Sport de contact, le rugby l’est assurément. Il l’est plus encore avec l’évolution des règles, de la pratique et des physiques depuis 1995. Vingt ans après sa professionnalisation, le rugby n’a plus le même visage : il est plus rapide, plus percutant, plus fort. En vingt ans, le temps de jeu effectif des rugbymen a doublé, passant de vingt à quarante minutes sur un match qui en compte quatre-vingts. Le résultat, ce sont des corps qui ont été « industrialisés », selon le jargon des entraîneurs : musculation, entraînement, alimentation… le poids des rugbymen a augmenté en moyenne de 10 % en vingt ans.
Une hausse globale du nombre des blessures
Corollaire de ces changements, les blessures – notamment les blessures violentes – tendent à augmenter. Après quelques spectaculaires cas de blessures, la Ligue nationale et la Fédération française de rugby ont décidé de mettre en place un protocole commotion (cérébrale) au début de la saison 2012-2013, pour protéger les joueurs.
C’est la partie émergée de l’iceberg, comme la blessure à la tête de Florian Fritz en 2014 : l’image de joueurs qui sortent du terrain hagards, les yeux dans le vide, est souvent marquante. Mais ce sont les traumatismes en général qui augmentent.
Depuis la saison 2012-2013, l’observatoire médical chargé de suivre les « événements médicaux » du championnat français, le Top 14 a recensé plus de 2 000 sorties de terrain et les a classées par types. Résultat : les sorties définitives sur commotion sont stables (entre trente-six et trente-huit par an, soit tout de même près de deux par journée de Top 14), les saignements sont plutôt en baisse (– 22 %), ainsi que les traumatismes au visage (– 27 %).
En revanche, les blessures au coude (133 %) ou à la main (250 %) sont en forte hausse. Globalement, sur les trois saisons, les sorties définitives sur blessure ont augmenté de 40 %.
Le rapport de l’observatoire médical pointe que les commotions, qui représentent près de 7 % des blessures ayant entraîné une sortie du terrain, touchent d’abord le talonneur et le demi de mêlée.
La première ligne, de loin la plus touchée
Les piliers et le talonneur – la première ligne de la mêlée – sont les plus sujets aux traumatismes. A eux seuls, ces trois postes représentent 26 % des blessures ayant entraîné une sortie de terrain. Si on ajoute les deux autres postes les plus sujets aux sorties sur traumatisme, le demi de mêlée et le demi d’ouverture, on arrive à 43 %. Pour cinq joueurs sur quinze.
Le talonneur et ses deux comparses évoluant en première ligne sont sans doute deux des postes qui ont le plus évolué depuis l’avènement du rugby professionnel. Jusqu’à la fin des années 1990, la première ligne devait essentiellement être solide et difficile à déplacer en mêlée – et donc on privilégiait plutôt le poids. Aujourd’hui, ces rugbymen doivent aussi être mobiles et explosifs.
L’heure est à la polyvalence : les joueurs de première ligne déblayent sur les rucks, la zone où est plaqué un joueur et où l’on lutte pour la possession du ballon, doivent affronter la défense adverse et même courir comme des troisièmes-lignes, reconnaissait l’ancien sélectionneur des Bleus et trois quarts Philippe Saint-André.
Le président de la commission médicale de la Ligue, Bernard Dusfour, partant du constat que le rugby est générateur de blessures quoi qu’il arrive, recommande de mettre en place deux mesures : « Faire respecter le règlement à la lettre sur les rucks », qui sont là pour protéger les joueurs, quitte à faire baisser la fluidité du jeu, et de « ne pas faire jouer les joueurs blessés ». Cette dernière, sans doute la plus simple à appliquer en théorie, est en pratique difficile tant les clubs peuvent avoir besoin d’un joueur, ou tant un joueur peut avoir envie de retourner sur le terrain.
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