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Algérie : le gouvernement interdit le voile intégral à l'école malgré la pression des islamo-conservateurs

Algérie : le gouvernement interdit le voile intégral à l'école malgré la pression des islamo-conservateurs

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Un arrêté du ministère de l'Education nationale algérien interdit le port du voile intégral et du niqab à l'école pour les élèves et les fonctionnaires. Pour faire passer cette mesure auprès des islamo-conservateurs, le gouvernement prétexte la lutte contre la triche lors des examens.

Plus de voile intégral et de niqab dans les écoles. En Algérie, un arrêté du ministère de l'Education nationale interdit le port de tenues destinées à dissimuler le visage dans les établissements scolaires pour les élèves, les enseignants et les surveillants. Si leur visage est caché, les fonctionnaires n'auront plus le droit d'exercer notamment en période d'examen, précise le texte. Face au poids des islamo-conservateurs, le ministère se sent obligé de justifier cette interdiction par la lutte contre la triche dans les examens scolaires. D'ailleurs, cette décision crée déjà un début de polémique, sur fond de place du religieux dans l'école. Les islamo-conservateurs dénoncent une "atteinte à la liberté des filles voilées" dans les écoles.

Des polémiques sur les manuels scolaires depuis la rentrée

Ces islamo-conservateurs se sont déjà attaqués à la décision de la ministre Nouria Benghabrit de supprimer la formule "besmala" (la citation "au nom de Dieu clément et miséricordieux"), qui précède chaque soutane du Coran, dans les manuels scolaires profanes. La polémique a fait intervenir jusqu'au président du Haut conseil islamiste, Bouabdellah Ghlamallah : "Nous proposerons à la ministre de l’inclure à nouveau dans les prochaines éditions du manuel scolaire, pour mentionner que l’Etat algérien est musulman". Autre cible, la nouvelle couverture du manuel d'éducation islamique du cours préparatoire qui représente deux garçons et deux filles main dans la main se dirigeant vers l'école. Rien de moins qu'"une atteinte à l'identité nationale, à l'esprit de l'enfant et à sa personnalité" pour l'association des Oulémas musulmans algériens, un mouvement culturo-religieux historique.

La ministre, cible des islamistes

Depuis l'élection du président Abdelaziz Bouteflika en 1999, les promesses de réformes se sont heurtées à ses alliés conservateurs. En mai 2014 le ministère de l'Éducation nationale est confié à Nouria Benghebrit, une anthropologue francophone diplômée de l'université Paris V et membre du Conseil économique et social des Nations unies.

Depuis sa nomination, celle qui a promis de réformer l'école est la cible de campagnes violentes des milieux islamistes mais aussi de conservateurs soutenant le gouvernement tels que le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND). Pour les islamistes, les réformes de la ministre sont une "agression contre les enfants et l’identité du peuple algérien".

Si Nouria Benghebrit a fait passer des réformes sur la formation des enseignants ou l'enseignement des langues, elle reste prudente au niveau de l'enseignement religieux dans l'école. Il est pourtant régulièrement critiqué, et considéré comme trop conservateur, voire haineux par certains parents d'élèves.

Les tentatives de déstabilisation à l'encontre de la ministre vont parfois loin. Il lui est régulièrement reproché une connaissance approximative de la langue arabe ou encore d'être de "descendance juive". Ses détracteurs utilisent le fait que son père, recteur de la grande mosquée de Paris pendant la Seconde guerre mondiale, a caché des enfants juifs. En septembre, un photomontage de son fils sortant d'une synagogue de New-York, kippa sur la tête, a circulé sur les réseaux sociaux. Si certains la soutiennent, beaucoup de ses collègues du gouvernement restent silencieux face à ces attaques. Répondant récemment à la fronde contre les manuels scolaires, la ministre a demandé à ses adversaires de "laisser l’école tranquille".

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne