De Walt Disney à la bombe atomique, Kim Jong-un, ce tyran obsessionnel

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De Walt Disney à la bombe atomique, Kim Jong-un, ce tyran obsessionnel

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Kim Jong-Un assiste à un forage mobile pour le lancement d'un missile balistique. Image non datée publiée le 11 mars 2016 par l'agence de presse officielle coréenne (KCNA)
Kim Jong-Un assiste à un forage mobile pour le lancement d'un missile balistique. Image non datée publiée le 11 mars 2016 par l'agence de presse officielle coréenne (KCNA)
© AFP - KNS / KCNA

L'actualité bruisse des menaces nucléaires de la Corée du Nord, qui dit préparer le lancement d'un nouveau missile balistique intercontinental. Mais qui est exactement son "leader suprême"? Portrait de Kim Jong-un à travers quelques obsessions, de ses loisirs immatures à ses incantations guerrières.

Dans la nuit du 2 au 3 septembre, la Corée du Nord a mené un nouvel essai nucléaire estimé à 50 kilotonnes : trois fois plus puissant que la bombe d'Hiroshima, et cinq fois plus puissant que le test qu'elle avait conduit en septembre de l'année dernière. De quoi inquiéter la Corée du Sud et les Etats-Unis, qui s'apprêtent à déployer davantage de défenses antimissiles. Et ce d'autant plus que celui qu'on appelle en Corée du Nord "le leader suprême", Kim Jong-un, se targue de préparer le lancement d'un nouveau missile balistique intercontinental.

Mais qui est donc cet homme de 34 ans, en fonction depuis décembre 2011, plus jeune chef d’État de la planète... et probablement le plus dangereux ? Découvrez ici quelques-unes de ses obsessions, des plus étonnantes aux plus angoissantes... même si, comme le soulignait un diplomate américain en 2010, "on en sait plus sur les galaxies lointaines que sur la Corée du Nord". Car on ne parle pas de la vie privée dans cette République en autarcie, rappelait en décembre 2011 Arnaud Vaulerin, grand reporter pour Libération en Asie. C'était sur France Culture, dans l'émission Culturesmonde, au moment de la mort du "cher leader" Kim Jong-il, père de Kim Jong-un :

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Parler de la vie privée en Corée du Nord est particulièrement tabou. Quand je parlais à mes amis nord-coréens, quand j’essayais de savoir un petit peu ce qu’il en était de la famille du dirigeant... généralement ils ne veulent pas en parler, et ils n’en savent rien. Ça ne les regarde pas, on n’en parle pas mais… du tout ! [...] Ce que les réfugiés à Séoul savent, c’est souvent vu à travers le prisme de la Corée du Sud. Arnaud Vaulerin

Mort du "Cher Leader", péninsule mal à l'aise_Culturesmonde, 23 décembre 2011

31 min

Dessins animés de Walt Disney, baskets Nike et Jean-Claude Van Damme

Avez-vous en tête l'image d'Abdallah, dans Tintin ? Le fils de l'Emir du Khemed, insupportable, capricieux, pourri gâté, conscient d'être intouchable de par sa filiation et tenant tête aux adultes du haut de ses six ans et de sa voiture à pédales ? À en croire l'historien Pascal Dayez-Burgeon, auteur de La dynastie rouge (Perrin, 2016), c'est le même genre d'enfance qu'a connue Kim Jong-un, troisième fils de Kim Jong-il, second fils du second lit. Au centre de Pyongyang, parmi des milliers de jouets :

Potentats en puissance, les jeunes Kim vivent dans des quartiers de haute sécurité, luxueux certes, mais coupés du monde. Ils n'ont pour horizon que leurs jouets, leurs précepteurs et leurs gardes du corps.

En 2010, Courrier international rapporte même que dans les jardins de la résidence, le petit garçon conduisait une minuscule Mercedes-Benz à pédales, spécialement adaptée pour lui.

Parmi les histoires qui courent sur Kim Jong-un, celle de sa visite au parc Disneyland de Tokyo en mai 1991, avec sa mère et son frère aîné, Jong-Chul, incognito : la famille aurait utilisé de vrais passeports brésiliens, mais de fausses identités, rapportait le quotidien japonais Yomiuri Shimbun. Celle de Kim Jong-un, alors âgé de 8 ans et grand passionné de dessins animés Walt Disney ? Joseph Pak.

Autre passion du "chef suprême" virant à l'obsession : le basket-ball. Une de ses tantes, Ko Yong-Suk (dissidente et réfugiée à New York) en témoignait dans le Washington Post en mai 2016 : "Il a commencé à jouer au basket-ball, et c'est devenu une obsession pour lui". D'après cette tante, Kim Jong-un aurait même pour habitude de dormir avec un ballon. Fan de Michael Jordan, il a invité à plusieurs reprises l’ancienne star de la NBA Dennis Rodman, à Pyongyang.

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À noter aussi que Kim Jong-un possède plusieurs paires de baskets Nike très coûteuses, et est également un aficionado des films d'action de Jean-Claude Van Damme et de Jackie Chan, comme le rapportait Les Echos en mars 2016.

Amour filial… mais pas familial

En décembre 2011, sous la neige et parmi les lamentations du peuple (et du commentateur de la télévision d'Etat), avaient lieu les obsèques, grandioses, de Kim Jong-il, "Soleil de la nation". Kim Jong-un, la main à la tempe, saluait d'un air solennel tout en accompagnant le corbillard.

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Dans Les Matins de France Culture du 26 décembre 2014, Pascal Dayez-Burgeon analysait la mise en scène de ces funérailles orchestrées par Kim Jong-un. À ses yeux, une mise en scène directement inspirée d'un film de Clint Eastwood appelé Les Pleins pouvoirs (1997).

La mise en scène des Cadillac, qu’on voit dans Pyongyang, avec des grands portaits de Kim Jong-il, c’est un des films préférés de Kim Jong-il, qui avait laissé entendre que le jour où il mourrait, il voudrait que ce soit comme dans ce film. Et ce n’est absolument pas une blague. C’est certifié par des personnes du bureau du cinéma de Pyongyang. Pascal Dayez-Burgeon

Pascal Dayez-Burgeon sur les funérailles de Kim Jong-il, dans Les Matins de France Culture, 26 décembre 2014

9 min

Mais dans le cercle familial de Kim Jong-un… n'était sacrée que la figure paternelle, semble-t-il. Certains, en décembre 2011, espéraient un assouplissement du régime et des rénovations en profondeur, de la part d'un jeune ayant fait une partie de ses études en Europe (en Suisse, de 1996 à 1998, sous une fausse identité). Ils ont vite déchanté : Kim Jong-un a eu tôt fait, au contraire, de durcir le régime, notamment en faisant exécuter de nombreuses personnes, même à très haut niveau. Et parmi ces personnes, plusieurs proches, ou membres de sa propre famille. Des faits difficiles à vérifier cependant, compte tenu de l'opacité cultivée par la dictature.

Les premiers à disparaître de manière suspecte : son oncle, Jang Song-taek, exécuté en 2013. Puis sa tante, Kim Kyong-hui (épouse du premier), morte par empoisonnement en 2015. Chargé d'épauler le jeune dictateur pour sa prise de fonction, le couple avait disparu de la vie publique après lui avoir déconseillé la construction d'un parc aquatique et d'une station de ski, par souci d'économie ( c'est ce que rapportait Le Point en mai 2015).

Mauvais joueur, [Jang Song-taek] se comporte en régent, mène sa propre politique, prodigue à Kim Jong-un des conseils qui ressemblent à des ordres et va jusqu'à le contredire en public. Impardonnable erreur. [...] Une pièce rapportée est toujours utile, mais jamais indispensable. Pascal Dayez-Burgeon, dans "La dynastie rouge" (Perrin)

Kim Jong-nam, demi-frère de Kim Jong-un, fils aîné de Kim Jong-il, est mort lui aussi dans de bien étranges circonstances à 45 ans. Le 13 février 2017, celui qui aurait déjà fait l'objet d'une tentative d'assassinat en 2009 à Macao (déjouée par les services de sécurité chinois), meurt par empoisonnement à l'aéroport de Kuala-Lumpur, en Malaisie. Il s'écroule, après avoir été agressé par deux femmes, munies d'une aiguille.

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Un temps pressenti pour succéder à son père à la tête de la Corée du Nord, Kim Jong-nam était tombé en disgrâce après son arrestation à l'aéroport de Tokyo en 2001. Il avait sur lui un passeport falsifié de la République dominicaine.

Les obsessions guerrières

Pyongyang n'a jamais fait dans la dentelle dans ses déclarations guerrières, qu'elles concernent les Etats-Unis, la Corée du Sud ou le Japon, l'ennemi historique, puissance coloniale jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Transformer le bureau présidentiel de Séoul "en mer de feu" (en 2013), ou plus dernièrement "rayer les Etats-Unis de la surface de la terre" et provoquer "l'autodestruction imminente" de Tokyo pour la punir de son alignement avec Washington (2017)... une rhétorique belliqueuse et des provocations qui ne sont pourtant pas l'apanage de Kim Jong-un : même si sa prose est particulièrement outrancière, le "Grand soleil du XXIème siècle" ne fait là que perpétuer la posture de son père : rappelons par exemple que Kim Jong-il promettait en 2006 une "guerre totale".

En revanche, jusqu'à Donald Trump, Pyongyang n'avait pas été habitué à ce que la Maison Blanche surenchérisse et fasse le lit de ces joutes verbales.

La Corée du Nord n'a pas intérêt à proférer d'autres menaces contre les Etats-Unis. Elles se heurteront au feu et à la fureur comme le monde n'en a jamais vu. [Kim Jong-un] a été très menaçant, au delà de ce qui est normal d'habitude, et comme je l'ai dit, elles se heurteront au feu et à la fureur, et franchement, à une puissance comme le monde n'en a jamais vu. Donald Trump le 8 août 2017

Notons aussi qu'à l'heure des cyberguerres, la passion pour l'informatique et le piratage est, quant à elle, bien un attribut de Kim Jung-un. À Pyongyang, le jeune homme avait notamment étudié la physique et l'informatique à l'université de technologie Kim Chaek. Une fois ses études terminées, il prend la tête de la stratégie de développement informatique du régime nord-coréen : “Il est féru d’informatique, oui, car c’est un homme encore jeune, trente ans, il a besoin, dans un régime profondément gérontocratique, d’affirmer quand même que la jeunesse a une place à tenir, et pour cela il a décidé de jouer la carte des nouvelles technologies", analysait encore Pascal Dayez Burgeon dans Les Matins de France Culture du 26 décembre 2014.

Pascal Dayez-Burgeon sur Kim Jong-un et l'informatique, dans Les Matins de France Culture, 26 décembre 2014

6 min

Kim Jong-un inspecte le processus de production d'un nouveau téléphone mobile à écran tactile, "Arirang", août 2013
Kim Jong-un inspecte le processus de production d'un nouveau téléphone mobile à écran tactile, "Arirang", août 2013
© AFP - KCNA

Comme en témoignait le magazine Capital, d'aucuns se demandent même si Kim Jong-un n'était pas derrière le virus informatique WannaCry, qui a touché près de 300 000 ordinateurs à travers le monde au mois de mai dernier.

Il faut développer rapidement la science et la technologie, et offrir à tout le peuple une formation aux compétences scientifiques et techniques”, préconisait même Kim Jong-un dans son ouvrage au titre à rallonge : Faisons éternellement honneur aux grandes idées révolutionnaires de Songun promues par le Dirigeant Kim Jong Il et à ses éminents hauts fais en la matière.

Etonnant, car en Corée du Nord, l'immense majorité de la population n’a pas accès à Internet. “Il y a peut être 1000 à 1500 personnes qui y ont accès". Si on trouve quelques rares réseaux à Pyongyang, le peuple coréen se contente généralement d'un intranet local. Une sorte de réseau domestique qu’on trouve surtout dans les universités, et qui propose des plateformes d’échanges ("des sortes de simili Facebook")... et surtout des textes écrits signés de dignitaires, ou des films de propagande.