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En Bretagne, Bécassine n'est toujours pas leur cousine

La Bécassine de Bruno Podalydès a pris les traits d'Émeline Bayart. On la découvrira au cinéma en 2018. JC MARMARA/ LEFIGARO

La servante au grand cœur est à nouveau sur les devants de la scène. Alors que Bruno Podalydès tourne en ce moment une adaptation de la bande dessinée pour le grand écran, l'image qui lui est associée continue à chagriner les Bretons.

Quel destin! Dire qu'au départ, cette jeune simplette au grand cœur est née pour boucher une page blanche dans La Semaine de Suzette. Sous la direction de Bruno Podalydès, les aventures de la servante de Clocher-les-Bécasses sont une nouvelle fois remises au goût du jour. Le personnage imaginé par Joseph Pinchon sera incarné par Émeline Bayart et (bien) entourée au cinéma de Josiane Balasko et de Karin Viard. Alors que la sortie du film est prévue 2018, la réputation de l'héroïne de Caumery et Pichon reste un sujet sensible pour les Bretons.

» À lire - Au cinéma, Bécassine refait des siennes

Et pour cause, les clichés qui lui sont associés ne sont pas des plus reluisants. Cette nigaude et tantinet gaffeuse, partie travailler chez une famille bourgeoise parisienne, entretient la réputation d'une région bretonne maintenue à l'écart du modernisme. «Je demande à voir la tonalité du film. Si c'est pour renvoyer encore une image dévalorisante de notre région, je n'y vois pas d'intérêt», confie Philippe Chain, président de l'association des «Amis de Paris Breton».

« Je voudrais montrer Bécassine telle qu'elle est : fidèle, sincère, spontanée, innocente, tendre, rêveuse, enthousiaste »

Bruno Podalydès

Le réalisateur de Versailles Rive-Gauche, Adieu Berthe et Comme un avion, dit pourtant vouloir rompre avec ces stéréotypes. «Bécassine n'est pas la fille un peu niaise et stupide que l'on croit. Elle est naïve, certes, et candide, mais aussi curieuse et inventive. Elle a une âme d'enfant dans un corps d'adulte. Dans ce film, je voudrais montrer Bécassine telle qu'elle est: fidèle, sincère, spontanée, innocente, tendre, rêveuse, enthousiaste», confiait-il lors d'une interview au Figaro le 23 novembre dernier.

Bruno Podalydès dit vouloir changer l'image de Bécassine. Ici, son frère, Denis (à droite) incarne le personnage de Proey-Minans. Jean-Christophe Marmara/JC MARMARA / LE FIGARO

Si ces lieux communs font aujourd'hui sourire, ils étaient autrefois pris très au sérieux. En 1939, trois militants font savoir publiquement leur mécontentement et détruisent la statue en cire qui lui est dédiée au musée Grévin. Le geste est fort puisqu'ils iront jusqu'à la décapiter. Cette même année, le tournage du film avec Paulette Dubost, dans le rôle de Bécassine, est perturbé par de multiples manifestations dans la région de Lannion.

Une chose est sûre, ce personnage mythique est indémodable. Imaginée par Jacqueline Rivière, elle est née sous la plume du dessinateur Joseph Pinchon en 1905, dans la revue La Semaine de Suzette, l'hebdomadaire qui se trouvait sur la table de chevet des jeunes filles issues de bonnes familles.

Ce fut au tour de Caumery de la mettre en scène en 1913 dans sa série éponyme. L'an dernier, pour fêter ses 110 ans, une exposition au Musée de la poupée à Paris a été organisée et un nouvel album, signé Corbeyran et Béja, a été imaginé pour l'occasion.

Bruno Podalydès fera-t-il prendre sa revanche à celle qui amusait la France par sa simplicité d'esprit? Philippe Chain l'espère, au moins au nom des Bretons de Paris. «On sait que la Bretagne a changé. Bolloré et Pinault ont redoré son image, il faut continuer sur cette lancée. En tout cas, en finir avec ces vieilles histoires.»

En Bretagne, Bécassine n'est toujours pas leur cousine

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15 commentaires
  • Bernez001

    le

    Tout ça ne serait pas grave si ce n'était là une habitude récurente à Paris. Cette remarquable et superbe condescendance vis-a-vis des Bretons, si braves, si naïfs et si bornés (Annie Labornez de Clocher les Bécasses...) L'anthologie de cet "esprit parisien" proverbial, séculaire et si délicat se trouve dans le livre "Ils ont des chapeaux ronds" de R Faligot (Éd COOP BREIZH) Ne reomp forzh ebet, evelato !

  • Felix T.

    le

    Replacez les choses dans le contexte de l'époque, effectivement, il faudrait. Ridiculiser les Bretons, ce n'est pas pour rien. 1905, c'est l'année de la séparation de l'Eglise et l'Etat, l'année ou la France envoie des gendarmes chasser des bonnes soeurs et des curés pour fermer des écoles et les remplacer par des ecoles de la république, avec des instituteurs formés et envoyés par la République, et ce contre l'avis de la population locale. C'est l'époque où on interdit de "parler breton et cracher", on met des bonnets d'ânes aux enfants qui parlent breton dans la cour de l'école, etc ..... En une génération, la langue s'est perdue. C'est la grande époque du mépris colonialiste du jean jaurès si cher aux socialistes, etc ....

  • Arthur Rick

    le

    Ce début - déjà bien entamé - du XXIème siècle se caractérise par un retour de la volonté de se sentir appartenir à une communauté et parallèlement à la naissance de néo-censeurs de tous poils et de toutes obédiences.
    On ne doit plus faire rire avec les femmes, avec les noirs, les homo, les bretons, les arabes, les juifs, les chauves, les roux...
    Bientôt monteront au créneau les hommes blancs, les hétéros (ben oui, si on n'a pas le droit de se moquer des homos, pourquoi aurait-on le droit de mettre en boite les hétéros ou tourner en dérision l'homme blanc quinquagénaire ?)
    Les associations de protection des animaux vont s'y mettre et vouloir interdire de se moquer des ânes, des poulets, afin de protéger leur dignité. Alors... avec quoi va t'on pouvoir faire rire ?
    Bon... Heu... alors c'est un citron qui entre dans une banque et dit: "pas un zeste, je suis pressé !" Certes, on va moins rire, mais au moins l'hyper politiquement correct sera bien respecté. Ah... On me signale à l'instant que l'association des maraichers et planteurs d'arbres fruitiers de Tourmini les Panpan la Plumette a saisi le conseil d'état afin de m'attenter un procès pour citrophobie et dégradation de l'image de leur profession !

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