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Séisme au Mexique : mouvement de solidarité et polémique sur les normes de sécurité

Trente-huit immeubles se sont effondrés et plus de 2 000 ont été endommagés par la secousse, selon la mairie de Mexico.

Par  (Mexico, correspondance)

Publié le 22 septembre 2017 à 06h43, modifié le 22 septembre 2017 à 08h16

Temps de Lecture 5 min.

Remplis de gravats, des seaux passent de mains en mains devant un immeuble écroulé au centre de Mexico, frappée de plein fouet, mardi 19 septembre, par un puissant séisme qui a fait 302 morts dans le pays, dont 142 dans la capitale. « C’est une course contre-la-montre pour sauver des vies », lâche, essoufflé, Cesar Santibañes, commerçant de 42 ans, au milieu de la chaîne humaine composée de volontaires et de militaires. Les Mexicains se mobilisent en masse alors que des voix s’élèvent pour critiquer les défaillances du gouvernement.

Des volontaires participent aux secours et aux recherches, deux jours après le tremblement de terre, à Mexico, le 21 septembre.

A vélo ou à pied, les bénévoles affluent pour aider les sauveteurs à dégager la montagne de décombres de ce bâtiment de six étages dans le quartier de la Condesa, où plusieurs personnes seraient encore bloquées. Casque de chantier vissé sur la tête, certains portent des pioches ou des pelles. D’autres distribuent des masques dans le chaos ambiant. D’autres encore agitent les bras pour tenter de réguler les embouteillages monstres qui retardent les secours un peu plus loin. Trente-huit immeubles se seraient effondrés et plus de 2 000 seraient endommagés, selon la mairie qui a annoncé, jeudi 21 septembre, plus d’une cinquantaine de survivants.

Bâtiments sur le point de s’effondrer

Le centre et le sud de la capitale ont été très affectés par le tremblement de terre d’une magnitude de 7,1 sur l’échelle de Richter, dont l’épicentre a été localisé à 120 km de Mexico. Dans un parc de la Condesa, des centaines de volontaires déchargent, trient et stockent des cartons de nourriture et de médicaments. C’est un des nombreux centres de collecte qui ont poussé partout dans la ville pour fournir les zones affectées et les refuges, où 2 600 sinistrés sont hébergés. A côté de centaines de bouteilles d’eau, Susana Paez, comptable de 58 ans, se félicite de ce mouvement de solidarité spontanée :

« Nous répondons avec le même élan face à un cauchemar que nous avons déjà vécu, jour pour jour, 32 ans plus tôt. »

Le 19 septembre 1985, un tremblement de terre d’une magnitude de 8,1 avait fait près de 10 000 morts à Mexico. Aujourd’hui, 20 000 fonctionnaires municipaux déployés sont épaulés par 10 500 militaires et policiers fédéraux. « Ils ne coordonnent pas l’acheminement des vivres là où il y a des besoins, peste Mme Paez, avertie que les habitants du quartier lacustre de Xochimilco, à l’extrême sud de Mexico, manquent d’eau et de nourriture. Le gouvernement n’est pas à la hauteur du désastre ! »

Des volontaires recueillent des bouteilles d’eau, à Mexico, le 21 septembre.

Dans le centre historique, Miguel Angel Osorio Chong, ministre de l’intérieur, a été accueilli, mercredi, par des insultes et des jets de bouteilles. Le lendemain, non loin de là, dans le quartier de la Roma (centre-ville), Roberto Sanchez, cadre de 46 ans, reste prostré face aux secouristes et aux volontaires qui s’agitent pour dégager les débris d’un bâtiment ravagé. « Je n’ai aucune information sur mon frère, qui travaillait là avant le séisme, murmure-t-il. Les autorités refusent de m’aider… » Le nom de son frère ne figure pas sur la liste des personnes sauvées que des volontaires ont affichée sur un mur, juste à côté des décombres.

Deux rues plus loin, Adriana Rozental, 26 ans, serre une petite valise contre elle, devant un immeuble fissuré. « Un flic m’a autorisé à aller chercher quelques affaires, mais un autre vient de m’interdire de prendre le reste », soupire cette graphiste, désespérée. Et Sandra Castañeda, agent de la protection civile, d’expliquer :

« Le recensement des dommages prend du temps. Beaucoup de bâtiments sont sur le point de s’effondrer car leur structure n’était pas suffisamment solide. »

La construction de certains semble pourtant récente. Depuis le tremblement de terre de 1985, la mairie a renforcé les normes parasismiques. Les permis de construire doivent être avalisés par un maître d’œuvre homologué. « Ces règles strictes ont réduit les dégâts par rapport à ceux de 1985, reconnaît l’architecte Valente Souza. Mais elles ne sont pas toujours respectées et contrôlées à cause de la corruption et du manque d’esprit civique de certains promoteurs et fonctionnaires cupides. » Le quotidien El Universal avance les mêmes soupçons : « Y-a-t-il eu négligence, collusion ou omission, au moment d’autoriser ces constructions ? », interroge son éditorial, publié jeudi.

40 à 60 secondes avant l’impact tellurique

Depuis des années, des exercices sont aussi organisés pour préparer la population à ce type de catastrophe. Triste hasard, une de ces simulations a eu lieu deux heures avant le tremblement de terre. « Mais le système d’alerte sismique n’a pas fonctionné au moment du vrai séisme », dénonce Fernando Elizondo, qui tient une épicerie au centre-ville, à côté d’un immeuble dont la façade s’est écroulée. Pourtant, des capteurs installés sur la côte pacifique, exposée aux séismes, sont censés déclencher une sirène dans la capitale, 40 à 60 secondes avant l’impact tellurique. La défaillance s’expliquerait par la proximité entre l’épicentre et Mexico, a justifié le système sismologique national. Mercredi, des élus locaux ont demandé des comptes à la mairie, qui vient de dépenser 10,5 millions d’euros millions pour moderniser son système d’alerte.

Jeudi, le maire de la capitale, Miguel Angel Mancera, a déclaré l’Etat d’urgence, débloquant un fonds de 140 millions d’euros. Dans la foulée, le président Enrique Peña Nieto a assuré que « la recherche des survivants se poursuit », après avoir annoncé trois jours de deuil national. Selon lui, le gouvernement dispose aussi d’un fonds pour les désastres naturels (312 millions d’euros) et d’une assurance (125 millions d’euros) pour lancer la reconstruction.

« Ces sommes suffiront-elles alors que le sud du pays a aussi été ravagé, douze jours plus tôt, par un autre séisme de 8,2 ? », se demande Rosa Lopez, coiffeuse de 33 ans, qui distribue des vivres aux secouristes dans le centre-ville. Mme Lopez s’informe via les réseaux sociaux pour connaître les zones affectées et les besoins des sinistrés à Mexico, mais aussi dans les cinq Etats limitrophes frappés par le séisme. De nombreux internautes proposent d’héberger des sinistrés qui ne souhaitent pas se rendre dans les refuges spartiates mis en place par le gouvernement. Réunis sous le hashtag, #Revisamigrieta (Verifiemafissure), des ingénieurs spécialisés en construction offrent même leurs services gratuitement pour évaluer l’état des immeubles, en attendant le passage des agents de la protection civile. Comme beaucoup d’autres habitants, Mme Lopez, reste dubitative face aux promesses du gouvernement :

« Les Mexicains ont appris depuis longtemps à se débrouiller seuls. »

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