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Handicap : pourquoi 3 500 enfants n’ont toujours pas accès à l’école

Malgré l’engagement du candidat Macron et 8 000 nouveaux postes d’auxiliaires de vie scolaire, certains restent en attente d’accompagnant.

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Publié le 21 septembre 2017 à 20h29, modifié le 22 septembre 2017 à 17h03

Temps de Lecture 5 min.

Depuis la loi de 2005, tous les enfants, notamment ceux présentant un handicap ou une maladie, peuvent être inscrits, dès la maternelle, à l’école

Plus de deux semaines après la rentrée, ils sont 3 500 enfants en situation de handicap toujours en attente d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS). Le collectif Citoyen handicap a rendu public ce chiffre, que le gouvernement confirme. Douze ans après la loi de 2005, des progrès considérables sur la scolarisation des enfants handicapés ont été accomplis et pourtant, malgré l’engagement du candidat Emmanuel Macron, des familles se trouvent à nouveau sans solution en septembre.

Lors du débat du second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron avait choisi la question du handicap pour sa « carte blanche ». Il s’était alors notamment engagé à créer « tous les postes d’AVS pour que les enfants vivant en situation de handicap puissent aller à l’école ».

Depuis la loi de 2005, tous les enfants, notamment ceux présentant un handicap ou une maladie, peuvent être inscrits, dès la maternelle, à l’école, et des postes d’auxiliaires de vie scolaire sont alors créés pour favoriser leur autonomie. Le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en « milieu ordinaire », c’est-à-dire dans des écoles non spécialisées, a plus que doublé en douze ans, passant de 133 838 en 2004 à 280 000 en 2016.

Pour cette rentrée, malgré les restrictions budgétaires, le nombre d’élèves qui doit bénéficier d’un accompagnement est de 164 000, en hausse de 12 % par rapport à la rentrée 2016. Le gouvernement a encore renforcé les effectifs et mobilisé plus de 80 000 accompagnants. Ils sont 50 000 en contrat aidé et 30 000 accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH), soit 8 000 de plus qu’à la rentrée 2016. Alors comment explique-t-on les 3 500 enfants en attente d’AVS, évoqués sur RTL, lundi ?

Pas assez de candidats

Au ministère de l’éducation nationale, on répond que ces « quelques situations en cours de règlement » sont dues à « l’existence d’un délai entre le moment de la notification de la demande d’accompagnant et le recrutement ». Cela se répète à chaque rentrée. Le ministère confirme pudiquement le chiffre de 3 500 enfants sans accompagnement, notant devoir encore consolider ses chiffres. Selon le ministère, « 98 % des demandes d’accompagnement sont pourvues » sur 164 000 enfants concernés, soit 2 % encore en attente…

En contrats d’insertion accordés par Pôle emploi, les auxiliaires de vie scolaire ont un statut précaire et sont engagés à temps partiel, pour un travail exigeant. Difficile dans ces conditions d’attirer des candidats en nombre suffisant et au moment requis. Selon le rapport du médiateur de l’éducation nationale, Claude Bisson-Vaivre, publié en juin, « le public pour un contrat AVS est volatile, toujours susceptible d’abandonner sa candidature pour un emploi à temps complet, mieux rémunéré ». Il faut alors relancer tout le processus de recrutement.

Depuis deux ans, dans une logique de professionnalisation, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) remplacent peu à peu les contrats aidés des auxiliaires de vie scolaire mais ils doivent encore passer par… six ans de CDD avant de prétendre à un contrat stable et ne sont guère mieux payés que les personnes en contrat aidé. Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, s’est engagée cet été à « moderniser, professionnaliser et pérenniser les emplois d’AVS », pour favoriser un accompagnement dans la continuité.

La cellule Aide handicap école saturée

Depuis deux semaines, le standard de la cellule Aide handicap école est saturé. A partir de 9 heures, deux personnes se relaient pour écouter des parents, « stressés, en pleurs, parfois agressifs », recueillir les doléances puis passer les dossiers.

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Même si, selon la loi, la présence d’un AVS n’est pas une condition pour la prise en charge des enfants à l’école, cela est différent si l’enfant peut se mettre en danger, ou bien la classe. Et certains établissements refusent d’accueillir les enfants non accompagnés.

Depuis le 4 septembre, des centaines de parents doivent finalement garder leur enfant chez eux, continuent de lutter avec l’administration pour obtenir gain de cause, et s’ils travaillent, se débrouillent pour prendre des jours et demandent de l’aide à leurs proches. En 2016 certains en sont arrivés à monter sur une grue pour obtenir un auxiliaire de vie scolaire. En juin, le médiateur de l’éducation nationale relevait non seulement une relative absence de moyens, mais aussi « la complexité et la lourdeur d’un système qui empile les dispositifs et multiplie les fonctions et statuts ».

La moitié des mères arrêtent de travailler

« Aujourd’hui, pour que le droit à l’éducation se concrétise, on exige des parents de s’impliquer, ce qui demande du temps, des ressources et un capital culturel », analyse Serge Ebersold, sociologue, titulaire de la chaire accessibilité au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et coauteur d’un rapport sur l’école inclusive publié en 2016 par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). En conséquence, « près de la moitié des mères arrêtent de travailler, et cette proportion ne baisse pas ».

Jean-Luc Duval, président de l’association Citoyen handicap, et sa femme, qui ont deux garçons autistes de 9 ans, ont aussi dû arrêter de travailler. Leurs fils ont été accompagnés par une dizaine d’AVS, sont allés dans six maternelles différentes, avant de suivre l’école à la maison pendant un an et demi puis rentrer au CP, en mars.

Des formation nécessaires

Dans son rapport, le médiateur relève que « des parents, voire des enseignants contestent le niveau de recrutement des accompagnants ». En effet, si les AESH sont recrutés au niveau bac, les accompagnants en contrat aidé, quant à eux, n’ont parfois aucun diplôme. Or, ils sont chargés d’accompagner les enfants dans des gestes de la vie quotidienne mais aussi de les aider à suivre les enseignements. Au fil des ans on leur demande de plus en plus. « De facilitateurs, ils sont maintenant devenus la principale béquille qui va permettre aux écoles de faire face à la diversité des profils, rappelle Serge Ebersold. On veut voir en eux la solution pour rassurer les parents sur les conditions de scolarisation de leur enfant et rassurer les enseignants sur la possibilité de continuer à appliquer leurs méthodes ».

Leur formation générale se limite à soixante heures, que tous considèrent tout à fait insuffisante. Alors, note le rapport du Cnesco, certains se lancent dans du « bricolage héroïque » : « l’invention singulière ou collective avec les moyens disponibles ».

« C’est comme si on envoyait un boucher faire du pain dans une boulangerie, résume Jean-Luc Duval. Les parents demandent que leurs enfants soient effectivement accompagnés par des personnes formées », explique-t-il, citant l’exemple de sa commune, dans la banlieue lilloise. Le maire y a mis en place un dispositif pour accueillir tous les enfants handicapés au centre de loisirs, avec succès.

Chacun des dix-huit enfants y est accompagné par un éducateur spécialisé. Les enfants peuvent profiter de cet espace de sociabilisation essentiel pour eux, surtout pendant les périodes de déscolarisation. Finalement, « on aimerait voir ça à l’école, un accompagnement stable et de qualité ».

Pour en savoir plus : Education inclusive : privilège ou droit ?, de Serge Ebersold (éditions PUG).

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