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Économie

Les 5 mesures choc anti-tabac d'un député d'En Marche

Le député (En Marche), François-Michel Lambert détaille les cinq mesures pour lutter contre le tabac qu'il proposera lors du projet de loi de Finances et lors du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale.

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Les 5 propositions anti tabac d'un député

(c) Afp

Le 28 juillet, le Food and Drug Administration (FDA), l’Agence fédérale américaine chargée de protéger la santé publique, a préconisé de réduire le niveau de nicotine dans les cigarettes afin de réduire le risque d’addiction. Immédiatement la panique s’est emparée des fabricants de tabac et de leurs actionnaires, et l’industrie du tabac a perdu 30 milliards de dollars de capitalisation boursière. Il s’agit d’une double bonne nouvelle pour la santé publique : sur le fond tout d’abord, car tout ce qui peut réduire l’addiction au tabagisme doit être salué, surtout quand une telle mesure vient des Etats-Unis qui ont toujours été la mère nourricière de l’industrie du tabac, et sur les conséquences financières ensuite, car tout ce qui réduit les capacités d’investissements et de développement des cigarettiers, la confiance que peuvent avoir en eux les actionnaires ou simples boursicoteurs est aussi un pas vers une meilleure santé publique.

Ce lien entre mesures de santé publique et conséquences sur le cours de bourse des cigarettiers est un concept qui a été développé en France récemment par Pauline Delpech lorsqu’elle a lancé, en 2015,  son association anti-tabac intitulée « Pour Une Nouvelle Politique Anti-Tabac ». Son originalité, que lefficacité des nouvelles politiques anti-tabac soit désormais jugée à l’aune de l’évolution du cours de bourse des cigarettiers : une mesure anti-tabac est utile si elle fait chuter le cours de bourse des cigarettiers.

Les fumeurs trop souvent ciblés

Trop souvent, en France notamment, les mesures anti-tabac ont ciblé les fumeurs et les buralistes. Mais rarement de manière spécifique les fabricants de tabac. A l’aube de ce nouveau quinquennat, et alors que le candidat Emmanuel Macron a annoncé à plusieurs reprises sa volonté de faire entrer notre pays dans l’ère de l’après tabagisme, je souhaite proposer une série de mesures fondées sur ce changement radical de logiciel.

Il convient en préambule de rappeler que les quatre majors du tabac se partagent plus de 99% du marché du tabac en France. Malgré leurs incessantes et insupportables jérémiades, ils réalisent en France un profit annuel d’un milliard d’euros sur lequel ils ne paient quasiment aucun impôts ni taxes grâce à un astucieux système d’optimisation fiscale, avec une marge opérationnelle de près de 50%. Qui peut dire mieux ? Pendant ce temps, l’ensemble des assurés sociaux et des contribuables, qui sont pourtant à 70% non-fumeurs, doivent assumer les coûts directs et indirects du tabagisme, chiffrés par l’économiste Pierre Kopp à 100 milliards d’euros par an, à opposer aux 14 milliards d’euros de recettes fiscales. Qui peut encore oser dire que le tabac rapporte à l’Etat ?

Il y a là une situation dont l’indécence et l’immoralité ne peuvent plus être acceptées. Alors certes, on ne peut pas restreindre les règles de l’optimisation fiscale pour les seuls cigarettiers. Ils le savent pertinemment et en développent une vraie arrogance. En revanche, on peut être malin, et mettre désormais à leur charge le coût des politiques correctrices de leur activité. Je refuse que les assurés sociaux et les contribuables financent la hausse des profits des actionnaires des cigarettiers. Je veux qu’on rende l’argent du tabac aux contribuables français !

Je propose 5 mesures concrètes pour ce quinquennat :

 

1-La prise en charge par les cigarettiers de la lutte contre le commerce parallèle

 

Le Président de la République Emmanuel Macron et la Ministre de la Santé Agnès Buzyn souhaitent une forte hausse des prix du tabac pour réduire drastiquement le nombre de fumeurs, conformément aux préconisations de l’OMS. C’est une bonne chose. Mais il ne faut pas nier que cette forte hausse risque de se traduire, sans mesures correctives, par une hausse du commerce parallèle, chiffré déjà à plus de 25% dans notre pays. Or, ce que l’on ne dit jamais assez, c’est que ce sont les cigarettiers qui organisent et alimentent le commerce parallèle. Une responsable de la Seita-Imperial Tobacco le reconnaissait dans une interview à la revue des buralistes Le Losange en novembre 2016 : la contrefaçon ne repésente que 0,2% du commerce parallèle et les Illicit White, ces cigarettes fabriquées par des cigarettiers, mais pas commercialisées officiellement en France, que 1%. Cela signifie que 98,8% du commerce parallèle est du vrai tabac qui sort directement des usines des cigarettiers. Cela signifie donc aussi que les cigarettiers sont responsables à 98,8% de la perte fiscale annuelle de 3 milliards d’euros que subit notre pays à cause de leurs manœuvres, et que nous, contribuables, fumeurs et non-fumeurs, devons assumer. Je demande donc au gouvernement de mettre en œuvre immédiatement la traçabilité des produits du tabac telle que définie par le Protocole de l’OMS « pour éliminer le commerce illicite du tabac » ratifié par la France le 30 novembre 2015 après des votes à l’unanimité – ce n’est pas si courant – de l’Assemblée nationale et du Sénat, et par l’Union européenne le 24 juin 2016. Une traçabilité qui selon l’article 8-12 du Protocole de l’OMS doit être strictement indépendante des cigarettiers. Cette traçabilité doit aussi concerner les nouvelles cigarettes de tabac chauffé que lancent les cigarettiers actuellement comme l’iQos, la Ploom, ou autre Glo. Je propose qu'on trace également, comme le suggérait mon collègue Frédéric Barbier, député du Doubs, dans son Rapport « Sur l’avenir des buralistes » publié en octobre 2015, que les recharges pour cigarettes électroniques. Cette traçabilité ne coûtera rien à l'Etat, le Protocole de l'OMS prévoyant qu'elle soit financée à 100% par les cigarettiers. Cette mesure doit permettre à l’Etat de récupérer jusqu’à 3 milliards d’euros par an, de réduire le coût pour le budget  de l’Etat du Contrat d’Avenir Etat/buralistes en permettant à ces derniers de gagner jusqu’à 250 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel supplémentaire et ceci grâce à leur travail et non à des subventions. De plus cette traçabilité permettra de réduire les dépenses liées aux enquêtes de police et de gendarmerie des cambriolages dont sont victimes quotidiennement les buralistes, la traçabilité permettant de remonter les filières, facilitant la charge de la preuve.

 

2-La condamnation financière des cigarettiers de leurs mensonges, notamment sur le commerce parallèle

 

Les cigarettiers ont l’habitude, pour empêcher toute nouvelle mesure législative, réglementaire, fiscale d’agiter le chiffon rouge de la hausse potentielle du commerce parallèle, qu’ils organisent pourtant sciemment comme on l’a vu. Pour cela, ils n’hésitent pas à diffuser des études, des chiffres, des statistiques, souvent totalement inventés ou bidonnés, mais qui, repris par les médias, font le buzz, et peuvent influencer les pouvoirs publics. Ainsi le 4 juillet dernier, l’association anti-tabac le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) a montré que les chiffres contenus dans le dernier Rapport KPMG/cigarettiers sur l’évolution des Illicit White étaient trafiqués d’année en année pour les rendre plus gros. J’ai aussitôt décidé de déposer une proposition de loi pour créer un nouveau délit, essentiellement financier, à l’encontre des cigarettiers « pour divulgation volontaires de fausses informations, de faux chiffres ». Les cigarettiers sont responsables de 80000 morts chaque année en France, de 700000 en Europe et de 5 millions dans le monde. Ils coûtent chaque année des centaines de milliards aux contribuables pour se partager, à quatre, quelques dizaines de milliards d’euros de profits. Non seulement ils ne doivent plus pouvoir se prévaloir de leur propre turpitude, mais ils doivent être condamnés financièrement pour leur malignité.

 

3-La prise en charge par les cigarettiers de la pollution occasionnée par les mégots.

 

Chaque année dans le monde six mille milliards de cigarettes sont fumées. Elles sont 65 milliards en France. Ce sont quasiment autant de mégots qui se retrouvent dans la nature. Or un mégot peut mettre jusqu’à 12 ans pour disparaître. Entre temps, il aura libéré les quelque 4000 substances qu’il contient. Un seul mégot peut polluer 500 litres d’eau ou 1m3 de neige. Le principe « pollueur-payeur » doit aussi être appliqué aux cigarettiers. Je propose la création d’une contribution environnementale payable par les seuls cigarettiers, d’un montant à définir par le Parlement, mais qui pourrait être de 2 à 5 centimes par paquet de cigarettes. Et je propose que le montant, quelques dizaines de millions d’euros chaque année.

 

4-La prise en charge par les cigarettiers de la prévention contre le tabagisme.

 

Lors de la dernière loi de santé, nous avons créé un fonds de prévention contre le tabagisme. Il est indispensable en effet que nous améliorions la prévention dans les écoles notamment, à l’exemple de l’Allemagne et des pays anglo-saxons, bien plus performants que nous dans ce domaine. Pour cela, il faut abonder ce fonds de prévention. Je m’oppose, là encore, à ce qu'on fasse appel au budget de l’Etat ou à celui de la Sécurité Sociale en fonction du même principe : les contribuables et assurés sociaux, et notamment les non-fumeurs, n’ont pas à financer les conséquences d’un produit aussi addictif que le tabac. Je propose donc que seuls les cigarettiers abondent ce fonds de prévention. Je propose que ce fonds soit abondé de la manière la plus simple, au travers du vote par le Parlement d’une hausse des droits d’accises, à hauteur de 50 à 100 millions d’euros chaque année.

 

5-La prise en charge par les cigarettiers de la hausse de la rémunération des buralistes.

 

Les 25000 buralistes sont souvent, dans nombre de quartiers ou de village, le dernier lieu de vie, le dernier commerce de proximité. Ils sont aussi les victimes des cigarettiers qui les utilisent comme porte-voix ou chair à canon. On en arrive au paradoxe que les cigarettiers demandent aux buralistes de protester contre le poids d’un commerce parallèle qu’ils ont eux-mêmes organisés ! Je souhaite que l’on libère les buralistes du joug des cigarettiers en augmentant leur rémunération. Je propose que cette dernière soit portée à 11% du prix d’un paquet de cigarettes. Une augmentation de la rémunération des buralistes qui serait financée à 100% par les cigarettiers. Cette hausse de la rémunération permettra en outre aussi de réduire les dépenses de l’Etat liées au Contrat d’avenir Etat/buralistes.

 

Ces cinq nouvelles mesures anti-tabac doivent être  adoptées au plus vite en France et reprises par le plus grand nombre possible de pays. Dans cette approche mondiale, je veux en ajouter une sixième mesure qui m’est inspirée par la lecture de l’interview de Jean-Louis Borloo, créateur et Président de la « Fondation Energie pour l’Afrique », publiée par Ouest-France le 26 août 2017. Jean-Louis Borloo y rappelle la nécessité absolue d’aider l’Afrique en permettant notamment à ses 650 millions d’habitants d’avoir accès à l’électricité. Ce beau projet, qui est aussi une réponse à quelques-uns des défis auxquels notre pays et l’UE sont confrontés, celui des migrants par exemple, se heurte bien sûr aux difficultés de son financement. A l’exemple de Christophe Madrolle, je propose une solution simple, pérenne et morale : aujourd’hui, le commerce parallèle de tabac engendre chaque année une perte fiscale de 20 milliards d’euros en UE et de 10 milliards d’euros en Afrique. Comme on l’a vu, les cigarettiers sont responsables pour l’immense part de ce commerce parallèle et de la perte fiscale qu’il cause. Il suffit que le tabac soit demain acheté dans le pays où il est consommé pour que les Etats de l’UE et d’Afrique récupèrent ces 30 milliards d’euros annuels, et dont une partie, à définir, pourrait être affectée à l’électrification de l’Afrique, sans toucher donc aux budgets actuels des Etats par la mise en œuvre du Protocole de l’OMS « pour éliminer le commerce illicite du tabac ». Je vais proposer à Emmanuel Macron, à Jean-Claude Juncker, Président de la Commission, à Tedros Adhanom Ghebreyes, nouveau Directeur Général de l’OMS et à Jean-Louis Borloo que nous puissions travailler ensemble sur ce sujet, avec les chefs d’Etats africains.

 

Comme je l’ai affirmé en préambule, notre politique anti-tabac nécessite d’être profondément repensée. Nous devons désormais cibler les intérêts des cigarettiers. Des cigarettiers qui ne se contentent pas de vendre un produit qui tue la moitié de ses consommateurs et qui se distinguent aussi par leurs pratiques malsaines ou malhonnêtes. Depuis le début de cet été, on a ainsi appris que British American Tobacco fait l’objet d’une enquête conduite par le SFO, l’organisme de répression des fraudes britannique, pour des faits de corruption généralisée en Afrique ; qu’une plainte pénale a été déposée en Argentine contre Philip Morris et Inexto concernant des manœuvres pour imposer leur système de traçabilité appelé Codentify et considéré comme contraire au Protocole de l’OMS ; que Philip Morris, dénoncé par Reuters, a mobilisé plus de 600 lobbyistes pour contrer ou diluer les dernières mesures anti-tabac de l’OMS contrairement au discours professé hypocritement en public par ce cigarettier. Des faits qui montrent que politiques et journalistes devraient toujours refuser de recevoir, d’écouter et d’entendre les cigarettiers et leurs relais, ou tout au moins en respectant scrupuleusement l’article 5.3 qui encadre leur lobbying de la Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac de l’OMS.

 

Je proposerai pour ma part lors des prochains Projet de loi de finances (PLF) et Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) les mesures que je viens de présenter, en souhaitant convaincre le gouvernement et une majorité de parlementaires. Je sais par avance que les cigarettiers, par la voix de leurs cabinets de lobbying externes et leurs cabinets d’avocats, vont comme d’habitude menacer de répercuter ces mesures sur le prix de vente du tabac, pour effrayer décideurs politiques et buralistes. Je l’affirme, ce risque n’existe pas, n’existe plus, pour deux raisons : tout d’abord les prix vont déjà augmenter fortement, et il sera impossible pour certains cigarettiers de répercuter des « charges additionnelles » à due concurrence ; ensuite il faut savoir que le modèle de profitabilité des cigarettiers en France a été basé sur un différentiel de prix de 50 centimes entre les marques les moins chères (à ce jour 6,50 euros) et les marques les plus chères (7 euros). Avec une mesure scandaleuse obtenue par les cigarettiers : un avantage fiscal pour les cigarettes dites Premium, appelée « la part spécifique », sur le principe qui relève de l’hérésie selon lequel une cigarettes dite Premium serait moins nocive pour la santé qu’une cigarette « entrée de gamme ». C’est insensé ! Tous les paquets de cigarettes, qu’ils soient « entrée de gamme » ou dits Premium sont rigoureusement identiques, coûtent tous entre 10 et 12 centimes à fabriquer, et tuent 1 consommateur sur 2 ! La forte hausse des prix envisagée doit permettre de vendre à terme toutes les cigarettes au même prix. Jusqu’à présent en effet, les cigarettiers ont toujours répercuté les charges nouvelles sur le prix de vente, au détriment des buralistes et des fumeurs, en augmentant tous leurs prix du même montant le même jour, ce qui permettait de conserver scrupuleusement ce différentiel de 50 centimes. Ceci n’est plus possible. Les cigarettiers sont en effet sous le coup d’une enquête pour entente illicite sur les prix du tabac portant sur la période 2007-2012.

 

Nouvelle majorité, nouveau logiciel, la France a les atouts pour mettre en œuvre une politique anti-tabac nouvelle qui pourra être reprise en Union européenne et dans le reste du monde, pour que nous puissions enfin réduire les capacités financières des cigarettiers et rendre immédiatement cet argent, entre 3 et 3,5 milliards d’euros par an, aux contribuables. A terme, grâce à la baisse du coût social du tabac de 100 milliards d’euros, ce sont des dizaines de milliards qui pourront être rendus aux contribuables français.

 

François-Michel Lambert

Député des Bouches du Rhône

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