Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Vu de Crimée : « C'est un gang qui tient le pouvoir à Kiev »

Reportage. Le Parlement de Crimée a annoncé la tenue d'un référendum pour décider d'un rattachement à la Russie, prenant même de court certains prorusses.

Par 

Publié le 07 mars 2014 à 10h40, modifié le 09 mars 2014 à 14h33

Temps de Lecture 3 min.

Sur la route qui mène de Simferopol à la Russie, le 6 mars.

C'est un nouveau coup de force. Jeudi 6 mars, le Parlement régional de Crimée a voté en faveur d'une rupture totale de cette région autonome avec Kiev et d'un rattachement à la Fédération de Russie. Les habitants seront consultés par référendum le 16 mars. Il leur sera demandé s'ils souhaitent rejoindre le grand frère russe ou s'ils veulent conserver un statut d'autonomie élargie au sein de l'Ukraine, selon les termes de la Constitution de la Crimée de 1992, édulcorée six ans plus tard.

Basé à Simferopol, le Parlement régional de Crimée, organe en partie symbolique, n'a pas le pouvoir de convoquer un tel référendum, comme il n'a pas celui de voter des lois. Officiellement, 78 députés (sur un total de 100) ont voté pour, huit se sont abstenus.

CAMPAGNE VERROUILLÉE

Dans un bar sans enseigne des faubourgs de Feodosie, le 6 mars.
Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application

Refat Choubarov, chef de l'organe informel qui représente la minorité musulmane des Tatars de Crimée (12 % de la population), le dernier groupe à soutenir ouvertement Kiev ici, est dépassé lui aussi. Il appelle à boycotter le référendum et demande le déploiement de casques bleus de l'ONU.

Le principe de ce référendum avait été voté, jeudi 27 février, à huis clos, par un nombre imprécis de députés, dans un Parlement tenu depuis l'aube par un mystérieux commando armé, à la veille de l'invasion russe. Prévue pour le 25 mai, la date de la consultation populaire – à l'origine, censée porter sur un statut d'« autonomie » – a été avancée une première fois au 30 mars, et désormais au 16 mars.

Cette précipitation laisse deviner une campagne verrouillée. Selon Reporters sans frontières, le signal des chaînes de télévision ukrainiennes 1+1 et 5 Kanal a brusquement été interrompu en Crimée jeudi. La chaîne locale Tchernomorka avait été coupée le 3 mars.

L'INVASION COMMENCE À SOULEVER DES CRITIQUES

Pour la forme, on peut se demander qui voterait, dans dix jours en Crimée, pour devenir russe. Les partis prorusses, aujourd'hui au pouvoir, obtenaient jusqu'ici des résultats négligeables aux élections locales. Et l'invasion commence à soulever des critiques, même dans la majorité russe de Crimée.

Andreï, marchand de souvenirs en Crimée.

Ainsi, Andreï Zouïev, marchand de souvenirs croisé sur le parking d'une station-service, sur la route qui mène de Simferopol à la Russie. La famille de M. Zouïev vit à Perm, à 1 500 km à l'est de Moscou. Il est né dans la station balnéaire de Feodossia, toute proche. Son père s'était établi en Crimée comme officier de marine au temps de l'URSS. Son grand-père avait servi dans l'Armée rouge à 15 ans, au cours de la seconde guerre mondiale.

M. Zouïev se dit « pas très content de ce qu'il se passe en ce moment » en Ukraine. Il ne comprend pas et n'aime pas « ces soldats sans insigne qui vont et viennent et qui ne disent rien. Ils ont de vraies armes, des BTR », véhicules blindés déployés par la Russie à travers la Crimée. M. Zouïev se sent avant tout « de Crimée ». Nous sommes « mi-russes, mi-tatars, mi-autre chose, une "nation mixte et aventureuse" », dit-il en citant Vassili Axionov, auteur de L'Ile de Crimée (Gallimard, 1982), un Russe mort en 2009.

« TU PEUX ME TUER POUR LA CRIMÉE ! »

Irina boit une vodka avec une cliente, en discutant de l'avenir de la Crimée.

Dans un bar sans enseigne des faubourgs de Feodossia, jeudi soir, quelques habitants, fortement alcoolisés, se disputaient sur l'avenir de la Crimée russe. « C'est une bande de salopards, un gang qui tient le gouvernement maintenant », s'emporte Ira, qui ne donne pas son nom de famille, car le métier de son mari, Andreï, n'est pas tout à fait recommandable. Il « récupère l'argent » des endettés mauvais payeurs. A table, il y avait un cordonnier arménien prorusse, Achad Gevogian, et un homme opposé à l'invasion russe, qu'Ira tâchait de faire taire à grands cris: « Je suis pour la paix en Crimée ! Tu peux me tuer pour la Crimée ! » Derrière eux, une serveuse russe « ne pense même plus » ces derniers jours. Elle a « trop peur ». Peur du nouveau pouvoir de Kiev ? Des nationalistes de l'Ouest, que l'on désigne ici comme des « fascistes » ? Elle ne le dit pas. Elle ne voit que les soldats : « Je ne comprends pas pourquoi l'armée est ici. Je ne sais pas s'il va y avoir la guerre. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.