Mais pourquoi les partis politiques changent-ils tous de nom ?

Marine Le Pen a annoncé samedi que le Front national allait changer de nom. ©AFP - François Nascimbeni
Marine Le Pen a annoncé samedi que le Front national allait changer de nom. ©AFP - François Nascimbeni
Marine Le Pen a annoncé samedi que le Front national allait changer de nom. ©AFP - François Nascimbeni
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Après l'UMP devenue Les Républicains, le Parti de gauche transformé en la France Insoumise, le Front national compte se rebaptiser. Modifier la forme pour ne rien toucher sur le fond ?

Avis à ceux qui ont du mal avec les changements de noms. A ceux qui ne se sont toujours pas habitués à ce que les magasins Mammouth soient devenus Auchan, que GDF s'appelle maintenant Engie et que le TGV soit rebaptisé InOui...

Ne regardez pas du côté de la scène politique pour trouver une continuité rassurante, ça n'est pas franchement mieux. Après l'UMP rebaptisée Les Républicains, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon transformé en la France Insoumise, et dernièrement, le groupe du parti socialiste à l'Assemblée devenu « Nouvelle gauche », le Front national va lui aussi changer de nom. Ce week-end, Marine Le Pen a annoncé officiellement que les adhérents seraient consultés sur une nouvelle appellation lors du congrès de Lille, en mars prochain.

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Il s'agit évidemment de se défaire des derniers oripeaux du FN version Jean-Marie Le Pen. Le logo (la flamme tricolore) avait déjà disparu, les slogans avaient été réécrits, il ne manquait plus qu'un coup de "blanco" sur le nom historique du mouvement.

Ne dites plus "PS" mais "Les socialistes" ?

Le Front national, dénommé ainsi depuis sa création en 1972, faisait en réalité figure d'exception. Depuis cinq ans, presque tous les grands partis ont changé d'identité. Et la foire aux idées n'épargne pas le PS. Stéphane Le Foll propose déjà une nouvelle étiquette : "Les Socialistes"...

Il en va des noms de partis comme des prénoms d'enfants : ils sont soumis à des modes. Et ces temps-ci, la mode est aux adjectifs.

Après « les Républicains », on a vu éclore les « Constructifs », et Florian Philippot a déjà déposé "Les Patriotes" (c'est le nom de son courant). Fini les vieux sigles, donc. Un choc de simplification. Comme si le citoyen n'avait plus l'envie ni la patience de se plonger dans la signification d'ennuyeux acronymes. Qui imaginerait aujourd'hui la renaissance du MRP, du PSU ou du CNI ?

La mode est aussi à la ponctuation. Le nouveau mouvement de Valérie Pécresse s'appelle « Libres ! » ; François de Rugy avait baptisé le sien « Écologistes ! ». Les mauvaises langues conseillent déjà au PS de tenter un « Socialistes ? ».

Plus sérieusement, ces changements de noms réguliers témoignent de la décomposition politique. Comme si après chaque revers électoral, il fallait faire peau neuve. Et cela s'accélère. On a fait un petit calcul :

En 2002, si l'on prend les quatre formations arrivées en tête à la présidentielle (RPR, FN, PS, UDF), elles cumulaient 113 ans d'existence (sous leur nom).

Lors de la dernière élection, en 2017, même calcul : seulement 49 ans d'existence cumulée pour En Marche, FN, LR, France Insoumise... 49 ans, dont 45 pour le Front national.

Certes, quelques partis font de la résistance. Est-ce le calme des vieilles formations face à ces modes, ou bien un état de congélation avancée ? En tout cas, le Parti communiste reste fidèle à son histoire, tout comme le Parti radical (pour ce dernier, cela faisait longtemps que son nom n'avait plus grand rapport avec son positionnement sur le spectre politique).

Alors pourquoi toute cette agitation lexicale, tous ces brainstormings marketo-politiques ? Ils sont bien sûr à mettre en lien avec l'émergence du mouvement En Marche, qui a contribué à ringardiser les vieilles structures.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que le nom de ce mouvement, "En Marche !", ne dit rien de son positionnement idéologique. Ni même d'une quelconque volonté programmatique. "En Marche !" traduit un chemin plutôt qu'une destination, un mouvement plutôt qu'un idéal, un moyen plutôt qu'une fin. Il en va de même pour la France insoumise, dont le nom ne définit pas une doctrine ("socialiste", "communiste", ou même "anticapitaliste")... mais une manière d'être : insoumis.

Les partis traditionnels, menacés par la désertion des militants, par le doute idéologique, par les revers électoraux, ont donc jugé que le plus urgent était de changer la vitrine.

Ils ressemblent en cela aux petites boutiques de centre-villes concurrencées par des nouvelles zones commerciales apparues en périphérie. Des petites boutiques qui ont décidé, pour faire face, qu'il était urgent de repeindre la devanture. Avec le succès que l'on sait.

Frédéric Says

L'équipe