L’UE prête à viser la neutralité carbone en 2050

Miguel Arias Cañete

Exclusif. La Commission européenne prépare une mise à jour de sa feuille de route pour une économie zéro carbone d’ici 2050. Une remise en cause qui sous-tend que les objectifs actuels de l’UE sont insuffisants.

À l’approche des élections européennes de 2019, La Commission Juncker commence à préparer la transition au prochain exécutif.

Moins d’un an après avoir présenté un paquet législatif sur l’énergie propre, toujours en discussion entre les institutions, la Commission prépare le nouveau document sur lequel s’appuieront les futures politiques énergétiques et politiques européennes.

« Atteindre les objectifs de l’accord de Paris, c’est-à-dire un réchauffement qui ne dépasse pas les 2°C, avec un objectif de 1,5 °C, ne sera possible qu’avec des actes forts. Atteindre la neutralité carbone durant notre siècle, par exemple », a indiqué une source impliquée dans la modification de la feuille de route sur les émissions de carbone pour 2050.

L'UE prépare un paquet énergie plus fossile que renouvelable

Exclusif. Tout en affirmant tirer l’ambition climatique vers le haut à Marrakech, l’Union européenne est en train de préparer une législation énergétique qui pourrait subventionner de nouvelles centrales à charbon et en affaiblir les renouvelables en Europe.

« Il ne s’agit pas seulement d’atteindre des objectifs quantitatifs », poursuit la source d’Euractiv. « Arriver à nos objectifs à long terme veut dire mettre en place les conditions de la transformation vers une société à faible carbone dès aujourd’hui. »

Plusieurs sources appartenant à l’industrie énergétique et ayant récemment rencontré le commissaire à l’action climatique, Miguel Arias Cañete, confirment que l’exécutif européen se prépare à lancer une consultation publique afin de mettre à jour sa feuille de route sur la société à faible carbone en 2018.

Publiée pour la première fois en 2011, la feuille de route posait les fondations de la politique énergétique et climatique de l’UE, en indiquant la voie à une réduction d’au moins 80 % des émissions du bloc d’ici 2050, conformément aux engagements internationaux de l’Union européenne. Cette feuille de route n’impose pas d’objectifs légalement contraignants aux États membres, mais indique la direction à suivre pour l’adoption de mesures contraignantes.

Elle a par exemple été transposée via un objectif de réduction des émissions nationales d’au moins 40 % d’ici 2030, approuvé par les chefs d’État et de gouvernement avant la conférence de l’ONU sur le climat, à Paris. Cet objectif a ensuite été inscrit dans la contribution des États européens à l’accord de Paris.

Les dirigeants de l'UE adoptent des objectifs énergie-climat « flexibles » pour 2030

Les dirigeants européens sont parvenus à un accord au rabais sur le climat. La réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % a été arrachée aux pays les plus réticents, mais au prix fort. Soit une hausse, non contraignante et de seulement 27 % des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique d’ici 2030. 

Continuer à avancer

La feuille de route « était un signal fort et ambitieux en 2011 et fait prendre de l’avance à l’UE en termes de préparation à long terme », assure la source européenne. « Mais nous savons aussi qu’il est temps de continuer à avancer. »

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que les pays développés devraient réduire leurs émissions de 80 à 90 % d’ici 2050 si le réchauffement climatique ne doit pas dépasser les 2°C. Cet objectif apparait d’ailleurs dans la feuille de route. Pourtant, il pourrait rapidement se révéler insuffisant.

Des scientifiques estiment en effet que les promesses faites dans le cadre de l’Accord de Paris, si elles sont respectées, ne parviendraient pas à faire passer le réchauffement sous les 2,5°C, voire 3,5°C d’ici 2100. Les recherches publiées récemment dans le journal spécialisé Climatic Change prédisent qu’il est déjà trop tard pour atteindre l’objectif de 2°C et ont recommandé l’utilisation de technologies de géoingénierie pour absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère.

La géo-ingénierie, un vrai levier contre le réchauffement climatique

La communauté internationale a déjà raté sa chance de limiter à 2 °C le réchauffement climatique, selon des chercheurs suisses. Les technologies de géo-ingénierie pourraient cependant permettre de rattraper ce temps perdu.

Vers un 100 %

« Pour limiter le réchauffement climatique, nous devrons finir par supprimer définitivement les émissions de CO2 et diminuer les autres émissions de gaz à effet de serre », affirme Malte Meinshausen, professeur de sciences de la Terre à l’université de Melbourne.

« Si nous voulons une économie zéro carbone d’ici à 2050, ou du moins proche de zéro, nous devons commencer dès aujourd’hui à faire des investissements zéro-émissions, car remplacer le stock d’investissements existants prendra beaucoup de temps », a-t-il expliqué dans un article publié dans le magazine scientifique Nature l’année dernière.

Interrogé sur l’objectif 2050 de réduction des émissions en Europe, une source bien placée de l’industrie a répondu : « Pouvons-nous aller au-delà des 95 % ? », a-t-il demandé, ajoutant que la nouvelle feuille de route « visait un 100 % ».

Reste à savoir si le chiffre de 100 % sera mentionné dans une série de différents scénarios ou en tant que principal objectif de référence.

Toutefois, dans le cas où la neutralité carbone devient bel et bien un objectif européen pour 2050, les responsables commencent déjà à préparer le terrain.

« Pour préparer les bases analytiques pour une stratégie européenne, la Commission est déjà en train de mettre en place les fondations scientifiques nécessaires », affirme la source, impliquée dans la mise à jour de la feuille de route. Selon elle, cela sera fait en lien avec un rapport 2018 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et permettra de dégager des pistes pour maintenir le réchauffement climatique en dessous des 1,5 degré.

Le travail de la Commission inclura « une analyse en profondeur des transformations économiques, sociales et environnementales nécessaire pour alimenter le débat politique dans le contexte de développement de stratégies de milieu de siècle », indique la source.

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