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En Arabie saoudite, bientôt des bikinis sur des plages de luxe... et le voile obligatoire partout ailleurs

En Arabie saoudite, bientôt des bikinis sur des plages de luxe... et le voile obligatoire partout ailleurs

Paradoxe

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Pour sortir du modèle du "tout pétrole", l'Arabie saoudite régie par la charia investit dans le tourisme, à tout prix, quitte à autoriser le bikini dans une future station balnéaire de luxe sur la mer Rouge. Ailleurs, le port de l'abaya noire reste impérative.

Des bikinis au pays de l’abaya. Pour sortir de sa dépendance à l’or noir, face à la chute spectaculaire du prix du baril, l’Arabie saoudite, premier producteur de pétrole de la planète en 2016, est prête à tout. Même à autoriser les femmes à se dévêtir... du moins dans certains milieux. Le royaume wahhabite, régi par la charia, autrement dit par une pratique rigoriste de l’islam qui oblige notamment les Saoudiennes à se couvrir de la tête aux pieds, s’apprête en effet à lancer un projet gigantesque de complexe hôtelier de luxe comprenant de nombreuses plages, où une législation spéciale doit autoriser le port du bikini sur le site. Mais uniquement sur le site : soit sur les 200 km d’îles naturelles et vierges réparties dans un lagon sur la mer Rouge. Ailleurs dans le pays, l’abaya restera en revanche obligatoire sur la voie publique pour les Saoudiennes.

Le projet, baptisé "Red Sea", porté par le prince héritier du trône saoudien, Mohammed ben Salmane, dans le cadre du projet Vision 2030 visant à diversifier l’économie, ne devrait pas ouvrir avant 2022 mais il fait déjà des vagues tant il souligne le paradoxe aujourd’hui du wahhabisme qui contraint les femmes Saoudiennes à se voiler quasi-entièrement au nom de la religion, mais autorisera bientôt les plus riches d'entre elles à déambuler en bikini, dans ladite station balnéaire, sur la seule foi des lois du marché. L'’Arabie saoudite espère attirer un million de visiteurs par an d'ici 2035 et se placer ainsi en bonne position sur le segment très concurrentiel du tourisme de luxe.

Le paradoxe des intérêts économiques

Paradoxalement donc, la sortie du modèle du "tout pétrole" pourrait apporter dans le royaume saoudien des avancées au regard du droit des femmes, qui ont encore besoin d’une autorisation de leur tuteur pour réaliser au sein de la monarchie les gestes les plus simples du quotidien, comme se déplacer, voyager, conduire ou pis, travailler. Le projet Vision 2030 prévoit effectivement, note Géopolitis de relever en outre de "23% à 28% la participation des femmes dans la population active".

En attendant la percée des femmes saoudiennes sur le marché du travail ou la construction des 50 îles de sable blanc du "Red sea project", qui doit débuter en 2019, la police du royaume continue quant à elle d’arrêter les femmes saoudiennes qui osent s’afficher sans leur voile comme l’ont montré deux cas récents à Ryad et à Ushaiqer, au nord-ouest du pays...

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne