Emmanuel Macron a beau bénéficier des lumières de Mimi Marchand - reine de la presse people - pour gérer sa communication, il ne porte pas dans son coeur les journalistes français.

Publicité

LIRE AUSSI >> Derrière le couple Macron, "Mimi" Marchand, reine de la presse people

Après avoir accordé mardi sa première interview internationale à CNN avec la célèbre journaliste américaine Christiane Amanpour, le président s'est exprimé lors d'une conférence de presse organisée à l'ONU.

L'occasion pour lui de répondre aux questions des journalistes du monde entier. Parmi eux, Alison Tassin, journaliste de la chaîne française LCI, qui a interrogé Emmanuel Macron sur les raisons l'ayant convaincu d'accorder cet entretien à un média américain plutôt que français. "Je vous remercie pour cette question de fond, a-t-il ironisé. Parce que, peut-être, les médias français s'intéressent trop à la communication et pas assez au contenu. Je m'exprimerai devant les médias français. Mais quand je vois le temps passé depuis quatre mois à ne commenter que mes silences ou mes dires, je me dis que ça devient un système totalement narcissique."

Les journalistes "ne l'intéressent pas"

Narcissique, le mot est dur. Mais c'est loin d'être la première fois qu'Emmanuel Macron se montre aussi véhément envers les journalistes de son pays depuis qu'il a été élu à l'Elysée. Au début du mois de septembre, par exemple, ce sont des journalistes de France 2, qui le suivent dans une école de Forbach pour la rentrée scolaire, qui l'agacent en lui parlant de son mode de communication, très verrouillé.

"Les journalistes ne m'intéressent pas, ce sont les Français qui m'intéressent, c'est ça qu'il faut comprendre, rétorque Emmanuel Macron. Quand les journalistes passent leur temps à s'interroger sur la communication, ils ne parlent pas des Français, ils parlent d'eux! C'est ce que vous êtes en train de faire." Les accusations de narcissisme ne sont, là encore, pas si loin. "Les journalistes ont un problème. Ils s'intéressent trop à eux-mêmes et pas assez au pays. Parlez-moi des Français! Ça fait cinq minutes que vous me parlez et vous ne me parlez que des problèmes de communication et de problèmes de journalistes, vous ne me parlez pas de la France."

"Non, je ne veux pas 'jouer' avec eux"

L'écrivain Philippe Besson, qui a suivi Emmanuel Macron lors de sa campagne, retranscrit des propos similaires dans son livre Un personnage de roman. Le président y affirme de nouveau que les journalistes "ne l'intéressent pas." "Ils s'intéressent trop à eux-mêmes et pas assez au pays", affirme-t-il. "Ils disent à mon sujet: 'Il ne veut pas jouer avec nous.' Eh bien non, je ne veux pas jouer avec eux. Franchement, il y en a qui sont à la déontologie ce que Mère Teresa était aux stups. Ils me donnent des leçons de morale alors qu'ils sont dans le copinage et le coquinage depuis des années."

Mais si les journalistes sont sa cible privilégiée, qu'ils se rassurent: le président n'aime pas tellement non plus les intellectuels et les éditorialistes qui arpentent les plateaux télé. Finkielkraut et Onfray? "Des esprits tristes englués dans l'invective permanente", juge le président.

L'interview du 14 juillet annulée

Dès son élection, Emmanuel Macron a donné le ton. Il a indiqué vouloir être suivi par des journalistes "rubriqués" lors de ses déplacements [s'il se rend dans une école, le président français aimerait bien être accompagné de journalistes spécialisés en éducation, par exemple], provoquant la fureur des rédactions. Plusieurs sociétés des journalistes de médias nationaux [dont L'Express] ont interpellé le président dans un communiqué: "Ce n'est pas au président de la République, ou à ses services, de décider du fonctionnement interne des rédactions, du choix de leurs traitements et de leurs regards, ont-elles répondu. Ce choix relève des directions des rédactions et des journalistes qui la composent, qu'ils soient permanents ou pigistes, JRI ou reporters, photographes ou dessinateurs."

LIRE AUSSI >> "Monsieur le président, il n'appartient pas à l'Élysée de choisir les journalistes"

Si l'Elysée a tenté de rassurer les journalistes français, assurant ne pas vouloir choisir qui pourrait, ou non, suivre Emmanuel Macron dans ses voyages, le président français a peu après passé outre une tradition en annulant la fameuse interview du 14 juillet, évoquant sa "pensée trop complexe" pour les questions des journalistes.

Une façon de couper les ponts avec la presse? "Il remplace une interview de journalistes avec de vraies questions et une possibilité de contradiction avec une déclaration aux Français [avec son discours devant le Congrès de Versailles], expliquait à l'époque à L'Express Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique. Il s'éloigne de la presse, comme pour se construire en opposition à François Hollande, qui parlait beaucoup, voire trop, aux journalistes. Pour lui, les médias ne sont pas des interlocuteurs du président. Ceux qui parlent aux journalistes, ce sont ses ministres."

Cette relation particulière avec la presse ne l'empêche pas de s'ériger en défenseur de la profession. Dans son discours à l'ONU mardi, Emmanuel Macron a assuré que "rien ne saurait justifier la réduction de la liberté de la presse." Il a même réclamé la nomination d'un représentant des Nations unies pour défendre la liberté d'informer.

"Les journalistes ne sont pas des amis"

Emmanuel Macron a toujours prévenu: hors de question qu'il se montre aussi bavard que son prédécesseur. À une semaine du premier tour de l'élection présidentielle, il explique à L'Obs: "Je ne laisserai pas les journalistes entrer dans les cuisines. Les journalistes ne sont pas des amis. Je les respecte. Mais si je deviens trop proche d'eux, ils finiront par s'en vouloir car ils ont une conscience. Et bientôt ils m'en voudront de s'en vouloir."

Même volonté de verrouillage annoncée dans L'Émission Politique, sur France 2, en avril dernier. "Un président préside et j'aurai cette distance avec la vie médiatique, insiste Emmanuel Macron. Je considère que le problème des derniers quinquennats a été une trop grande proximité avec les journalistes. Je pense qu'en particulier, quand on préside, on n'est pas le copain des journalistes."

Le président français entretiendrait cependant des liens avec quelques-uns. Selon Le Parisien, il échange régulièrement des SMS avec des journalistes économiques français. "Il ne leur donne pas de détails, contrairement à Hollande. Mais il les ambiance pour les influencer et maintenir un lien avec eux, au cas où...", indique un ami d'Emmanuel Macron au quotidien.

Publicité