Canal + : des «Guignols», il ne reste que le nom

De retour sur sa case emblématique en clair à 19 h 50, le programme de Canal + n'a plus grand-chose de satirique. Décryptage.

De nouveaux personnages, comme Donald Trump, ont rejoint les anciens Guignols cette année mais le sketch « Miss Migrante » est mal passé auprès du public.
De nouveaux personnages, comme Donald Trump, ont rejoint les anciens Guignols cette année mais le sketch « Miss Migrante » est mal passé auprès du public. CANAL +

    « Si vous localisez la pointe de vitesse de Rami, ou le pied gauche d'Evra, n'agissez pas seul. » Le 11 septembre, après une nouvelle défaite de l'OM, « les Guignols » se moquaient du club avec une fausse Alerte Enlèvement. Très ironique de la part d'une émission dont l'humour semble lui aussi porté disparu. Les marionnettes de Canal + ont bien fait leur rentrée le 4 septembre, mais on ne reconnaît plus l'émission à l'antenne depuis 1988 : le programme satirique ne fait plus rire.

    « Ils ont raté la campagne électorale. Plus personne ne les regarde. Et, hélas, c'est logique tant les sketchs sont désespérants », lance un ancien, amer. Même la direction reconnaît le naufrage et a exigé des ajustements rapides. « Les blagues sur le foot et les parodies de films sont marrantes mais le reste, notamment la politique, c'est nul. Il n'y a aucun point de vue... », reconnaît-on dans les couloirs, où un sketch intitulé « Miss Migrante »est particulièrement mal passé.

    Un passage en crypté catastrophique

    Le désamour du public pour les Guignols est d'autant plus cruel qu'on y retrouve les ingrédients qui ont fait leur succès, à commencer par les personnages phares, rejoints par des nouveaux (Macron, Trump, Kylian Mbappé ou Teddy Riner), toujours imités par Yves Lecoq, Marc-Antoine Le Bret, Sandrine Alexi et Daniel Herzog.

    Après plusieurs changements d'horaires et un passage en crypté catastrophique en termes d'audience, la pastille de sept minutes a retrouvé sa case historique : elle est diffusée en clair, à 19 h 50, au milieu de « l'Info du vrai » d'Yves Calvi. Sur la forme, c'est aussi un retour vers le passé. Canal propose à nouveau un vrai faux JT dans un sobre décor en bois haussé d'un grand écran.

    « Ce soir, ladies and gentlemen, depuis la canal factory, les Guignols présentés par... Jack Chirak ! » hurle sur un générique rock un speaker avec un fort accent américain. « Eh oui, je fais partie des gros transferts du mercato », s'est amusé lors de la première le double en latex de l'ancien président, désormais aux manettes. Comme Yann Barthès sur TMC, Jacques Chirac a un mug bleu sur lequel figure en blanc l'initiale de son show.

    Un humour « acceptable »

    Tout est comme avant, sauf que « les Guignols » ne font plus mouche. Ils sont à côté de la plaque. « David Gauthier, qui a pris la suite d'Yves Le Rolland (NDLR : le producteur historique, viré en 2016 ), cherche à ne pas faire de vagues. Les sketchs sont écrits trois jours à l'avance. Les auteurs sont bons mais démotivés. Ça crève à petit feu », lance un autre ancien, qui dénonce une série de mauvais choix comme celui de ne plus être en public ni en direct. « Les Guignols » ne se sont toujours pas remis de la crise de l'été 2015. Vincent Bolloré, l'actionnaire de Canal +, a voulu les supprimer purement et simplement. Face à l'indignation de la classe politique (le vrai François Hollande est même intervenu), l'homme d'affaires les a maintenus à condition qu'ils adoptent un humour « acceptable ». Une nouvelle bande d'auteurs a alors été recrutée.

    « Il s'est passé la même chose qu'avec le Grand Journal, Bolloré a diminué le budget d'une émission chère et sans doute à la fin d'un cycle. Résultat : il a réduit de 25 % le budget (NDLR : 15 M€ par an à l'époque) et a placé ses hommes. Mais il a cassé l'âme de l'émission », rappelle une ancienne figure de la chaîne. Et le public l'a senti. Actuellement, à peine 200 000 téléspectateurs regardent « les Guignols » chaque soir, contre 1,8 million en 2014...

    Stars internationales, humour douteux