Ca se passe en Europe : Le vinaigre balsamique de Modène devient anglais
L’un des symboles de l’excellence agro-alimentaire italienne, le vinaigre balsamique de Modène, tombe dans le panier de l’Associated British Food.
Par Olivier Tosseri
Le Royaume-Uni ferme s’apprête à quitter le marché unique mais continue de faire ses courses chez ses voisins européens. C’est ainsi que l’un des symboles de l’excellence agro-alimentaire italienne, le vinaigre balsamique de Modène, tombe dans le panier de l’Associated British Food.
Il y côtoiera un autre symbole, mais Made in UK cette fois : les non moins célèbres thés Twinings. Le groupe international britannique, présent dans 50 pays avec 130.000 salariés, réalise plus de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il a mis sur la table 300 millions d’euros pour racheter le consortium Acetum détenu par Clessidra.
Ce fonds d’investissement avait acquis, en 2015, 80% du leader mondial du vinaigre balsamique dont il assure 90% des exportations. Les 20% du capital restants ont été vendus par les deux fondateurs de la société, son président Cesare Mazzetti et son directeur business Marco Bombarda, qui resteront à leur poste.
Calmer les inquiétudes
Ils essaient de calmer les inquiétudes face à ce nouveau rachat par des étrangers d’une entreprise phare du Made in Italy. « Peu importe la nationalité du propriétaire, expliquent-ils en faisant remarquer qu’aucun Italien ne s’était porté candidat, l’important est que la marque soit valorisée sachant que la production IGP (Indication Géographique Protégée) ne peut pas etre délocalisée. Mieux vaut etre racheté qu’imité ».
Enième achat dans le secteur agro-alimentaire
Cela n’empêche que ce rachat est l’énième effectué dans le secteur agro-alimentaire. Le Français Lacatalis s’est emparé de Parmalat , le Suisse Nestlé a mis la main entre autre sur Buitoni et Sanpellegrino, quant au Sudafricain SabMiller il a acquis la bière Peroni. Mais ne parlez pas de pillage, c’est une mise en valeur comme l’a annoncé l’anglais ABF qui tient lui aussi à rassurer sur ses intentions : « C’est une occasion merveilleuse pour devenir les gardiens d’un produit italien avec une grande réputation et de promouvoir des projets de croissance ambitieux dans le monde entier. » Acetum y a réalisé l’an dernier des ventes à hauteur de 103 millions d’euros dans une soixantaine de pays.
Au premier semestre 2017, d’après KPMG, 132 sociétés italiennes ont été rachetées par des entreprises étrangères pour une valeur d’environ 9,7 milliards d’euros soit une hausse de 3 milliards d’euros sur un an. A l’inverse seulement 75 rachats ont été effectués par des Italiens hors de leurs frontières pour un montant total de presque 3 milliards d’euros.
L’Italie se rebiffe
Le passage de Acetum sous bannière britannique a relancé la polémique au sujet d’un pays incapable de défendre ses plus belles réussites dans un secteur dans lequel il est pourtant leader. Si l’Italie est en effet une terre de conquêtes, ses capitaines d’industrie savent aussi se faire conquérants. Lavazza a ainsi acquis le français Carte Noire, Segafredo le portugais Nuticafes, Campari a bu Grand Marnier tandis que Ferrero n’a fait qu’une bouchée du belge Delacre, de la turque Oltan ou de l’anglais Thortons. L’appétit vient en mangeant, et les entreprises italiennes, souvent proies, peuvent devenir prédatrices.
(Correspondant à Rome)