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Loup Bureau raconte son calvaire en Turquie : "J'étais au bord du gouffre"

Le journaliste Loup Bureau, revenu en France dimanche dernier, a fait le récit de ses 52 jours de détention en Turquie vendredi sur Les Jours et France Inter.

Gaël Vaillant , Mis à jour le
Loup Bureau dimanche dernier à son retour en France.
Loup Bureau dimanche dernier à son retour en France. © Sipa

Loup Bureau a passé 52 jours de détention dans une prison turque. Des "très longues journées" que le jeune journaliste français, encore étudiant, a décrit pour la première fois jeudi sur le site Les Jours et vendredi matin sur France Inter . Il détaille son calvaire qui a débuté le 25 juillet dernier, à Silopi, cette commune turque à la frontière avec la Syrie et l'Irak. Le jeune homme de 27 ans est alors à bord d'un taxi collectif arrêté, vers minuit, car le chauffeur faisait de la contrebande de cigarettes. Très vite, Loup Bureau arrive à convaincre qu'il n'a rien à voir avec ce trafic, mais c'est trop tard : le voilà avec son matériel - appareil photo et disques durs - dans le commissariat de Silopi, un des postes-frontière les plus surveillés par les autorités turques.

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Une photo avec des combattants kurdes sur Facebook et tout bascule

Dès lors, Loup Bureau alterne entre espoirs et déception. Cette nuit du 25 au 26 juillet n'aurait pu être qu'une simple péripétie si les policiers n'avaient pas vu le passeport du journaliste, où apparaissent les visas de nombreux pays du Moyen-Orient. Cela n'aurait pu être qu'un mauvais moment si un policier n'était pas tombé sur une photo de Loup Bureau avec des combattants kurdes syriens publiée sur Facebook. "Quelle cible allez-vous attaquer?", lui a alors déclaré le représentant des autorités. Comprenant le malentendu, le Français décide d'"être transparent" et de "coopérer complètement" en mettant à disposition ses disques durs. Son objectif : montrer qu'il n'est qu'un étudiant en journalisme. "Un policier me fait comprendre qu'il y a assez de preuves que je suis journaliste, que la Turquie a beaucoup d'ennemis, qu'il faut qu'elle se protège. Puis il ajoute : 'Vous êtes une bonne personne'", raconte Loup Bureau.

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La juge m'a dit que j'allais en prison quelques mois. Un vrai coup sur la tête.

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L'affaire se termine bien : après une journée d'attente, Loup Bureau est libéré, le commissaire le raccompagne à une gare routière et lui paie même le ticket de bus pour Istanbul. Il a alors le temps d'appeler le consulat de France pour indiquer sa position et raconter ce qui lui est arrivé. Mais un quart d'heure plus tard, une voiture blindée revient le chercher. Les policiers ont "encore une ou deux questions à [lui] poser". "J'ai compris que c'était foutu, que s'ils me ramenaient au commissariat pour 'une ou deux questions', c'est qu'en fait ça allait être compliqué", explique le jeune homme.

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Loup Bureau est transféré alors à Sirnak, la grande ville la plus proche, véritable poste avancé des autorités turques dans la lutte contre les terroristes kurdes. On le menotte, on lui enlève ses lacets, on le met dans une cellule de 6 mètres carrés dans un sous-sol sans fenêtre, éclairé jour et nuit par des néons. "Je suis resté là six jours sans être jamais interrogé, raconte-t-il aux Jours. Chaque soir, on m'amenait à l’hôpital pour vérifier que je n'avais pas été maltraité. En fait, les médecins me faisaient à peine relever mon T-shirt, ils ne contrôlaient rien. J'ai commencé à me sentir vraiment traité comme un terroriste." On le brutalise, le fait mettre à genoux, mains menottées dans le dos. "On était maintenus dans un climat d'angoisse permanent."

Seules lectures possibles : une biographie de Louis de Funès et un livre de Gilbert Collard

Puis vient une audience, une parodie de procès à l'issue de laquelle Loup Bureau est envoyé en prison. "La juge m'a dit que j'allais en prison quelques mois, le temps que l’on contrôle mon matériel. Un vrai coup sur la tête. J'ai compris que j’étais dans une situation très compliquée", explique le journaliste qui se remémore aussitôt le film Midnight express (1978) qui dépeint la cruauté du système carcéral tuirc dans les années 70 et qu'il avait vu à peine deux mois plus tôt. Il a le temps d'appeler son père avant d'arriver en prison.

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Le moral ne suivait plus du tout. Je n'avais plus envie de rien.

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A son arrivée en prison, Loup Bureau doit subir un entretien dégradant, raconte-t-il encore aux Jours : "À ce moment-là, mentalement, j'étais au bord du gouffre." Il est toutefois à l'isolement dans une cellule avec télévision, kitchenette et des lits prévus pour douze détenus. Certains gardiens se comportent bien, d'autres lui donnent des tapes sur la tête et le traitent de "terroriste". Seul son avocat vient ponctuer son séjour très long. Après avoir lutté avec les autorités turcs, le conseil obtient à son client deux livres en français : une biographie de Louis de Funès et... un livre de Gilbert Collard. "Le moral ne suivait plus du tout, se souvient-il. Je n'avais plus envie de rien." La diplomatie française réussit à lui obtenir plus tard d'autres livres plus captivants, Proust et Shakespeare notamment.

Il lui faut attendre le 14 septembre pour avoir "plusieurs bonnes nouvelles". La venue à Ankara de Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, a semble-t-il fait bouger les choses. Une nouvelle audience a lieu et un juge signe finalement sa remise en liberté. "J'ai dû servir de monnaie d'échange, je n'y suis pour rien, cela me dépasse complètement", explique Loup Bureau après coup. Et très vite, il quitte la prison, s'envole pour Istanbul puis la France. "Dans l'avion, le soulagement émotionnel était très fort, j'étais vraiment au bord des larmes." Le 29 septembre, il soutiendra son oral dans son école de journalisme bruxelloise. Le ministre belge de l’Éducation a signé une dérogation spéciale pour qu’il puisse le faire : il devait théoriquement passer le 5 septembre. Et après? "J'aimerais continuer le journalisme. Mais tout ce qui s’est passé a tellement impacté mes proches…" Pour l'instant, il compte rester en France : "Je ne sais pas si je repartirai…"

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