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Ordonnances : des petits détails qui changent tout pour les salariés

Les cinq ordonnances donnent plus de marges de manœuvre aux entreprises pour licencier et négocier leurs propres règles.

Emmanuelle Souffi , Mis à jour le
Edouard Philippe et Muriel Pénicaud ont présenté jeudi le contenu des ordonnances.
Edouard Philippe et Muriel Pénicaud ont présenté jeudi le contenu des ordonnances. © Reuters

"Changer l'état d'esprit du Code du travail" : une petite phrase lourde de sens. Prononcée par la ministre du Travail Muriel Pénicaud , lors de la présentation des ordonnances le 31 août, elle veut en vérité tout dire. "La transformation" à l'œuvre touche la philosophie même du gros livre rouge. Depuis sa création en 1910, il vise à rééquilibrer les relations entre employeur et employés, supposées inégalitaires en raison du lien de subordination qui relie les deux parties. C'est à cette essence même que le gouvernement s'attaque. "Le rôle de la norme sociale n'est pas de combattre les inégalités, mais de créer d'abord les conditions de la liberté de produire", indique l'entourage de la ministre.

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La lettre de licenciement devient une simple formalité

C'est une des hantises des petits patrons : se faire retoquer aux prud'hommes pour avoir mal rédigé la lettre de licenciement. Les formules obligatoires sont donc allégées. "C'est un gros changement", admet Déborah David, associée au cabinet Jeantet. Dès la publication des ordonnances – fin septembre –, si la lettre ne précise pas tous les griefs, cela ne suffira pas à plaider le licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à des dommages et intérêts. Le salarié qui repérera l'erreur pourra juste récupérer un mois de salaire. Et encore. Car la direction aura la possibilité de réparer son approximation a posteriori, après l'entretien. "Elle peut changer de motifs, en trouver un pour justifier un licenciement qui ne l'était pas au départ. C'est une violation des droits de la défense", déplore Alexandra Soumeire, avocate en droit social.

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Les plans de départs ­volontaires ne seront plus liés à un motif économique

Ils sont devenus le moyen préféré des entreprises pour se séparer en masse de salariés en évitant les licenciements secs. Seul hic, les plans de départs volontaires (PDV) restaient une création jurisprudentielle, pas très "sécure" juridiquement. Les ordonnances Pénicaud leur donnent un cadre légal, indépendamment de tout plan de sauvegarde de l'emploi. Ces "ruptures conventionnelles collectives", selon le terme employé par le cabinet du ministère du Travail pour décrire désormais ces PDV, n'en sont pas tout à fait, car elles sont unilatérales – l'employeur ouvre des négociations dans le cadre d'un accord collectif – et soumises au volontariat. Pas besoin d'être en mauvaise passe économique, l'entreprise qui souhaite rajeunir sa pyramide des âges et renouveler ses compétences pour se lancer dans de nouveaux projets peut ouvrir un guichet de départs. Bien pratique pour se séparer de services devenus inutiles et de savoir-faire obsolètes. "Le PDV ne doit pas avoir de caractère discriminatoire", prévient le cabinet de la ministre. L'administration veillera au grain.

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Les primes ne seront plus un avantage acquis

L'exemple type de la nouvelle architecture entre pouvoirs de la branche et de l'entreprise. Et de l'inversion de la hiérarchie des normes. Les primes autres que celles versées pour les travaux dangereux ou insalubres ne sont plus sanctuarisées. Une société qui ne souhaite plus verser le treizième mois prévu par la convention collective ou récompenser l'ancienneté pourra négocier avec ses syndicats – ou via un référendum dans les TPE de moins de 20 salariés et un salarié élu jusqu'à 50 – un autre type de rémunération. Voire rien du tout, surtout si les temps sont durs. "C'est la menace de perdre son emploi qui fera accepter ça", prévient Alexandra Soumeire, qui a défendu les salariés de Continental.

Les accords de compétitivité seront facilités

Avant, ils étaient limités aux besoins de "développer ou de préserver l'emploi". Obéissant à des régimes différents, ces accords de maintien de l'emploi fonctionneront désormais avec les mêmes règles. Et un champ d'application élargi. "Pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise", les rémunérations pourront être "aménagées" – donc baissées –, le temps de travail également – donc augmenté sans contreparties – et la mobilité imposée. Bien sur, il faudra obtenir la signature d'au moins 50% des syndicats.

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Les licenciements ­économiques seront plus faciles à justifier

Emmanuel Macron a réussi là où il avait échoué quand il était à Bercy. Pour apprécier le motif économique d'un plan social lancé par une multinationale, il faudra désormais regarder la seule situation de la filiale française. Et pas celle du groupe au niveau mondial. Une mesure réclamée de longue date par le Medef au nom de l'attractivité française. Mais fustigée par les syndicats qui pointent les risques d'organiser artificiellement la mauvaise santé du site hexagonal. Les ordonnances mentionnent bien "sauf fraude" pour limiter le champ d'appréciation. Le diable se nichant dans les détails, les comparaisons ne se feront pas au niveau de toute l'entreprise, mais uniquement par rapport "au secteur d'activité" concerné par la restructuration. Conclusion : dans une boîte qui va bien, si le service comptabilité est dans la panade, les licenciements seront quand même validés. Et il ne faudra pas compter sur les reclassements pour espérer s'en sortir. Hier individualisées comme l'exigeait la jurisprudence, les offres pourront se faire sous forme de listes uniformes. Le service minimum…

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