Les mines, l'autre fléau de l'exode des Rohingyas

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Les mines, l'autre fléau de l'exode des Rohingyas
Les mines, l'autre fléau de l'exode des Rohingyas © AFP

Temps de lecture : 3 min

Dans ses dernières heures, Azizul Haque n'avait même plus la force de hurler de douleur alors qu'il luttait pour sa vie, son corps mutilé par une mine antipersonnel placée sur le périlleux chemin de l'exode des Rohingyas.

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Allongé sur un lit d'hôpital au Bangladesh, non loin de la frontière de la Birmanie, l'adolescent de 15 ans était si faible qu'il arrivait à peine à supplier sa mère de lui apporter un jus. Celle-ci n'avait pas l'argent pour lui en acheter un.

Bandé des pieds à la tête, le corps constellé de blessures causées par des éclats, Azizul a perdu ses deux jambes et une partie de main dans l'explosion d'une mine alors qu'il se trouvait dans le flux de centaines de milliers de musulmans rohingyas fuyant vers le Bangladesh les violences dans l'ouest de la Birmanie.

Une équipe de l'AFP l'avait rencontré mercredi matin dans un hôpital de Cox's Bazar. Le garçon a succombé à ses blessures aux premières heures jeudi, a indiqué l'établissement à l'AFP.

Sa famille fuyait son village de Debinna dans l'État birman Rakhine et se trouvait en vue de la frontière barbelée du Bangladesh lorsque qu'il a fait le pas fatal.

"Nous avons entendu une énorme explosion quand Azizul a marché sur une mine", a racontait en larmes sa mère Rashida Begum qui veillait à son chevet. "J'ai vu ses deux jambes soufflées."

"Tout le monde était dans la précipitation. Personne ne pouvait se soucier des autres parce que les Birmans nous pourchassaient juste derrière et brûlaient les villages", relatait Rashida, mère de quatre enfants.

Dans cet hôpital du Bangladesh, le 13 septembre 2017, un autre homme de 50 ans, Rohingya, est pris en charge après avoir sauté sur une mine. © MUNIR UZ ZAMAN AFP

Si les récits de massacres, tortures ou viols collectifs par l'armée birmane sont déjà monnaie courante parmi les réfugiés rohingyas, les mines antipersonnel placées sur la route de leur fuite sont un nouveau fléau dans le calvaire de cette minorité musulmane persécutée depuis des décennies.

'Persécution systématique'

Selon des hauts responsables bangladais, ces mines ont été placées là par les forces birmanes en vue d'empêcher les Rohingyas de pouvoir retourner dans leurs foyers. Le recours aux mines antipersonnel est interdit dans la majorité des pays du globe par la convention d'Ottawa de 1997, mais dont la Birmanie n'est pas signataire.

"Toutes les informations pointent vers les forces de sécurité de la Birmanie ciblant délibérément des points de passage utilisés par les réfugiés rohingyas", a dénoncé Tirana Hassan d'Amnesty International.

"C'est une manière cruelle et sans coeur d'aggraver le sort de gens fuyant une campagne de persécution systématique", a-t-elle ajouté.

Les violences font au rage au Rakhine depuis fin août, où l'armée a lancé une brutale campagne de répression consécutive à des attaques d'une jeune rébellion rohingya.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a réclamé mercredi à Naypyidaw "des pas immédiats" pour faire cesser l'épuration ethnique qui a poussé près de 380.000 Rohingyas à trouver refuge au Bangladesh voisin, provoquant une grave crise humanitaire.

Sur la route qui les mène de la Birmanie au Bangladesh, les Rohingyas peuvent trouver des mines installées par l'armée birmane. Ici des réfugiés marchent, le 11 septembre 2017.  © Munir UZ ZAMAN AFP

La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques à l'international pour sa position ambiguë sur le sort de cette communauté paria, considérée comme étrangère en Birmanie. Elle devrait publiquement sortir de son silence la semaine prochaine lors d'une allocution télévisée.

Dans la salle où agonisait Azizul Haque, une vingtaine de Rohingyas étaient traités pour des blessures par balle, d'explosions, des brûlures.

Sabekun Nahar, 50 ans, a été atteinte aux jambes après avoir vraisemblablement marché sur une mine, non loin de celle qui a coûté la vie à l'adolescent Azizul.

"Je ne sais pas si je pourrai remarcher un jour", a-t-elle lâché les larmes aux yeux.

14/09/2017 10:39:38 -          Cox's Bazar (Bangladesh) (AFP) -          © 2017 AFP