CETA, l'épine dans le pied d'Emmanuel Macron

Manifestation des opposants au CETA le 20 septembre 2017. Ils considèrent que l'application provisoire du CETA, avant la ratification par les parlements de l'UE, est une atteinte à la démocratie.  ©Maxppp - Bruno Levesque
Manifestation des opposants au CETA le 20 septembre 2017. Ils considèrent que l'application provisoire du CETA, avant la ratification par les parlements de l'UE, est une atteinte à la démocratie. ©Maxppp - Bruno Levesque
Manifestation des opposants au CETA le 20 septembre 2017. Ils considèrent que l'application provisoire du CETA, avant la ratification par les parlements de l'UE, est une atteinte à la démocratie. ©Maxppp - Bruno Levesque
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L'accord de libre échange avec le Canada s'applique dorénavant, mais de façon provisoire.... Jusqu'à quand? L'application de l'accord peut-elle être remise en cause? Comment?

Depuis quelques jours, l'accord de libre échange avec le Canada s'applique.

  • Selon la ministre chargées des affaires européenne, Nathalie Loiseau, la suppression des tarifs douaniers représente une économie de 400 millions d'euros pour tous ceux qui exportent vers le CANADA.
  • Le ministre canadien du commerce international François Philippe Champagne met lui en avant les effets bénéfiques pour la classe moyenne.

Le CETA est bon pour la croissance, bon pour l'investissement, bon pour les emplois... les arguments de ceux qui ont négocié le CETA sont connus, débattus et remis en question par ses opposants qui espèrent encore pouvoir le faire abroger.

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*** Voir ici un ancien billet économique sur les difficiles évaluations des retombées économiques des accords de libre échange: Le CETA, qui y gagne, qui y perd?

Est-ce possible d'annuler un accord provisoire?

Légalement oui, en pratique, c'est délicat, car très souvent les acteurs économiques n'ont pas attendu l'application, même provisoire, pour anticiper la levée à venir des barrières douanières. Une fromagerie française m'a dit avoir déjà investit 8 millions d'euros pour s'agrandir, et se mettre au normes sanitaires du Canada, pays où elle exporte déjà et espère exporter davantage. Si le CETA meurt, ce serait une catastrophe pour toutes les entreprises, européennes, et canadiennes qui ont parié sur sa mise en œuvre.

Ces attentes économiques, sont souvent jugées légitimes par les élus européens qui savent qu'ils jouent en plus la crédibilité de l'Union Européenne. D'où l'impression que le provisoire ne peut qu'être confirmé, et la démocratie confisquée aux entournures.

Il y a quand même des cas, où le provisoire est annulé. En 2011, le parlement européen a abrogé l'application provisoire d'un accord entre l'UE et le Maroc sur la pèche. Mais pour le CETA, il n'y a rien à attendre de ce côté là, car le CETA a été approuvé par le parlement européen avant l'application provisoire. C'était en février 2017. 408 voix pour, 254 contre, 33 abstentions.

38 parlements doivent ratifier

La balle est dans le camp des 38 parlements nationaux ou régionaux de l'Union Européenne, 32 plus exactement, car 6 ont déjà ratifié le CETA: le Portugal, le Danemark, la Lettonie, Malte, la Croatie et la République Tchèque.

Il y a quelques années encore, il n'y aurait pas eu de suspense, mais aujourd'hui, rien n'est exclu. Les opposants au CETA y croient et citent trois maillons faibles: les Pays Bas, la Belgique et la France...

Les Pays bas ont déjà dit non à un traité qui s'appliquait de façon provisoire, un traité UE Ukraine. Aujourd'hui, les opposants au CETA cherchent à réunir assez de signatures pour lancer un nouveau référendum sur le CETA. Le gouvernement cherche lui à limiter le recours au référendum. Affaire en cours.

En Belgique, le parlement Wallon a saisi la cour européenne de justice de l'UE sur la compatibilité du CETA avec les règles de justice européennes. Affaire en cours aussi, la réponse peut prendre plusieurs années et l'application provisoire du CETA durer autant.

La France: un des maillon faible

En France, la situation s'est compliquée ces derniers temps. Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait promis un rapport indépendant sur les conséquences du CETA sur l'environnement. Il a été rendu, il y a deux semaines, le 8 septembre, le jour de sa fameuse phrase sur les fainéants, ce qui n'a pas aidé au retentissement médiatique de ce rapport.

Sans dire ATTENTION DANGER, NE PAS RATIFIER, les experts ont clairement souligné les "incertitudes" que fait peser le CETA sur la sécurité alimentaire et les accords climatiques.

Étrangement le ministère des affaires étrangères qui gère le dossier n'a pas cru bon de remettre à jour sa page internet dédié au CETA, les informations qu'on y trouve au moment où j'écris remontent à juillet 2016. Aucune mention de ce rapport, aucune information officielle sur la suite des événements, encore moins une date de présentation du texte de ratification au parlement.

Pas de mention du rapport d'expert indépendant sur les conséquences du CETA sur le site du ministère des Affaires Etrangères qui suit le dossier
Pas de mention du rapport d'expert indépendant sur les conséquences du CETA sur le site du ministère des Affaires Etrangères qui suit le dossier
- MV

Les associations croient savoir qu'un comité de suivi va être mis en place pour évaluer l'impact sanitaire et environnemental du CETA, comme le recommande, c'est classique, le rapport d'experts cité plus haut. Qui composera ce comité? La ratification aura-t-elle lieu avant ou après qu'il rende un éventuel rapport? En tiendra-t-elle compte? On ne sait pas. Ce qu'on sait d'expérience, c'est que les rapports d'experts s'enterrent et que les comités de suivi font rarement la une des journaux.

Le CETA est une épine discrète dans le pied du président de la République. Une épine que ses opposants cherchent à faire grossir en se mobilisant pour un référendum.

Car le Président de la République n'est plus le seul à en prendre l'initiative dorénavant en France. La démocratie, ce n'est pas la rue nous dit-il, mais depuis 2015, cela peut l'être. Si 185 parlementaires députés et sénateurs le demandent et qu'une pétition recueille 5 millions de signatures (10% du corps électoral, donc 4.6 millions plus exactement), il peut y avoir un référendum en France sur la ratification du CETA. Cette éventualité n'est pas à jeter d'emblée aux oubliettes, tant le CETA réunit contre lui des politiques de tout bord, de l’extrême gauche, à l’extrême droite, en passant par la droite et la gauche. Les résultats des élections sénatoriales qui se tiennent ce week-end seront à observer de ce point de vue là aussi.

Le président Français qui se veut, par ailleurs, le fer de lance d'une refondation démocratique de l'Europe à partir des citoyens, discours en grec à l'appui (dont vous pouvez entendre un extrait dans la version audio) aurait bien du mal à s'opposer à la tenue d'un tel référendum... La course aux signatures au parlement, et dans les rues est lancée.

Marie Viennot

L'équipe