Il écrit un roman sur Twitter : «Chaque post devait constituer une punchline»

Derrière «3ème Droite», roman addictif sous forme de fil Twitter, se cache François Descraques. Ce Français de 32 ans a repris les codes des réseaux sociaux pour les transporter dans l'univers du polar.

 François Descraques est notamment réalisateur et scénariste de webséries. 
 François Descraques est notamment réalisateur et scénariste de webséries.  Solène Balesta

    Un jeune chômeur quitte le domicile familial avec fracas et décroche, contre toute attente, un logement proposé sur une petite annonce. Mais dans cet appartement finalement pas si rêvé, les éléments étranges vont rapidement se multiplier, sous l'oeil d'un propriétaire aux manières décidément louches…


    Voilà, vite résumées, les bases de 3ème Droite, un compte Twitter abritant ce qui s'apparente au premier roman français écrit en «threads», soit des séries de messages caractéristiques du site de microblogging, dont le troisième chapitre est sorti ce mardi. Deux semaines après la mise en ligne de sa première partie, ce récit hyper addictif compte déjà 33 000 abonnés. Derrière le narrateur se cache en fait un habitué du réseau social. Réalisateur et scénariste de web séries à succès, François Descraques, 122 000 followers, connaît tout de cet univers et de ses codes.


    «Je me suis inscrit sur Twitter en 2012 sur les conseils de Monsieur Poulpe (notamment vu sur Canal + depuis, ndlr), avec qui je travaillais sur le Golden Show. J'ai tout de suite accroché», remet-il. C'est en juillet que germe l'idée d'un objet de fiction sous forme de messages en 140 caractères. «Il m'était arrivé une mésaventure un peu drôle dans un VTC que je partageais avec une femme que je ne connaissais pas, se souvient-il. J'ai raconté ça dans un thread et j'ai été très surpris du nombre de réactions que cela provoquait».

    Alors qu'il se met à travailler sur ce projet, il découvre que d'autres utilisateurs tentent des expériences plus ou moins similaires sur le réseau social. C'est notamment le cas de Manuel Bartual. En août, celui-ci raconte sur Twitter la façon dont ses vacances prennent un tour surréaliste. Ce compte apparemment lambda n'est en fait que le support d'une nouvelle de fiction.


    «L'idée m'a plu mais, dès le départ, je voulais suivre une autre démarche, plus assumée», relate Descraques. De Twitter, il souhaite surtout garder le ton, les codes de narration, le style «très direct, presque scénaristique, sans adverbe ni fioriture». «Je voulais accrocher les gens sur le long-terme et ne surtout pas écrire un roman simplement découpé tous les 140 caractères», souligne-t-il. Chaque tweet doit constituer «une idée, une punchline ou une avancée dans l'intrigue», et chaque thread, publié une fois par semaine, un chapitre. «Ce sont ces contraintes qui m'ont permis d'être clair, spontané et en même temps addictif», assure-t-il.


    Comme Manuel Bartual avant lui, François Descraques joue avec les possibilités de Twitter, par exemple en incrustant des photos, voire des captures d'écran d'échanges de SMS dans son intrigue, se refusant toutefois à «créer un festival d'emoticones et de memes (images détournées et abondamment utilisées sur les réseaux sociaux, ndlr), ce qui pourrait être lassant ou même mal vieillir».

    «Atteindre un nouveau public»


    Admirateur du maître de l'horreur Stephen King, de l'auteur de «Fight Club» Chuck Palahniuk ou encore des récits policiers de Robert Galbraith, le pseudonyme de J.K. Rowling, François Descraques plonge ses followers dans un univers de polar, auquel se mêle souvent un ton humoristique propre aux réseaux sociaux. «Ce qui m'excite le plus, c'est d'atteindre un public qui ne me connaît pas forcément, avec des gens qui avouent eux-mêmes ne jamais lire de romans et qui, pourtant, sont hyper enthousiastes», se réjouit-il.


    Celui qui assume avoir «toujours voulu raconter des histoires» à l'écrit confesse avoir longtemps «eu des doutes sur (mes) capacités littéraires» pour le faire. «Twitter m'a permis de me décomplexer, relève-t-il déjà. Mentalement, cela m'a pas mal débloqué.» De quoi envisager une publication, sur le papier, d'une histoire pensée pour un réseau social ? «Ce serait un rêve», répond l'intéressé du tac-au-tac. Avant de confier que ce rêve n'est en vérité plus très éloigné. Il n'a fallu que quelques heures après la parution du premier chapitre de «3ème Droite» pour qu'une maison d'édition se montre intéressée.