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Sénatoriales : voici la technique des Républicains pour faire un bras d'honneur à la parité
Les dissidences LR pourraient finir par inquiéter Gérard Larcher.
ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Sénatoriales : voici la technique des Républicains pour faire un bras d'honneur à la parité

Un pour tous et tous pour un

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Fait étrange, Les Républicains deviennent tout à coup friands de listes dissidentes pour les élections sénatoriales du 24 septembre. Une manière d'encourager les candidatures masculines au détriment de la parité...

Chez Les Républicains (LR), on est parfois capable de déployer des trésors d'imagination, juste pour... contourner la loi. Particulièrement quand un mandat électoral est en jeu. A l'occasion du renouvellement de la moitié du Sénat, prévu pour le dimanche 24 septembre, le parti de droite couvre une bonne vieille manip', qui a pour objectif de favoriser l'élection de brillants sénateurs... plutôt que de sénatrices. Alors que les listes doivent présenter alternativement un homme et une femme, LR tolère des listes dissidentes dans plusieurs départements. Le rapport avec la parité ? A leur tête, se présentent à chaque fois... des hommes. Pour peu que les grands électeurs répartissent subtilement leurs votes entre les deux listes, deux hommes pourront être élus, à la place d'un sénateur et d'une sénatrice, comme la loi le suggère.

Au fil des élections sénatoriales, cette astuce un rien retorse est devenue une spécialité du parti administré par Bernard Accoyer : il l'a allègrement utilisée lors des scrutins de 2011 et 2014. Souvent avec succès, mais pas toujours. Après la victoire de la gauche, en 2011, plusieurs ténors républicains ont attribué leur échec au trop grand nombres de dissidences... Pour autant, LR n'a pas retenu la leçon. Dans plusieurs départements, des cadres masculins s'affrontent... ce qui devrait empêcher un certain nombre de femmes de rentrer à la Chambre haute.

Prenons le cas des Hauts-de-Seine. Dans ce département très conservateur, la droite peut espérer empocher cinq des sept sièges de sénateur en jeu, tous élus à la proportionnelle. Un de ces strapontins semble promis à la liste UDI, conduite par le sénateur Hervé Marseille. Reste possiblement quatre sièges pour LR, à répartir, a priori, entre deux hommes et deux femmes. Sauf que l'ex-député-maire du Plessis-Robinson, Philippe Pemezec, a décidé de présenter sa propre liste. Très influent sur le territoire, l'édile peut espérer emporter un siège. Sur les cinq sièges de droite en jeu, quatre pourraient donc être décrochés par des hommes, malgré le scrutin de liste...

Deux dissidences dans le Nord

Dans le Nord, LR compte trois sénateurs sortants et pourrait espérer, au vu du rapport de forces local, remporter quatre sièges le 24 septembre. Deux hommes et deux femmes ? Vous n'y êtes pas... Pas moins de trois listes estampillées LR se présentent. Surprise renversante, toutes sont conduites par des hommes. La liste officielle, tenue par l'ex-député Marc-Philippe Daubresse, affrontera une équipe menée par un autre ex-député, Jean-Pierre Decool, et une autre dirigée par le maire de Steenvoorde, Jean-Pierre Bataille.

Dans la Loire, LR devrait emporter deux sièges, grâce à la prise de Saint-Etienne en 2014. Le sénateur sortant, Bernard Fournier, se présente, tout comme le président du Conseil départemental, Bernard Bonne. Sur deux listes différentes, évidemment. Ces barons locaux peuvent raisonnablement espérer que les voix des grands électeurs se repartiront équitablement entre eux. Tout le monde serait content... hormis peut-être les suivantes de liste, véritables dindons de cette farce électorale.

Même chose ou presque dans l'Oise ou dans le Loiret. Alors que les dernières élections locales permettent à LR de viser deux sièges dans ce département, deux grands notables se font face. Le sénateur sortant Jean-Noël Cardoux s'oppose au président du Conseil départemental, Hugues Saury. De quoi imaginer envoyer 100% d'hommes au Sénat... à moins que ces divisions fassent perdre un siège au parti de droite.

Bataille de sénateurs LR dans la Manche

Le sommet de la division calculée est peut-être atteint dans la Manche, où les deux sénateurs LR sortants, Philippe Bas et Jean Bizet, s'affronteront sur deux listes différentes. Cela tombe bien, la droite peut viser deux sièges dans ce département.

Les Républicains auront beau jeu d'expliquer qu'ils ne sont pas responsables de la situation, causée par des barons locaux en mal de mandats. C'est vrai, sauf que la formation fondée par Jacques Chirac n'a jamais sanctionné les élus qui jouaient à ce petit jeu de la dissidence. Lors des derniers renouvellements du Sénat, le parti de droite a même choisi... d'incorporer immédiatement les dissidents vainqueurs à son groupe parlementaire. Difficile d'imaginer qu'il en sera autrement cette année.

Sénatoriales, mode d'emploi

Mise à jour de l'article

Ce 24 septembre, 170 sièges (sur 348) de sénateurs sont renouvelés. 136 d'entre eux seront élus au scrutin de liste proportionnelle. Visant tout à la fois à encourager la parité et le pluralisme, ce mode d'élection prévoit une répartition des sièges entre les différents partis ayant obtenu le plus de votes. Les listes doivent compter autant de femmes que d'hommes, présentés alternativement, afin d'éviter que les premières places ne soient trustées par un sexe en particulier. 34 sénateurs, ceux des départements les moins peuplés, seront élus au scrutin uninominal majoritaire. La parité ne joue pas pour ce type d'élection.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne