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Économie

La folle histoire de la condamnation d’un statisticien grec

A l’occasion du voyage d’Emmanuel Macron en Grèce les 7 et 8 septembre, une association d’économistes s’alarme de la récente condamnation d’un statisticien grec. Son crime ? Avoir remis d’équerre les chiffres du déficit public de son pays.

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Grèce

La folle histoire de la condamnation d’un statisticien grec

AFP

La statistique en Grèce est un métier à haut risques. C’est ce qu’a appris Andreas Georgiou à ses dépens. Cet ancien économiste du FMI avait été appelé en urgence en 2010 pour remettre de l’ordre dans les calculs du déficit et de la dette de son pays. Sept ans plus tard, il encourt une peine de deux ans de prison pour avoir transmis ces données à Eurostat, le juge de paix de la statistique européenne ! Une sentence jugée scandaleuse par l’association Fipeco, présidé par l’ancien magistrat à la Cour des comptes François Ecalle et qui compte parmi ses membres plusieurs anciens directeurs de l’Insee, tels Jean-Michel Charpin, Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis.

«Le peuple grec a subi ces dernières années une épreuve terrible. Cela ne justifie pas ce qui s’apparente au sacrifice d’un bouc émissaire, souligne l’association dans un communiqué paru le 7 septembre. Plusieurs membres de Fipeco connaissent personnellement Andreas Georgiou et ont travaillé avec lui pendant ces années difficiles. Ils peuvent témoigner qu’il a toujours fait preuve d’une indépendance sans faille et d’un respect rigoureux des méthodes statistiques et du code de bonne conduite de la statistique européenne.» L’association en appelle à Emmanuel Macron pour plaider la cause du statisticien auprès des autorités grecques à l’occasion de sa visite d’Etat les 7 et 8 septembre.

Bouc émissaire

L’histoire d’Andreas Georgiou est pour le moins rocambolesque. Arrivé à la tête de l’office statistique grec Elstat à l’été 2010, sa première mission consistait à recalculer le déficit public de 2009 selon les règles de la statistique européenne. A l’époque, le chiffre a déjà été révisé plusieurs fois. Début 2009, le gouvernement grec avait en effet adressé à Bruxelles une prévision de déficit à 3% de la richesse nationale, puis l’avait rehaussé à 6% en septembre, avant que le nouveau gouvernement Papandréou, élu en octobre, ne le chiffre à… 12%, puis 13,6% quelques mois plus tard ! Ces hausses successives seront d’ailleurs l’étincelle qui provoquera la crise de l’euro et obligeront les principaux pays européens et le FMI à prêter des fonds à la Grèce contre un plan de rigueur drastique.

C’est dans ce contexte qu’Andrea Georgiou s’installe dans son fauteuil de patron de la statistique grec. Main dans la main avec les équipes d’Eurostat, il revoit les méthodes du calcul du déficit et de la dette de son pays. Et en novembre 2010, il aboutit finalement à un déficit 2009 équivalent à 15,4 % de la richesse nationale qui est, pour la première fois depuis plusieurs années, jugé fiable par Eurostat.

Procès politique

Jusque-là, tout allait bien, sauf qu’en 2011, une ancienne de l’office statistique grecque accuse Andrea Georgiou d’avoir gonflé le chiffre du déficit et entraîné par ricochet un plan de rigueur plus drastique que nécessaire pour la population grecque. Un sujet ultra-sensible dans un pays saigné par les coupes budgétaires. Andreas Georgiou est blanchi par deux fois mais un procureur a fait appel devant la Cour suprême et le statisticien grec, aujourd’hui à la retraite aux Etats-Unis, n’est toujours pas fixé sur son sort. Parallèlement, un autre juge a attaqué en 2017 le statisticien pour «avoir transmis illégalement à Eurostat un rapport sur les statistiques de finances publiques du pays sans en informer le corps collectif de Elstat». C’est cette dernière plainte qui a abouti à sa condamnation en première instance à deux ans de prison le 1er août et qui est désormais renvoyé devant une cour d'appel.

«Cette condamnation est totalement injustifiée dès lors que les règles de la statistique européenne spécifient justement que les directeurs des instituts de statistiques des différents pays transmettent les chiffres de déficit et de dette sous leur seule responsabilité, relève François Lequiller, ancien chef du département finances publiques d’Eurostat. C’est un procès politique. Les partis de tous bords essaient de mettre sur le dos d’Andreas Georgiou l’austérité budgétaire subie par les Grecs depuis plusieurs années, alors qu’il n’a pris la tête de l’office des statistiques grec qu’après l’éclatement de la crise de l’euro et lorsque le déficit avait déjà été largement revu à la hausse.»    

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