Exposition David Hockney au Centre Pompidou : perspectives révolutionnaires
Une rétrospective rend hommage à l’œuvre de David Hockney, au Centre Pompidou. Cette riche exposition dévoile le rapport singulier qu’entretient le peintre britannique à la perspective.
David Hockney n’a cessé de réfléchir à la forme que pourrait prendre « une perspective plus juste » en art. Alors que le peintre britannique fête ses 80 ans, le Centre Pompidou lui offre une riche rétrospective, déjà forte d’un succès à Londres et à New York. Avec plus de cent soixante toiles, photos, dessins et vidéos, cet accrochage compte bien plus d’œuvres que dans les précédentes expositions. Il retrace chronologiquement l’évolution de ce dessinateur polyvalent, admirateur de Picasso. Inlassablement, à mesure qu’il crée, Hockney endosse les différents points de vue du spectateur, démentant la prééminence de la perspective linéaire, théorisée par Filippo Brunelleschi (1377-1446) et par Leon Battista Alberti (1404-1472). Elle pose les principes de la fabrication des images selon une vision prétendument « objective » du monde. Pour Hockney, cette objectivité n’a rien d’essentiellement vrai : « L’histoire de l’art nous enseigne que Brunelleschi a “inventé” la perspective à Florence en 1420. […] Ceci n’est pas une “invention” mais la découverte des lois de l’optique. Un demi-millénaire plus tard, la perspective domine notre monde visuel. C’est de cette façon que nous nous attendons à ce que le monde soit représenté. Le système perspectiviste n’a cependant rien d’universel. » S’inspirant autant de la peinture chinoise sur rouleau, qui reproduit le mouvement du regard, que du cubisme démultipliant les points de vue, l’artiste préfère les « perspectives élargies » à la vision du « cyclope immobile ».
Bref, il joue Florenski contre Alberti. Philosophe, mathématicien et théologien russe, Pavel Florenski signe en 1919 La Perspective inversée. Dans cet essai, il montre combien « l’apprentissage de la perspective, c’est du dressage », une convention correspondant à un « orgueilleux retrait du monde », dont l’homme moderne voudrait se rendre maître. Prétendre « normaliser mathématiquement les procédés de représentation du monde, cela relève de l’outrecuidance d’un fou » pour Florenski. Il invite au contraire à replacer le sujet au centre de l’image, en ramenant les différents points de fuite dans le spectateur et non plus à l’horizon. À sa suite, Hockney défait la vision occidentale du monde, fondée sur une distance entre l’homme et ce qu’il observe. S’employant à réinventer son processus créatif au profit d’une vision plus « naturelle », notamment grâce aux nouvelles technologies – iPhone ou iPad –, le peintre se dit « convaincu que nous sommes les témoins d’un changement fondamental dans la fabrication des images » et qu’il « sanctionnera la fin d’un ordre ancien, ce qui n’est pas une mauvaise chose ».
Domestic Scene, Los Angeles, 1963 Huile sur toile 153 x 153 cm © David Hockney
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