Article proposé par Exponaute

Musiques ! Echos de l’Antiquité : au Louvre-Lens, comme avant, vibrez !

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Publié le , mis à jour le
Acoustique Louvre-Lens… qui présente sa nouvelle exposition comme une invitation sensorielle. Huit commissaires ont travaillé ensemble pour transformer un projet de recherche en exposition. Il s’agit de la première synthèse d’un sujet aussi large : la musique dans l’Antiquité. Ils nous ouvrent les portes du monde antique, font vibrer son patrimoine immatériel. Et le rythme et les sons nous parviennent.
Amphore attique à figures noires : chœur de musiciens. 6e siècle av J.-C. Étrurie (Italie) Musée du Louvre. © RMN-Grand Palais

Passer par les tambours transparents

Le parcours de l’exposition se présente comme un voyage temporel et géographique, depuis les rives de la Méditerranée jusqu’au Moyen-Orient. Un fil d’Ariane nous guide, transition fluide et colorée, il change de teinte selon les thèmes et nous invite à entrer dans la ronde des tambours transparents. Pour traverser les 2 000 mètres carrés d’exposition, nous passons par ces espaces circulaires qui englobent chaque section. A l’image du musée, le lieu est décloisonné, limpide, et les sujets de l’archéologie sont dépoussiérés. Il s’harmonisent à merveille dans cet espace jeune : le Louvre-Lens a 5 ans, et il nous invite à les fêter dans une scénographie fidèle à sa vitalité !

L’exposition débute par une question : les sonorités antiques, un monde à jamais disparu ? Évidemment, cela résonne comme une invitation à douter de cette supposition… Et c’est ce que l’on découvre au fil du parcours. Se déroule l’historique d’une redécouverte à travers le temps, de la Renaissance à aujourd’hui, sont exhumés les vestiges matériels des instruments. Et l’on entend déjà les images, les témoignages, les tambours tintinnabuler… Ainsi se détournant d’une ultime vitrine, on fait face à l’image du temple de Dendérah, et derrière apparaissent en transparence les portraits de celle qui l’habite, la déesse Hathor. Elle nous invite à pénétrer son domaine de musique, de danse et de joie.

De là, nous découvrons comment la musique permettait d’honorer les dieux, les sons du pouvoir, les rôles de la famille royale… et le spectacle, la guerre, la séduction, les rythmes et les couleurs du monde d’avant sont vivifiés ! Puis la lumière s’adoucit, le silence s’impose, les sons s’accordent aussi au deuil. Quand finalement nous nous interrogeons au sujet de la technique, de la transmission et des métiers de la musique, nous sommes à point nommé heureusement comblés.

Stèle : le chanteur Djedkhonsouioufânkh jouant de la harpe devant Rê-Horakhty. 945-715 avant J.-C.?Égypte, Thèbes ? Bois peint. Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamps
Stèle : le chanteur Djedkhonsouioufânkh jouant de la harpe devant Rê-Horakhty. 945–715 avant J.-C.? Égypte, Thèbes ? Bois peint. Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre

Capter le dialogue des objets et des sons

Si l’exposition nous démontre que les effets magiques de la musique dans l’Antiquité dépassent le seul plaisir de l’audition, les oreilles du spectateur sont aussi délicieusement contentées… car dans l’Antiquité, « chanter » veut souvent dire « enchanter ». Les écrits, les objets, les images se répondent. Une dizaine de dispositifs numériques permettent d’être à l’écoute de 3 000 ans d’histoire : des sons d’instruments antiques originaux ou reconstitués, des langues anciennes, des chants de l’antiquité.

Nous célébrons alors le concert des métiers qui ont collaboré pour faire naître cette exposition. Elle est le fruit d’un programme de recherche commun initié en 2012 au sein des Ecoles françaises à l’étranger, associant chercheurs, universitaires et conservateurs. Huit commissaires, mais aussi des laboratoires – l’IRCAM, le C2RMF -, un acousticien, un archéométallurgiste, … ont relevé le défi d’évoquer des univers sonores qu’aucun d’entre nous n’a jamais ni connus ni entendus.

Le dialogue entre les objets que l’on contemple et leurs sons prend des allures ludiques. On peut entendre Verdi, et découvrir la pseudo-trompette pour son opéra d’Aïda. « Pseudo » oui, car sa forme est inspirée du vestige d’une trompette entrée dans les collections du Louvre en 1857. Du moins, de ce que l’inventeur du saxophone, Adolphe Sax, prenait pour une trompette lorsqu’il imaginait les instruments pour le compositeur italien.

Support d’autel (dont le pied avait été pris pour une trompette). Égypte, 664-30 avant J.-C., alliage cuivreux Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN-GP/Hervé Lewandowski
Support d’autel (dont le pied avait été pris pour une trompette). Égypte, 664–30 avant J.-C. Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre

Car l’on réalise dans les années 1970 qu’il s’agit en fait… du pied d’un brûle-parfum ! Les deux objets sont réunis côte à côte, nous captons les ondes de ce dialogue inédit des époques et des sons.

Un dialogue qui fait aussi intervenir la narration. Comme ce mythe sumérien qui dit la création de l’humanité chargée de travailler pour les dieux, et conte l’incroyable invention de la déesse Ninmah : « un homme aveugle, incapable de voir. Enki lui attribua un destin. Il lui attribua l’art de la musique et l’installa sur une place d’honneur devant le roi en tant que grand musicien. » Ou la poésie, 1 800 ans avant J.-C. …

Cratère en cloche lucanien à figures rouges : drame satyrique ? Italie, vers 400 avant J.-C., argille. Paris, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
Cratère en cloche lucanien à figures rouges, vers 400 avant J.-C. musée du Louvre © RMN-Grand Palais

Plus loin devant nos yeux se déroule une scène de chasse royale, le paysage et les hommes sont animés au rythme des galops et des trompettes. On voit encore les rois, les reines et les princesses sacrifier aux dieux, élever leurs voix mélodieuses pour accompagner leurs gestes. On lit les chants de mondes disparus, tantôt victorieux, tantôt poignants, car l’Orient a livré des lamentations. Si tonnent les tambours triomphants, résonnent aussi encore les mélodies qui déplorent.

Moment émouvant du parcours : l’écoute du plus ancien chant connu à ce jour dans le monde. Il s’agit d’extraits de reconstitutions en musique de l’hymne d’Ugarit – en actuelle Syrie. Ce chant gravé au 13e siècle avant J.-C. en langue hourrite avec des indications musicales, nous est transmis par des voix de notre temps. L’une vibre a cappella en 2017.

D’un espace à l’autre dans la scénographie, se joue une sonore synesthésie. Savait-on d’ailleurs qu’à Athènes dès le Ve siècle avant J.-C., le théâtre mêlait le drame, la danse, et la musique électrisait les scènes ? L’émerveillement vient de loin, qui s’installe en nous comme avant dans les âmes antiques…

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