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Politique

Elections allemandes : Chirac, Sarkozy, Hollande... 12 ans de regards français sur Merkel

Alors qu'elle se dirige vers un quatrième mandat consécutif, les politiques français partagent leurs anecdotes sur Angela Merkel, la femme qui a survécu à Chirac, Sarkozy et Hollande.

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Macron et Merkel

Emmanuel Macron survivra-t-il à Angela Merkel?

AFP

Douze ans qu'ils l'observent, la scrutent, l'étudient dans les moindres détails... et tentent de percer le secret de sa longévité. Les politiques français devraient accueillir la réélection d'Angela Merkel dimanche avec un mélange d'admiration et de jalousie. Pensez: depuis son élection face à Gerard Schröder en 2005, "mutti Merkel" a connu quatre présidents français  - Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron, une demi-douzaine de Premier ministre, et presque autant de ministres des Affaires étrangères et de secrétaires d'état aux Affaires européennes. Dans cette même période de temps, la chancelière allemande n'a jamais été inquiétée pour son poste, remportant triomphalement les élections de 2005 et 2009. Et les derniers sondages menés outre-rhin la donnent largement gagnante, dimanche, face à son adversaire social-démocrate Martin Schulz. Une victoire qui lui ouvrirait la voie d'un quatrième mandat consécutif, dans les pas de son mentor Helmut Kohl.

Qui l'aurait parié? Certainement pas les observateurs français. "Il y a toujours eu de la condescendance, de la misogynie presque, face à cette femme d'Allemagne de l'Est", observe Daniel Cohn-Bendit. "On disait: cette femme n'y arrivera pas. Dès le début elle était disqualifiée". "Les Français ont toujours sous-estimé les nouveaux dirigeants allemands, abonde le député européen Alain Lamassoure. Leur style est très différent du notre. Ils ne sont pas brillants, ce ne sont pas des grands orateurs. Kohl a été très sous-estimé à ses débuts, avant de s'imposer comme l'une des figures majeures du vingtième siècle. C'est la même chose pour Angela Merkel".

Peut-être le plus allemand des hommes politiques français, Daniel Cohn-Bendit est logiquement l'un des premiers à avoir repéré la future chancelière allemande. "C'était en 1991 ou 1992, lors d'un débat à la télévision allemande organisé à Francfort. Elle venait d'être nommée ministre des Femmes et de de la jeunesse dans le gouvernement d'Helmut Kohl. Nous sommes allés dîner après l'émission et nous avons débattu du sujet à la mode à l'époque: la possibilité d'une alliance entre les chrétiens-démocrates (centre-droit) et les Verts", se souvient-il. "Des années plus tard, je suis invité à la chancellerie en qualité de président du groupe parlementaire écologiste au parlement européen. Je l'aborde et je lui dit en allemand: "Vous vous souvenez de notre première rencontre, de ce dont nous avions parlé?". Elle fait mine de ne pas s'en souvenir. Je lui rafraîchis la mémoire et elle me répond avec un sourire plein de malice: "Moi? Mais vous n'êtes pas sérieux. Jamais je ne parlerai de ça."

Escapade hollandaise

Autre époque, autre souvenir. En 1995, Corinne Lepage est nommée ministre de l'environnement du gouvernement Juppé. Son homologue en Allemagne est une certaine... Angela Merkel. Les deux femmes sympathisent à l'occasion des sommets informels organisés dans le cadre européen. "C'était une femme très agréable. On formait un petit groupe assez soudé avec la malheureuse Anna Lindh (ministre de l'environnement suèdoise assassinée en 2003), l'espagnole Cristina Alberdi et Angela Merkel". En 1997, à l'occasion de la signature du Traité d'Amsterdam, les quatre femmes s'échappent pour une virée au musée Van Gogh et déambulent dans les rues de la ville hollandaise.

Autre anecdote de l'ancienne députée européenne, un voyage en avion en 1995. "Nous venions d'avoir une réunion à Sofia en Bulgarie, mon agent de sécurité se rend à l'aéroport avec mon passeport, et il se rend compte que l'avion est déjà parti. Je vais voir Angela Merkel, catastrophée, qui propose de me ramener dans son avion personnel. C'est comme ça que nous nous sommes retrouvées à échanger pendant 1h15 dans un mélange d'anglais, de français et d'allemand." Les deux femmes se recroiseront en 2014, lors des cérémonies du débarquement en France, où l'ancienne ministre de l'Environnement est invitée par François Hollande. "Je suis allée la voir pour lui demander si elle se souvenait de moi. Elle m'a répondu par l'affirmative et m'a dit en plaisantant : "moi, tu peux pas me louper à la télé"".

Corinne Lepage se souvient d'une ministre "très déterminée, intelligente et pragmatique". Compréhensive aussi. Lorsque Corinne Lepage prend la tête du ministère de l'Environnement, Jacques Chirac décide de relancer les essais nucléaires dans le Pacifique. "Une décision difficilement soutenable", juge aujourd'hui l'ancienne ministre. "Mais Angela Merkel et le secrétaire d'état à l'environnement britannique, Michael Howard, ont tout fait pour ne pas m'enfoncer dans une situation qui était très difficile pour moi, se souvient-elle. Je leur en suis très reconnaissant à tous les deux."

Merkel, Royal et Sarkozy

Cinq ans plus tard, Angela Merkel prend la tête de la CDU, la principale formation politique de droite allemande. En France, le député européen Alain Lamassoure est chargé par l'UMP - qui vient d'être créée - de prendre contact avec elle. "Comme je la connaissais bien, c'est moi qui me suis retrouvé à la présenter aux jeunes dirigeants de l'UMP, Alain Juppé à l'époque, mais également Nicolas Sarkozy." Dix ans avant qu'ils ne gèrent ensemble la crise économique mondiale, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy font ainsi connaissance en marge d'un congrès de l'UMP. La rencontre ne laisse un souvenir impérissable à aucun des deux politiques. Tant et si bien que quelques temps après, Alain Lamassoure reçoit un appel de Nicolas Sarkozy. "Il me dit : "Tu sais, Angela Merkel c'est spécial... Est-ce que tu sais comment elle fonctionne?". Une semaine, plus tard, c'est Angela Merkel qui l'appelle à son tour.... pour lui demander la même chose! "Nicolas Sarkozy, c'est un peu spécial... Tu sais comment il fonctionne?". "Je garde pour mes mémoires la réponse que je leur ai faite à tous les deux", s'amuse le politique.

En 2005, Angela Merkel est élue chancelière allemande, à la surprise de tous - ou presque - en France. "Je me rappelle que l'on s'attendait à peu près à n'importe qui mais pas elle", ironise aujourd'hui l'ancienne ministre socialiste Elisabeth Guigou. "Nous l'avions rencontré à plusieurs reprises lors des rencontres bilatérales franco-allemandes sous Mitterrand ou Jospin et elle nous avait marqué par son côté un peu écolière, elle était très sérieuse et en même temps elle avait ce sourire de gamine." A l'Elysée, la jeune chancelière fait la rencontre de Jacques Chirac. "Tout le monde se souvient de sa première rencontre avec Angela Merkel, raconte le responsable d'une fondation d'amitié franco-allemande. Il lui a fait un baisemain! Personne ne faisait plus ça en Allemagne, c'était un geste de grand-père. Mais bon c'était Chirac..."

En 2007, la campagne présidentielle fait rage en France entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. La candidate socialiste active ses réseaux pour organiser une rencontre avec la chancelière allemande, qu'elle espère imiter en entrant à l'Elysée. L'ancien secrétaire général de l'Elysée Jean-Louis Bianco et Elisabeth Guigou, qui connaissent tous les deux Angela Merkel, sont à la manoeuvre. Leur mobilisation porte ses fruits: la dirigeante allemande recevra la candidate socialiste le 6 mars 2007 pour une heure d'entretien. Une entrevue qui se déroule dans une ambiance chaleureuse, même si la chancelière ne donne aucune marque de préférence pour Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy. Qu'importe, "en acceptant de recevoir Ségolène Royal comme elle l'a fait, Angela Merkel a marqué une inclination, on a senti une complicité féminine. C'était un geste de femme", interprète aujourd'hui Elisabeth Guigou.

L'urgentiste et la médecine préventive

Cet épisode n'empêche pas Angela Merkel et Nicolas Sarkozy de nouer une relation de confiance après l'élection de ce dernier. "La relation Merkel-Sarkozy était très amusante, observe Alain Lamassoure. Ils incarnaient en un sens la quintessence des défauts et des qualités de leurs deux pays. Sarkozy, c'était la réactivité, l'inventivité, la créativité, il aurait fait un très bon médecin urgentiste. Angela Merkel, au contraire, c'était le tempérament allemand, pesant toujours le pour et le contre avant de prendre une décision, mais se concentrant totalement sur son application une fois prise. La médecine préventive, en un sens. Elle était parfois stupéfaite de voir que, six mois plus tard, une décision prise de concert n'était déjà plus appliquée côté français."

Avec François Hollande, les relations sont plus compliquées. "Elle n'arrivait pas à le cerner, et lui non plus n'arrivait pas à la cerner", juge Daniel Cohn-Bendit. "La faiblesse politique de François Hollande sur le plan national a rendu les choses compliquées pour elle et le couple franco-allemand", estime l'historienne allemande Jacqueline Boysen, auteure d'une biographie d'Angela Merkel. "C'est vrai que leurs premiers contacts étaient assez froids, mais ça s'est amélioré par la suite", note le responsable d'un think-tank franco-allemand.

En 2015, la chancelière allemande est fragilisée par sa décision d'accueillir sur son territoire plusieurs centaines de milliers de réfugiés syriens. Elle dévisse dans les sondages et se fait siffler au congrès de la CSU, l'allié bavarois de la CDU. La chancelière joue sa survie politique lors du congrès de la CDU, en décembre 2015. Alain Lamassoure, invité en qualité d'émissaire européen du parti Les Républicains, est aux premières loges. "C'est à ce moment là que j'ai découvert la véritable Angela Merkel, dans le moment le plus difficile de sa carrière politique", raconte-t-il. Dans une ambiance électrique, la dirigeante commence par un discours sur l'état de l'Allemagne. "Elle détaille ce qui a été fait depuis 20 ans: la réunification du pays, l'élargissement de l'Union Européenne, les millions d'emplois créés, comment le chômage avait été éradiqué... Et c'est à ce moment qu'elle aborde le sujet des réfugiés en lançant son fameux slogan "wir schaffen das", "nous allons réussir", son "Yes we can" à elle. J'en avais la gorge nouée".

Macron, le fils spirituel?

L'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en France va-t-elle changer la donne dans la relation franco-allemande? "Il y a un courant qui passe, c'est une nouvelle page qui se tourne. Pour la première fois, Angela Merkel envisage qu'un président français lui survive", note Daniel Cohn-Bendit. "Côté allemand, on se dit qu'Emmanuel Macron pourrait être le fils d'Angela Merkel, cela change beaucoup de choses dans la vision que les allemands ont du nouveau président français", observe le responsable d'un think-tank franco-allemand". Les relations entre les deux dirigeants dépendront bien sûr de l'état d'avancement des projets de réforme de la zone euro. A ce titre, l'établissement d'une coalition "Jamaïca" CDU-FDP-Verts en Allemagne pourrait bloquer les projets du président français, le FDP étant très hostiles aux propositions d'Emmanuel Macron sur l'Europe.

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