouest de la Birmanie, le 31 août 2017 près de Maungdaw

Des membres de l'ethnie Mro ayant fuit leur village en raison des violences inter-religieuses agitant l'Etat du Rakhine, dans le nord-ouest de la Birmanie, le 31 août 2017 près de Maungdaw

afp.com/STR, STR

En Etat Rakhine, région limitrophe du Bangladesh et la plus pauvre de la Birmanie, vivent environ un million de musulmans rohingyas, minorité persécutée et considérée comme étrangère, mais également plusieurs autres ethnies (Rakhine, Mro, Hindou...)

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Ici, les villages sont le plus souvent non-mixtes sur le plan ethnique et la cohabitation entre communautés est de plus en plus compliquée.

"Nous avions une vie simple. Nous sommes des cultivateurs, comme nos ancêtres mais aujourd'hui nous ne sommes plus en sécurité", a expliqué à l'AFP San Tun, bouddhiste et membre de l'ethnie Mro. Il vivait jusqu'ici dans un village proche de Maungdaw, au coeur des troubles.

Et la zone est sous tension depuis octobre dernier et des attaques de postes de polices par des rebelles rohingyas.

Les combats ont repris le 25 août et fait au moins 400 morts et poussé 73.000 personnes, principalement des Rohingyas, à passer au Bangladesh.

Dans le même temps, des milliers de bouddhistes et d'hindous ont fui vers les grandes villes de la région.

L'AFP a pu se rendre dans cette région lors d'un voyage organisé par le gouvernement.

Pour la première fois, les Mro se retrouvent au coeur du conflit. En août, huit membres de cette communauté, dont un frère et le fils aîné de San Tun, ont été tués par des rebelles musulmans, explique l'homme de 46 ans.

Depuis le groupe, qui craint de nouvelles représailles, a trouvé refuge dans les zones contrôlés par l'armée et le gouvernement, abandonnant derrière eux champs et bétail, leurs seuls moyens de subsistance.

"Il n'y a plus personne pour les nourrir, je pense que nos cochons sont morts maintenant", déplore-t-il.

- 'Nous étions frères avant' -

Les mêmes inquiétudes assaillent Han Thein, bouddhiste de l'ethnie Rakhine, qui a fui à Sittwe, la plus grande ville de l'état, après avoir passé une nuit cachée dans la forêt avec sa famille.

"J'étais tellement inquiète pour mes petits-enfants. Nous avons couru sans penser à rien d'autre qu'à notre sécurité", explique-t-elle réfugiée dans l'enceinte d'un monastère. Il leur a fallu trois jours de marche pour rallier la ville.

A ses côtés, San Mae, bouddhiste de l'ethnie Rakhine de 52 ans, raconte que c'est "la troisième fois" qu'elle doit quitter son village.

Chaque grande phase de violences a été pour sa famille synonyme de déplacement: comme en 2012 quand de violents affrontements interconfessionnels ont tué près de 200 personnes, principalement musulmanes.

"J'entends encore le bruit des tirs. Dès que j'y repense mon coeur se remet à battre très vite", raconte-t-elle.

Autre groupe de civils pris en tenaille: des hindous qui vivent dans la région. A l'hôpital de Maungdaw, plusieurs familles veillaient vendredi les corps de six travailleurs du bâtiment, qui seraient tombés dans une embuscade de rebelles rohingyas.

"Nous allons rester ici un peu mais je ne sais pas encore où nous pourrons aller si jamais la situation s'aggrave encore", s'inquiète Chaw, une femme hindoue de 50 ans.

De nombreuses femmes rohingyas réfugiées au Bangladesh ont confirmé à l'AFP que tous les hommes ne les avaient pas suivi, certains préférant rejoindre la rébellion naissante.

Le groupe qui a revendiqué les attaques, l'Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), dit vouloir défendre les droits de la minorité musulmane rohingya.

Depuis plusieurs années, les experts avertissent que les persécutions dont cette minorité apatride était victime créait le risque de voir une partie d'entre eux se radicaliser.

Mais tous les musulmans sont loin de soutenir ces nouveaux militants.

Certains se disent avant tout victimes des violences et regrettent que cela viennent envenimer une situation déjà explosive.

"Nous ne voulons pas des terroristes", a expliqué un Rohingya du village de Maungni, regrettant le temps où "nous étions tous comme une famille, comme des frères".

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