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Pourquoi certaines espèces s’adaptent au changement climatique et d’autres non

Migrations vers le nord, changements de comportement : l’Académie des sciences publie, lundi, un vaste rapport sur les réponses de la biodiversité au réchauffement.

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Publié le 25 septembre 2017 à 10h29, modifié le 25 septembre 2017 à 15h06

Temps de Lecture 5 min.

Dans la vallée de Chamonix, le 27 août.

Des oiseaux et des papillons qui migrent vers le nord à la recherche de températures plus fraîches. Des lézards dont la flore intestinale est altérée par la hausse du thermomètre. Des coraux qui blanchissent et dépérissent sous l’effet d’une mer plus chaude et plus acide. Les effets, nombreux et complexes, du changement climatique sur la biodiversité sont de plus en plus documentés. Mais les scientifiques ne comprennent toujours pas l’intégralité des mécanismes biologiques qui déclenchent, ou pas, l’adaptation des espèces. Il en va pourtant de leur survie et également de celle des êtres humains.

C’est l’objet d’une vaste étude de l’Académie des sciences, qui vise à mieux saisir l’adaptabilité des écosystèmes aux dérèglements climatiques, afin de minimiser les impacts de ces derniers. Lundi 25 septembre, l’institution pluricentenaire a publié le fruit de deux années de travaux sous la forme d’un lourd rapport de 160 pages auquel ont contribué 32 scientifiques français. Les auteurs dressent sept recommandations, destinées aux ministères de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche, parmi lesquelles la création d’observatoires de la biodiversité.

Il y a urgence. Partout, la biodiversité recule, avec des réactions en chaîne sur l’ensemble des écosystèmes. En juillet, une étude publiée dans les PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) révélait que 32 % des vertébrés déclinent en termes de population et d’étendue. Les causes sont connues : il s’agit, en premier lieu, de la perte et de la dégradation de l’habitat sous l’effet de l’agriculture, de l’exploitation forestière, de l’urbanisation ou de l’extraction minière. Viennent ensuite la surexploitation des espèces (chasse, pêche, braconnage), la pollution, les espèces invasives, les maladies.

Sélection naturelle

Depuis peu, note le rapport de l’Académie des sciences, « une contrainte supplémentaire fragilise encore davantage ces écosystèmes déjà perturbés » : le changement climatique et, en particulier, la hausse des températures moyennes d’environ 1 °C depuis l’ère préindustrielle. « S’il n’est pas toujours aisé de différencier l’impact du seul réchauffement lorsque toutes les pressions s’additionnent, ses effets se font néanmoins déjà sentir », assure Yvon Le Maho, écophysiologiste (CNRS, université de Strasbourg) et l’un des trois coordinateurs du rapport.

Comment la biodiversité réagit-elle à cette nouvelle contrainte ? Le premier effet est celui du déplacement vers les pôles, les sommets des montagnes ou les profondeurs des océans. Les études scientifiques montrent qu’en moyenne les espèces animales terrestres migrent vers le nord de 17 kilomètres par décennie et les espèces marines de 72 kilomètres, avec de grandes disparités toutefois. Des insectes ravageurs des forêts tels la processionnaire du pin sont capables de suivre rapidement le déplacement de leur niche climatique (c’est-à-dire les conditions de température ou de précipitations idéales pour leur reproduction et donc leur survie), au contraire des arbres, qui sont plus lents.

Pour les espèces qui ne peuvent ni se déplacer, ni changer de comportement ou tolérer des variations, intervient alors la sélection naturelle : certaines sont privilégiées tandis que d’autres disparaissent. « Les individus avec les génotypes les plus favorables seront sélectionnés », note le rapport. En milieu aquatique, par exemple, les espèces les moins adaptées au déficit d’oxygène qu’entraîne l’augmentation des températures de l’eau sont les plus vulnérables, celles amenées à s’éteindre le plus rapidement.

« Désynchronisation des réponses entre espèces »

« Au-delà des organismes individuels, tout l’enjeu est de tenir compte des interactions entre les espèces, explique Sandra Lavorel, écologue au laboratoire d’écologie alpine de Grenoble, qui a coordonné l’étude. Il peut y avoir une désynchronisation des réponses entre individus, de sorte que l’on ne peut pas forcément prévoir la manière dont l’ensemble d’un écosystème va s’adapter au changement climatique. »

La date de floraison de certaines plantes peut ainsi se voir avancée en raison de la hausse des températures et ne plus correspondre à l’arrivée de pollinisateurs. De la même façon, s’il fait plus chaud au printemps, la naissance des petits des mésanges risque de survenir à un moment où les chenilles sont déjà devenues des papillons, limitant donc leur nourriture. A l’inverse, un printemps froid réduit la disponibilité en végétaux pour les cerfs, les chamois ou les bouquetins au moment de la mise bas, ce qui compromet leur survie des jeunes.

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Ces changements globaux peuvent déboucher sur d’importants déséquilibres. C’est le cas lorsque les insectes ravageurs se déplacent plus rapidement vers les pôles que les prédateurs susceptibles de les limiter. Ou quand des espèces arrivent dans de nouveaux territoires et entrent en compétition avec la faune et la flore déjà présentes.

« Nous manquons de données pour savoir si les réponses des espèces sont suffisantes comparé à l’ampleur du changement climatique, présent et à venir », juge Romain Julliard, professeur en écologie de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle. « Et sur les deux millions d’espèces que nous connaissons, nous n’avons étudié la réponse au réchauffement que d’une poignée », complète Franck Courchamp, écologue et directeur de recherches au CNRS, qui a participé à l’étude de l’Académie des sciences.

Apparition de maladies

Afin d’accroître ces connaissances, les académiciens recommandent la création d’observatoires de la biodiversité, sur le modèle de ceux qui existent en sciences de l’univers, « avec des statuts, des moyens à long terme et des personnels dédiés », précise Yvon Le Maho. Ils suggèrent également de modéliser les dynamiques des écosystèmes, de revoir les politiques agricoles et forestières et d’intervenir sur les autres facteurs nuisibles à la biodiversité, grâce à des quotas de pêche, des aires marines protégées, etc.

« La redistribution du vivant a des impacts plus importants que ce que l’on imaginait et qui vont bien plus loin que la simple biodiversité, avertit Jonathan Lenoir, maître de conférences en biostatistiques à l’université de Picardie Jules-Vernes. Elle nous affecte également tant nous dépendons du bon fonctionnement des écosystèmes pour notre alimentation, notre santé, notre bien-être ou nos activités. »

Dans une étude publiée dans la revue Science en mars, il montrait, avec 40 autres chercheurs, que le réchauffement, en affectant la biodiversité, entraîne l’apparition de maladies dans de nouvelles zones, des menaces économiques (avec la redistribution des ressources halieutiques, par exemple), mais également une modification de la dynamique même du réchauffement climatique. « En Arctique, l’embroussaillement de la toundra et la progression de la forêt boréale diminuent l’albédo du pôle Nord, c’est-à-dire son pouvoir réfléchissant, et accentuent donc le réchauffement par effet de rétroaction », précise-t-il. Et Romain Julliard de compléter : « Ce n’est pas seulement la biodiversité qui doit s’adapter, mais aussi la société. »

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