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Nature & environnement

"Bobos de service" ou lanceurs d'alerte? A Montreuil, des riverains veulent fermer une usine

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Une cinquantaine de riverains ont bloqué lundi matin l'accès à une usine de traitement chimique de pièces aéronautiques située dans le centre de Montreuil (Seine-Saint-Denis) dont ils exigent la fermeture immédiate, la jugeant
Une cinquantaine de riverains ont bloqué lundi matin l'accès à une usine de traitement chimique de pièces aéronautiques située dans le centre de Montreuil (Seine-Saint-Denis) dont ils exigent la fermeture immédiate, la jugeant "toxique". -GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives/SCOTT OLSON

Que fait encore une usine de traitement chimique dans un quartier résidentiel? Des habitants de Montreuil (Seine-Saint-Denis) demandent sa fermeture, balayant les analyses rassurantes, les travaux annoncés, tout comme l'image de "bobos" que leur renvoient les ouvriers.

La scène se répète chaque matin depuis la rentrée. Des dizaines de riverains et parents d'élèves bloquent l'activité d'une modeste usine couverte de tôle verte, sous l'oeil désapprobateur d'une dizaine de salariés contraints au chômage technique.

A deux pas du centre-ville, la SNEM (Société nouvelle d'eugénisation des métaux), fournisseur des groupes Airbus et Safran spécialisé dans le traitement chimique de pièces aéronautiques, fait figure de vestige du passé industriel de cette proche banlieue parisienne.

Le quartier est en pleine gentrification avec ses pavillons serrés les uns contre les autres dans des rues en pente, en contrebas d'un parc classé "Natura 2000" qui trace une frontière naturelle avec les tours HLM.

Odeur âcre, "eau mousseuse" qui s'écoule quand il pleut, "bâtiment rafistolé de partout": les inquiétudes des riverains sont anciennes. Mais la mobilisation a pris une nouvelle tournure depuis qu'une leucémie a été diagnostiquée en juin chez un enfant, le troisième cas de la rue en 15 ans selon eux.

Les opposants exigent désormais "la fermeture immédiate et définitive de l'usine", située à seulement 50 mètres d'une école, "la dépollution du site et le reclassement des salariés".

Mais la préfecture de Seine-Saint-Denis a dénoncé mercredi des actions de blocage "infondées" et "illégales", qui exposent les manifestants à l'intervention des forces de l'ordre.

De son côté, la direction de la SNEM, qui emploie une trentaine de personnes entre Montreuil et Gellainville (Eure-et-Loir), a rompu son silence mercredi devant l'usine: elle propose une médiation et demande la levée du blocage. "On doit produire, sinon demain on aura des difficultés", plaide son avocat Maurice Colin. "Bah tant mieux", lâche un habitant.

La société assure respecter les normes qui lui incombent en tant qu'"installation classée pour la protection de l'environnement" (ICPE). Sans exclure un déménagement. Cette option impliquerait cependant un investissement colossal. Or la SNEM fait l'objet d'une procédure de sauvegarde depuis le 3 août, et un administrateur judiciaire, Franck Michel, a été désigné.

Ce dernier semble partager une partie du constat des opposants: "L'usine n'est plus dans son environnement, c'est évident. Vu le contexte, il y aura toujours des appréhensions, des oppositions."

- Airbus et Safran mis en cause -

Conscients de passer pour les "bobos de service", les opposants affirment que l'enjeu dépasse leur cadre de vie. Ils dénoncent les dérogations obtenues par Safran et Airbus pour continuer à utiliser du Chrome 6, considéré comme cancérogène, au motif qu'il s'agit de la seule technique connue contre la corrosion des avions.

Pour la préfecture, "aucun élément ne démontre aujourd'hui l'existence d'un danger pour les riverains qui serait imputable à l'activité de l'entreprise ou qui nécessiterait de procéder à la fermeture de cette dernière". Des "non-conformités" ont toutefois été relevées et l'exploitant mis en demeure d'améliorer son système de ventilation et sa gestion des déchets.

Pour l'adjointe au maire déléguée à la Santé, Riva Gherchanoc, "la démonstration d'une absence de danger immédiat a été faite avec professionnalisme".

"Les mises en conformité, on n'y croit plus", réplique Antoine Peugeot, de la FCPE locale, qui mène le combat avec l'association de voisins Les Buttes à Morel.

Mais leurs méthodes ne font pas l'unanimité. "Ils ont instrumentalisé la leucémie d'un enfant, c'est insupportable, et ils n'en ont rien à faire des ouvriers qui bossent là depuis 30 ans", s'énerve une voisine de l'usine.

"On risque le chômage à cause des bobos venus s'installer autour de l'usine", peste un employé, persuadé qu'ils veulent le départ de l'usine pour que leurs maisons prennent de la valeur. Un intérimaire de 50 ans souffle: "Je ne sais pas comment je vais faire pour payer mon loyer."

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