Dans la paroisse Saint-Gabriel du 20e arrondissement de Paris, tout a commencé avec la parution de Laudato si’, en juin 2015. Le curé de la paroisse a proposé une conférence sur le thème de cette encyclique du pape François sur l’écologie, et l’effet fut immédiat. Un petit groupe de vingt personnes motivées et portant déjà en elle « le souci de la création » s’est constitué. L’objectif ? Mettre en œuvre dans leur paroisse « la conversion écologique » chère au pape.

Deux ans plus tard, dans le jardin qui entoure l’église poussent des tomates charnues et trônent quatre composts – ces poubelles qui recyclent les déchets, dont les épluchures, en les amassant en tas pour qu’ils se décomposent. Au fond de l’église à côté des annonces, « un coin récup’» permet de trier ses bouchons en plastique et des feuilles paroissiales détaillent les fruits de la saison ou les moyens de lutte contre le gaspillage.

Un comité lancé après la COP21

« Tout a été mis en place par les paroissiens, je n’y suis pour rien », s’amuse le curé de Saint-Gabriel, le père Bertrand Cherrier, 59 ans. Sa paroisse a été sélectionnée en mai pour tester le label « Église verte », qui sera lancé samedi 16 septembre, au terme du travail mené depuis un an, par un comité de pilotage composé de catholiques et de protestants. Celui-ci s’est lancé dans l’aventure après la COP21, en décembre 2015, en s’inspirant des Églises européennes (Royaume-Uni, Allemagne, Norvège) ayant déjà franchi le pas.

Pour obtenir le label, la procédure est simple. La paroisse doit établir un « éco-diagnostic » en ligne, en remplissant un questionnaire à choix multiples (QCM) de 80 points sur cinq domaines : la vie liturgique, le bâti, les terrains éventuels de la paroisse, l’engagement communautaire et global et le style de vie des paroissiens. En fonction du résultat donné en pourcentage, l’église situe son niveau dans « la conversion écologique ».

À Romans-sur-Isère (Drôme), Robin Sautter, pasteur de l’Église protestante unie de France, a obtenu plus de 50 % dans la partie vie liturgique, mais seulement 20 % dans les autres catégories. « Obtenir un bon résultat en vie liturgique est assez simple : il suffit d’augmenter le nombre de références à la Création dans les prédications », note en souriant le pasteur, dont le temple fait partie des dix églises pilotes. Pour obtenir et conserver ce label Église verte, la communauté doit ensuite s’engager à progresser – à son rythme – dans l’un des cinq thèmes durant l’année.

Des ruches à flanc d’église

À Saint-Gabriel, le père Cherrier essaye donc d’évoquer le plus possible les récits bibliques, prolixes sur les animaux et la nature, dans ses homélies, les prières universelles et les chants. Côté vie paroissiale, fini les traditionnels gobelets en plastique, place aux « ecocup ». « Cela peut faire sourire mais c’est une éducation par les petites choses », résume le prêtre. Avec l’église Notre-Dame-de-la-Croix à Ménilmontant, qui a installé des ruches à flanc d’église, l’église Saint-Gabriel est pionnière en matière écologique dans la capitale. Y sont régulièrement organisées des sorties en fermes biologiques pour les enfants catéchisés.

Les mêmes efforts sont déployés à Lyon, au Grand Temple de l’Église protestante unie, où une « cellule verte » a été mise en place il y a un an. « Nous sommes meilleurs que ce que nous pensions sur la liturgie, mais pas assez bons sur le bâtiment », déplore à son tour Antoine Rolland, membre de la cellule verte. Dans cette paroisse du centre de Lyon, prédications sur la création, parcours botanique et vaisselle lavable sont de rigueur. Là comme ailleurs, les paroissiens sont heureux de lier leur foi à un mode de vie écologique.

Pardon pour avoir maltraité la terre

« Celui-ci renforce proximité et solidarité, recréant du lien dans l’église », se réjouit le père Cherrier, évoquant les riverains intrigués lorsqu’ils l’aperçoivent, au loin, muni d’un seau contenant les déchets qu’il va recycler au compost de l’église. Le prêtre se félicite que l’écologie donne les moyens à l’Église de renouer avec sa vocation sociale.

Néanmoins, il sait que des progrès restent à accomplir dans la prise de conscience collective. En voyage au Pérou il y a quelque temps, le père Cherrier a appris qu’un enfant avait demandé pardon, en confession pour avoir maltraité la terre. « Je rêve d’avoir un jour à confesser un tel péché d’un enfant français ! »

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Père François Euvé, rédacteur en chef de la revue jésuite « Études », agrégé de physique

« L’écologie est la prise de conscience des interdépendances, entre nous, à l’égard de la nature et de l’univers. Elle nous fait sortir d’une spiritualité qui met l’accent sur le salut individuel pour nous amener vers le salut collectif. L’écologie élargit notre vie spirituelle puisqu’elle en applique ses composantes, l’amour, la charité, la solidarité ou la miséricorde, à la nature et au cosmos. Dans ce projet de label, la dimension ecclésiale est centrale. La somme d’actions individuelles est transformée en engagement œcuménique tout à fait cohérent avec le souci écologique. »