Des étudiants qui ne savent pas nager, qui sont «en mauvaise condition physique et dont le capital corporel est loin d’être celui de personnes sportives». C’est ce que Jean Saint-Martin, doyen de la faculté de Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) de Strasbourg, a pu constater cette année parmi les nouveaux entrants dont le niveau de français est par ailleurs loin d’être toujours optimal. Certes, ces cas sont minoritaires mais «le niveau est très hétérogène, raconte-t-il, se reportant à un test qu’il vient de faire passer aux étudiants de première année. «Si les bacs généraux s’en sortent à peu près, c’est loin d’être le cas de tous les bacs professionnels ou technologiques.» D’autres étudiants, mal informés, se sont inscrits pensant se vouer à leur seule passion du football alors qu’ils doivent surtout suivre beaucoup de cours théoriques de biologie ou de physiologie. Et expérimenter toutes sortes de sports.

Les collègues bricolent. Les cours sont surchargés. Beaucoup espèrent qu’il y aura des abandons en cours d’années

La faculté strasbourgeoise fait partie de celles, comme Reims, Orléans, Lyon, Lille ou La Réunion, qui ont accepté d’élargir leurs capacités d’accueil de façon importante à la demande du gouvernement. Car la filière Staps est celle qui a attiré le plus d’étudiants sur APB: 33.000 vœux au niveau national pour un peu plus de 17.000 places. Quelque 46 % de ces étudiants ont été refusés contre 10 % en moyenne dans les autres filières. À Strasbourg, l’université a décidé d’accueillir 652 bacheliers en première année de Staps au lieu de 485 l’an dernier, moyennant une promesse d’augmentation budgétaire de 1500 euros par étudiant. En contrepartie, l’université a pu embaucher quatre contractuels. Pour faire face à cet afflux, les cours débutent à 8 heures et finissent désormais à 20 heures dans les amphithéâtres strasbourgeois. «Certains étudiants qui habitent à Mulhouse partent ainsi de chez eux à 5 heures du matin et y reviennent à 22 heures», note-t-il.

Pour désengorger les amphithéâtres, des cours sont désormais organisés tous les samedis matin, ce qui pose des problèmes aux nombreux étudiants investis dans des clubs sportifs, qui encadrent des équipes de jeunes ou qui participent habituellement à des compétitions le week-end. Pour l’entraînement sportif à proprement parler, il a fallu «trouver des sports moins coûteux car toutes les installations sportives de l’agglomération sont saturées». Les étudiants de première année pratiquent donc de la gymnastique «sur mobilier urbain», c’est-à-dire dans la rue, de la marche nordique ou des sports «en pleine nature» raconte Jean Saint-Martin.

«Abandons espérés»

Le président de la Conférence des Directeurs d’UFR, Didier Delignières, par ailleurs doyen de la faculté de Montpellier, ne mâche pas ses mots: «Les collègues bricolent. Les cours sont surchargés. Beaucoup espèrent qu’il y aura des abandons en cours d’année.» Seuls 40% des étudiants passent en moyenne le cap de leur première année de Staps. Et pourtant. Jusqu’en 1994, cette filière faisait figure d’exception. Elle sélectionnait ses étudiants par le biais d’un concours d’entrée, sur critères sportifs. Cette sélection, jugée contraire à la loi, a été abandonnée. Les doyens de Staps ne sont plus favorables à cette solution, même s’ils réclament des prérequis en français, sciences, sport et/ou engagement associatif «au moins de façon temporaire».

Leur filière a évolué: elle ne forme plus uniquement des professeurs de sport mais aussi des managers et des gestionnaires. Les étudiants vont travailler dans le coaching sportif, le sport-santé, le tourisme sportif, les produits et services sportifs, l’événementiel... «On peut toujours arguer que cet engouement est déraisonnable, que le taux d’échec justifierait de sélectionner plus rigoureusement les candidatures, estime Didier Delignières. Il n’en demeure pas moins que, considérant le boom démographique et le développement actuel du secteur des métiers du sport, la demande ne peut que croître. Il est nécessaire, enfin, de l’anticiper.». Dans son viseur, entre autres, les Jeux olympiques de 2024...