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Comment Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer ont réussi à s'imposer en 100 jours

Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud à l'Elysée, le 19 juin 2017.

Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud à l'Elysée, le 19 juin 2017. - Martin BUREAU / AFP

Depuis leur arrivée au gouvernement, la ministre du Travail et celui de l'Education nationale sont parvenus à imprimer leur marque en portant deux des grands dossiers de la rentrée. Issus de la société civile, ils étaient pourtant inconnus à leur nomination.

Au coeur de l'été, avant de quitter Paris pour des vacances à Marseille, Emmanuel Macron a rencontré, un à un, plusieurs de ses ministres pour préparer la rentrée. Il leur a donné pour consigne de monter au créneau. Au moins deux d'entre eux s'y sont déjà attelés: Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, et Jean-Michel Blanquer, à l'Education nationale. A la faveur de l'actualité, portés par la réforme sur le code du travail d'une part et par la rentrée scolaire de l'autre, tous deux ont multiplié les interventions dans les médias. Au point d'être qualifiés de "vedettes" de la rentrée.

A leur arrivée au gouvernement, comme d'autres collègues issus de la société civile, ils étaient pourtant inconnus du public. Début août, dans le baromètre Elabe pour Les Echos, deux Français sur trois (62%) n'avaient pas la moindre opinion sur le successeur de Najat Vallaud-Belkacem. Moins d'un sur deux seulement (46%) en avait une, bonne ou mauvaise, sur Muriel Pénicaud. Mais c'était avant les retours de vacances. En 100 jours, les deux ministres ont réussi à s'imposer, contrairement à un Edouard Philippe, qui peine encore à imprimer son style.

Pénicaud "cheffe d'orchestre", "première DRH de France"

Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer, critiqués autant que loués pour leur efficacité, incarnent chacun à leur manière l'"en même temps" théorisé par le président de la République. Ils ont montré leur détermination à réformer, multipliant les annonces dans leur domaine respectif, mais tiennent à se montrer à l'écoute. Et le message passe, au moins auprès d'une partie de l'auditoire. Interrogé sur la réforme du code du travail, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, estimait ce vendredi sur BFMTV et RMC qu'il y avait eu "une vraie concertation, intense", et se disait satisfait, si ce n'est de l'ensemble de la réforme, dans laquelle il voit "des avances", du moins de sa méthode. Parmi les syndicats, seules la CGT et Sud appellent à manifester le 12 septembre.

Muriel Pénicaud, 62 ans, n'a jamais été élue ni encartée. "Première DRH de France" dans Libération, "Cheffe d'orchestre rompue au dialogue social" pour Le Parisien et présentée comme celle qui "a su gérer le dossier le plus brûlant du quinquennat" dans L'Obs, elle a survécu à plusieurs étapes depuis son arrivée au gouvernement.

D'abord à un remaniement auquel plusieurs ministres pris dans des affaires n'ont pas résisté, alors même que son nom apparaissait dans celle entourant Business France, pour la soirée organisée à Las Vegas. Ensuite à l'ouverture d'une information judiciaire pour des soupçons de favoritisme et recel des favoritisme dans cette même affaire. Ensuite à la polémique autour des stock-options qu'elle a touchés alors qu'elle était chez Danone: 4,7 millions d'euros sur les deux dernières années, auxquels s'est ajoutée une plus-value de 1,13 million d'euro lors de la revente de stock-options en 2013. 

Blanquer, le ministre "contrôle z"

Jean-Michel Blanquer, de son côté, tente de donner des gages à gauche aussi bien qu'à droite. Signe qu'il a réussi à marquer les esprits, il est déjà affublé d'un surnom: "contrôle z", le raccourci clavier des ordinateurs d'Apple qui permet d'annuler une action. Pourquoi ce sobriquet? Pour sa capacité à annuler les réformes mises en place par le précédent gouvernement. Parmi les points remis en cause, la durée des vacances de la Toussaint, la méthode globale en faveur de la méthode syllabique et la réforme des rythmes scolaires, avec le retour à la semaine de 4 jours dans certaines communes. Depuis son arrivée au gouvernement à 52 ans, alors que la rentrée à venir pouvait être considérée comme pliée, il est parvenu à faire passer plusieurs nouveautés. 

Pas de vrai consensus

Dans Le Parisien, un connaisseur du monde scolaire le définissait comme "un fameux rusé, sous ses airs patauds". Celui qui se dit "déjà caricaturé" ne veut pas apparaître en simple gardien du temple conservateur voulant développer l'apprentissage des langues anciennes et rétablir les classes bilangues. Parmi ses priorités, dédoubler les classes de CP dans les zones difficiles et donner de manière générale une importance accrue à l'école maternelle et au primaire, en particulier dans les établissements les plus en difficulté. Sur la méthode comme sur les propositions, Jean-Michel Blanquer comme Muriel Pénicaud ne font pour autant pas consensus, et rien ne dit combien de temps ils parviendront à rester en haut de l'estrade.

"Ce qui me gêne, parce que la fonction même d'un politique c'est ça, c'est l'absence de direction (...) Surtout pour quelqu'un qui dit vouloir refuser la verticalité et se fonder sur les expériences, le nombre de dispositifs qu'il a supprimés avant qu'ils soient évalués, ça pose problème. Le temps de l'éducation n'est pas celui du politique", regrettait Philippe Watrelot, professeur de SES et ancien de Crap-Cahier pédagogiques, interrogé sur BFMTV après la conférence de rentrée du ministre.

La où le patron de Force ouvrière louait une concertation intense dans la réforme sur le code du Travail, Fabrice Angei, négociateur de la centrale CGT de Montreuil, regrette dans Libération le mode d'emploi de la ministre. 

"Elle n’a que pour objectif de jouer sur la division syndicale. On passe les uns derrière les autres, on ne dévoile qu’une partie du texte, le tout sur un calendrier très court, et avec des amendements à la marge pour faire croire qu’il y a du donnant-donnant. Et pouvoir dire ensuite: "Vous voyez, on a discuté", dénonce-t-il. 

Charlie Vandekerkhove