JEUX OLYMPIQUESParis-2024, la victoire posthume de la présidence de François Hollande

VIDEO. «Super, faut qu'on y aille»... Paris-2024, la victoire posthume de la présidence de François Hollande

JEUX OLYMPIQUESL'ancien président a beaucoup oeuvré pour que Paris obtienne les Jeux...
François Hollande a porté le dossier Paris 2024 à Rio
François Hollande a porté le dossier Paris 2024 à Rio - JACK GUEZ-POOL/SIPA
Bertrand Volpilhac

B.V.

Sur sa chaise, Thierry Rey bouillonne. Assis trois rangs devant le conseiller spécial pour le sport, le président François Hollande se lève, prend l’estrade et lance dans de grands gestes les Jeux de la francophonie de Nice. Son esprit, lui, rêve d’autres Jeux, dont le sort se joue en même temps, à quelque 11.000 kilomètres de là. Nous sommes le 7 septembre 2013 et le CIO est sur le point de choisir Tokyo comme futur hôte des Jeux olympiques de 2020. L’information arrive à Thierry Rey, qui la transmet par SMS à son président, revenu sur son siège. Réponse immédiate de François Hollande : « Super, faut qu’on y aille ».

L’histoire ne se souviendra certainement pas de ce texto, des Jeux de la francophonie et peut-être même de l’importance de l’ancien président dans ce dossier. Et pourtant, c’est ce jour-là que Paris-2024 est devenu possible, au moment où le CIO n’offrait pas les JO-2020 à un pays européen (Istanbul et Madrid étaient en lice) et rendait Paris crédible pour 2024 par la règle de l’alternance des continents. Et pourtant, ces JO en France, c’est sa volonté, son impulsion, peut-être l’une des plus belles victoires de son quinquennat. A ceci près qu’elle en est arrivée après la fin.

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« Le sport participe de la vie quotidienne des Français »

Ce dossier, François Hollande l’a ouvert très vite après son arrivée au pouvoir, en mai 2012. « Déjà pendant la campagne, il a participé à un meeting spécial sport à Créteil et au milieu d’une cinquantaine de sportifs, il a fait un discours sur la vision qu’il avait du sport et ce que ça pouvait amener à la société, raconte Thierry Rey, ancien champion olympique de judo et arrivé à l’Elysée en même temps qu’Hollande en tant que conseiller sportif. Il considère que le sport est une thématique importante. Le sport doit rester à sa place, il n’est pas régalien, mais il participe de la vie quotidienne des Français. »

On connaissait le Hollande amateur de foot, moins celui qui rêve d’effacer l’horrible défaite de 2005 face à Londres, de mettre la France au « cœur de la diplomatie sportive », comme il nous l’explique lui-même. « Son obsession, c’est la jeunesse, c’est les générations futures, avance Nathalie Ianetta, qui a succédé à Rey en 2014. Les JO, c’est exactement ça, comment porter sur sept ans les nouvelles générations vers de nouvelles problématiques d’éducation, d’aménagement du territoire, de société etc... Il a tout de suite compris l’intérêt d’organiser les JO, au-delà des 15 jours de compétition. Qu’est-ce que je fais pour investir pour la France et pour sa jeunesse ? Les Jeux sont un puissant vecteur de transformation. »

Tout frais président, François Hollande débarque à Londres pour les Jeux. Stades pleins, ambiance géniale, contacts avec les athlètes, il en repart conquis. Son discours, au terme d’une mémorable soirée au club France, était quasi prophétique. Il veut que la France se reconstruise une ambition olympique après l’échec de Londres, à la condition d’y aller unie derrière ses sportifs. « Il y avait une forme d’engagement, se souvient Thierry Rey. Il a dit devant la famille olympique quelque chose comme 'si vous nous proposez un projet sérieux avec un consensus, l’Etat sera derrière vous'. Il a été le premier à appuyer sur le bouton. Il a ouvert la porte à une candidature de Paris pour 2024. »

François Hollande lors des Jeux de Londres
François Hollande lors des Jeux de Londres - Franck Fife afp.com

La suite roule, aussi douce qu’un smoothie fraise-banane. En 2013, Bernard Lapasset mène le CFSI, le Comité français du sport international, chargé de sonder les hautes sphères de la crédibilité du projet parisien. C’est positif. Début 2014, une étude d’opportunité est lancée. Positive, elle aussi. En novembre, le président Hollande se prononce publiquement comme « favorable » à une candidature des Jeux, trois mois avant qu’Anne Hidalgo, plutôt réticente au début, ne le suive définitivement.

Impossible de quantifier l’action du président dans tout ça. « Il a fait ce qu’il fallait quand il le fallait et a été très décisif avec les fonctions qu’il avait », résume Thierry Rey. Dans le désordre, ça donne :

  • De multiples déjeuners et petits-déjeuners avec la famille olympique et des membres du CIO.
  • La réception de Thomas Bach, big boss du CIO, et de Philipp Craven, son équivalent pour les paralympiques.
  • Donner les clés de la candidature à Tony Estanguet, triple médaillé d’or en canoë et symbole sportif du mouvement souhaité par François Hollande.
  • Convaincre la maire de Paris, Anne Hidalgo, sans lui tordre le bras, d’autant plus que leurs relations politiques n’ont pas toujours été évidentes. « Elle avait besoin de prendre son temps, elle était traumatisée par l’échec de 2005, explique Nathalie Ianetta. De son côté, le président avait dit : 'on y va que si on y va tous ensemble'. Ça a été interprété comme un bras de fer, mais ce n’était pas ça. Il n’y a jamais eu une feuille de papier à signer entre eux, ils ont toujours été en accord car la candidature était plus importante ».
  • Rechercher des partenaires financiers privés pour la candidature. Thierry Rey, plus à l’Elysée mais devenu conseiller spécial de la candidature, raconte : « On a installé un pont entre l’Etat et la candidature pour trouver les 30 millions d’euros qu’il manquait. Il a reçu des patrons d’entreprises dans des déjeuners, établi des contacts avec M. Macron (alors ministre de l’Economie), qui a d’ailleurs tout de suite vu l’intérêt de la candidature ».

Alors que le projet Paris-2024 est bien lancé, la France est frappée par le terrorisme. Charlie Hebdo, le 13 novembre, Nice. Le CIO s’inquiète. François Hollande doit le rassurer. Malgré certaines critiques, il décide de se rendre quand même à Rio pour la première sortie internationale de la candidature française, à l’aune des JO. En conférence de presse, les médias anglo-saxons et asiatiques attaquent fort. Première question : « Comment prouver au CIO que la France peut assurer la sécurité d’un événement tel que les JO au milieu de tous ces attentats ? ». Deuxième question : « Nice a eu lieu trois jours après l’Euro. Le savoir-faire français en termes de sécurité est-il remis en question ? »

Hollande s’y attendait. Il déroule, serein. « Le monde entier est sous la menace du terrorisme. Aucun pays, aucune région, aucune ville ne peut se penser à l’abri. Nous devons lutter contre le terrorisme et en 2024, je l’espère de tout cœur, nous aurons gagné des victoires. Nous avons été éprouvés par ces épreuves mais nous savons encore mieux nous protéger, et protéger les événements. Qu’est-ce que le monde dirait si on écartait Paris pour ça ? Quel message enverrait-on ? »

François Hollande et Teddy Riner lors de la venue du chef de l'Etat juste avant le début des JO de Rio, le 4 août 2016.
François Hollande et Teddy Riner lors de la venue du chef de l'Etat juste avant le début des JO de Rio, le 4 août 2016.  - SIPA

A posteriori, Nathalie Ianetta se souvient de cet épisode brésilien. « Maintenir la candidature après les attentats avait encore plus de sens. L’enjeu sécuritaire était devenu un nouvel enjeu qu’on avait déjà intégré à la candidature. C’était encore plus évident pour nous de partager des valeurs universelles. Il était important pour la France de montrer qu’on est debout, qu’on avance, qu’on croit encore plus en nos valeurs. Quelque part, c’était presque un bras d’honneur à tous ces événements. »

« Hollande, meilleur VRP de Paris-2024 » titrait alors votre journal préféré. De Rio, la candidature française repart forte. Le président a lui le sentiment du devoir accompli, alors que Barack Obama n’avait de son côté pas fait le déplacement pour soutenir Los Angeles, notre principal adversaire. La suite n’est plus entre ses mains, mais celles de Tony Estanguet, Anne Hidalgo puis Emmanuel Macron.

« C’est la victoire de la France »

Près d’un an plus tard, l’ancien ministre devenu président « portera l’estocade » à Lausanne, selon les mots de Thierry Rey, lorsque le CIO a voté en faveur de la double attribution. Un mois plus tard, l’affaire est réglée, Paris aura les JO-2024. François Hollande, lui, est déjà oublié. C’est cruel, mais ainsi va la vie en politique. Après tout, lui aussi a profité du travail de Nicolas Sarkozy pour l’Euro-2016.

« Je ne sais pas si son travail va passer inaperçu, coupe Nathalie Ianetta. Macron, Hidalgo savent ce qu’ils lui doivent. Ce ne sera pas une victoire à titre personnel, c’est la victoire de la France. Il connaît les sportifs, il a parlé avec eux. Il sait ce que ça signifie d’être la génération qui a apporté les Jeux à la suivante. »

Et tant pis s’il voit son « bébé » dans les bras d’un ou d’une autre. A lui le dernier mot : « Au moment de la décision, j’aurai un battement au cœur, pas un pincement. C’est une leçon de vie. Quand je travaillais pour la candidature, je savais que je ne serai pas chef de l’Etat en 2024. Mais ce qui comptait, c’était qu’un président français puisse ouvrir ces Jeux. On travaille toujours pour son successeur, même s’il ne le sait pas toujours. »

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