Prison de Nîmes : des détenus s’attaquent à l’Etat

Une avocate de Nîmes veut faire changer la loi pour que l’Etat soit reconnu responsable des conditions de détention de plusieurs détenus dans la prison de Nîmes, une des plus surpeuplées de France.

 Douches communes quatre fois par semaine, matelas au sol, vétusté des locaux, violences répétées, contaminations d’infections virales… Le  taux d’occupation de la prison de Nîmes (Gard) dépasse les 200%.
 Douches communes quatre fois par semaine, matelas au sol, vétusté des locaux, violences répétées, contaminations d’infections virales… Le  taux d’occupation de la prison de Nîmes (Gard) dépasse les 200%. Google Street View

    Ce mardi, la première étape d'une procédure judiciaire inédite en France va avoir lieu devant le tribunal correctionnel de Nîmes (Gard). Quatre détenus assignent l'Etat pour «mise en danger de la vie d'autrui» - une infraction pénale - en raison de leurs conditions d'incarcération. Cette audience va dans un premier temps permettre aux magistrats de fixer la date du jugement sur le fond qui interviendra plus tard.

    Douches communes quatre fois par semaine, matelas au sol, vétusté des locaux, violences répétées, contaminations d'infections virales… sont constamment dénoncés dans l'établissement qui voit régulièrement son taux d'occupation dépasser les 200%. «La surpopulation exacerbe les tensions, ce qui met en danger les détenus comme le personnel pénitentiaire», glisse leur avocate, Me Khadija Aoudia.

    L'idée d'attaquer l'Etat s'est imposée après avoir appris lors de parloirs avec des clients, que l'un a été violé, qu'un autre n'a pas bénéficié de soins quotidiens après une intervention chirurgicale et a été tabassé, ou qu'un troisième «vit la peur au ventre» avec un co-cellulaire atteint de troubles psychiatriques et du VIH. « On ne peut pas rester dans la sidération et l'indignation sans agir, soupire-t-elle.

    Après la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme, du contrôleur des lieux de privation et de l'Observatoire international des prisons, rien n'a changé.» Puisque l'Etat ne donne pas à l'administration pénitentiaire les moyens nécessaires pour de bonnes conditions de détention, il est responsable «des atteintes à la dignité humaine, des dangers sur autrui et des risques encourus», estime-t-elle. Sauf que l'article 121-2 du code pénal prévoit que «les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont pénalement responsables». Théoriquement, l'Etat ne devrait donc pas être jugé.

    Abolition de la dignité

    «Ce texte porte atteinte au principe posé par le préambule de la Constitution de 1946 qui rappelle dans son article 6 que toute personne doit bénéficier d'une égalité de traitement devant la loi, j'ai donc décidé de déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », explique Me Aoudia. Les arguments juridiques de la QPC seront étudiés lors du jugement sur le fond. Si les magistrats nîmois estiment que la QPC est fondée, ils la transmettront à la cour de Cassation, qui choisira à son tour de la soumettre ou non au Conseil constitutionnel qui décidera ou non de déclarer le texte anticonstitutionnel.

    « Je serai agréablement surprise si ma QPC passe le filtre de la cour d'appel de Nîmes », reconnait l'avocate. L'objectif reste néanmoins que s'ouvre un débat public sur les conditions de vie des prisonniers, mobilisant intellectuels et députés. « Si on ne peut pas changer le texte par le Conseil constitutionnel, on peut le faire par le Parlement, espère Khadija Aoudia. Un détenu ne doit être condamné qu'à une privation de liberté, pas en plus à une abolition de sa dignité et une mise en danger de sa personne. »