Fiscalité

Les riches Européens gros utilisateurs des paradis fiscaux

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Manifestation contre la fraude fiscale. PHOTO : ©Marta NASCIMENTO/REA

Le chercheur français Gabriel Zucman vient de publier avec deux de ses collègues une nouvelle estimation de l’utilisation des paradis fiscaux par les particuliers. Grâce à des données originales, on a une idée plus précise du recours à ces territoires par les plus riches, dont les Européens s’avèrent de gros utilisateurs.

Les montants détenus par les riches particuliers dans les paradis fiscaux représentent l’équivalent de 8 % de leur richesse, soit environ 10 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Gabriel Zucman avait déjà fourni ce résultat en 2013, mais il va plus loin en montrant que cette moyenne cache d’importantes disparités entre les pays.

10 % du PIB mondial est caché par les riches dans les paradis fiscaux

Grâce à de nouvelles données publiées par la Banque des règlements internationaux (BRI) qui permettent de savoir quels résidents de quels pays déposent de l’argent dans les banques de tel autre, cette étude, qui se concentre sur l’année 2007 pour estimer les comportements d’avant la crise, arrive à trois résultats.

D’abord, une confirmation de ce que l’on sait déjà : l’utilisation des paradis fiscaux est très régionalisée. En dépit de la mondialisation financière, les Asiatiques ont plutôt tendance à utiliser Singapour, les Russes privilégient la Suisse et Chypre, les Français, les Belges et les Portugais aiment particulièrement la Suisse, le Luxembourg et Jersey, les Américains les Caïmans.

Mais les plus fortunés n’utilisent pas les paradis fiscaux avec la même intensité. Les Coréens du Sud y auraient peu recours, dissimulant l’équivalent de 1,2 % de leur PIB, un montant qui passe à près des trois quarts du PIB aux Emirats arabes unis. Si l’on se concentre sur les vieux pays industrialisés, les riches Européens continentaux apparaissent comme de gros clients avec, en moyenne, l’équivalent de 15 % du PIB qui serait dissimulé offshore.

Enfin, les trois chercheurs redessinent le niveau des inégalités dans les pays : quand les plus fortunés recourent aux paradis fiscaux, la part de la richesse nationale qu’ils détiennent est sous-évaluée. Si l’on se concentre sur la France, on s’aperçoit que sur un demi-siècle, l’utilisation des paradis fiscaux par les riches Français semble être bien plus importante aujourd’hui. Ainsi, en 2014, les 0,01 % les plus fortunés concentreraient 4,6 % de la richesse privée au lieu des 2,8 % estimés en utilisant les déclarations fiscales.

Mais les données s’arrêtent en 2014. Il faudra voir si le nombre important de dénonciations volontaires de contribuables craignant la mise en œuvre entre 2017 et 2018 de l’échange automatique d’informations fiscales entre les Etats a véritablement contribué à réduire la part de la fortune des plus riches détenue dans les paradis fiscaux.

Du fait des paradis fiscaux, le niveau des inégalités est sous-estimé

Les Américains détiennent également une part importante de leur fortune dans ces territoires. Mais le niveau des inégalités est déjà tel que réintégrer la part de la fortune détenue offshore accroît peu les écarts. A l’inverse, pour les pays, comme la France, dont les institutions permettent une meilleure maîtrise des inégalités, l’utilisation des paradis fiscaux représente une remise en cause plus profonde de notre modèle social et démocratique. La lutte contre les paradis fiscaux devrait donc y être menée avec plus de vigueur qu’ailleurs. Malheureusement, cela ne semble pas être la priorité du gouvernement, pas plus que de la nouvelle Assemblée, dont la campagne législative a montré que plusieurs élus de la majorité sont des utilisateurs de ces parasites fiscaux.

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Commentaires (3)
Frank Roels 20/09/2017
Le % de 10% que trouvent les auteurs est une forte sous-estimation? Puisque ils disent: "the BIS statistics that we rely on only cover bank deposits, not the portfolios of equities, bonds, and mutual fund shares that households entrust to offshore banks. Second, the use of anonymous shell corporations makes it increasingly hard to identify the beneficial owners of the wealth held offshore. In the macroeconomic data we use, a growing amount of wealth is assigned to the British Virgin Islands, Pan
ANNIE 20/09/2017
Le premier "Russie" est établi à partir des chiffres officiels publiés, l'autre correspond à une estimation des chercheurs après inclusion des "erreurs et omissions" ...Précisions que l'on trouve dans le doc original publié par les chercheurs
ALAIN 19/09/2017
Bonjour, Le graphique donnant le pourcentage de PIB par pays présente 2 Russie (s). A ma connaissance il n'en existe qu'une ;-). Merci de nous l'expliquer.
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